Samedi 11 juin 2011
Petit jour sur le Pacifique, Fatu Hiva se profile peu à peu dans la brume et le crachin. Des falaises acérées semblent déchirer le ciel de leurs pointes vives. Côte déchiquetée plongeant dans l’océan. Une impression de force sauvage, brutale se dégage. Mer forte et obscure. Nature puissante. Les flancs des collines tombent droit dans les profondeurs bleu marine. Les cocotiers affolés s’accrochent jusqu’au dernier bout de terre. La baie de Hanavave (HHH’anavavé, avec l’accent s’il vous plait !) surgit au détour d’une falaise d’un vert émeraude, étroit goulet au fond duquel le village s’étire paisiblement. Ancrage difficile, le tombant est raide, le vent démentiel avec des bourrasques à décorner un mammouth, et près du bord, un fond de galets de très mauvaise tenue. Et voilà, nous y sommes ! Nous sommes aux MARQUISES !!!! Enfin, plutôt à FENUA ENATA, la “Terre des Hommes” de son vrai nom. Marquises, c’est bien un nom qu’un Occidental poudré pouvait donner à des iles nanties de si “forts caractères”. Rien de “Marquises” à perruques et pompons sur ces terres rudes, comme on le verra.
Hanavavé se tient au fond de la Baie des Vierges.
La Baie des Vierges, nom plus politiquement correct que l’ancien : Baie des Verges… Pas la peine de se poser la question longtemps, il suffit de contempler les fières colonnes de roche sculptées par l’érosion pour comprendre.
Et nous retrouvons avec plaisir “Tahaa Tiva”, Martine, Christian et bien sûr, Gatun (le schnauzer acheté a Panama) qui a poussé en hauteur mais pas en longueur, il fait très ado dégingandé. Pour le moment, on va se coucher après la dernière nuit digne d’un rodéo, on est courbaturés et fatigués.
Selon le guide , l’arrivée en annexe au village devait être “sportive” en “sautant de la vague sur la plage” au bon moment … Coup de bol, les habitants ont depuis construit un petit quai et monté une digue de protection. Car les vagues sont fortes, la mer n’est pas tendre dans le coin. Débarquement dans l’après-midi, le pied un peu mou après presque trois semaines de navigation. Les enfants nous accueillent en se jetant –avec amour!- sur Jeanne et Gatun. C’est à qui promènera, tiendra le laisse, gratouillera ces chiens-jouets qui n’ont qu’un lointain rapport avec ce qui fait office de chiens ici: des molosses à dents longues. Petite montée avec maisonnettes et jardins, grand calme, propreté absolue des rues en béton, pas un papier qui traine ! Après Colon et les villes d’Amérique Centrale, c’est surréaliste. Nous croisons les habitants, souriants, visiblement ravis de la visite. Les conversations s’engagent facilement. La douceur de l’accueil Marquisien offre un contraste étonnant avec le paysage tourmenté et déchiré .
Qui aurait cru que marcher me ferait autant plaisir ? Hein, je vous le demande un peu, surtout quand on me connait … Et bien, une bonne promenade nous amène tout en haut de la rue principale, enfin, de la rue (quoique: il y en a TROIS, de rues!), nous savourons le paysage, le calme. Plus de roulis, de bruits sourds et moins sourds, de vent qui fait claquer les voiles.
Et au milieu de la nuit: surprise ! Jeanne nous réveille en aboyant mollement, genre hésitant mais pas rassurée. Il est 2h, ça va pas non? Non, en effet, ça ne va pas. Nous avons dérapé, l’ancre s’est décrochée et nous flottons mollement vers le large … Branle-bas de combat, moteurs, retour en fanfare, ancrage à côté d’un autre cata, plus à l’intérieur de la baie. Personne ne sort, la population marine du coin dort du sommeil du juste, et sur ses deux oreilles. On se recouche, en espérant ne pas se réveiller a nouveau en pleine mer …
Dimanche 12 juin 2011Dimanche de Pentecôte oblige, le village au grand complet se retrouve à l’église. Tenue de fête, fleurs dans les cheveux pour ces dames et chemises à fleurs pour les messieurs. Chaussures pour tout le monde, c’est dimanche. A 8h, nous y sommes aussi, pomponnés de frais. Ce n’est pas une messe, pas de curé, mais un diacre (enfin, je pense que c’est ainsi qu’on l’appelle) mène la danse, euh, la cérémonie. Il s’agit d’une succession d’interventions au micro, de chants accompagnés de guitares et ukulélés, le tout en pur Marquisien. Nous n’y comprenons rien, mais il se dégage une telle ferveur, joyeuse, festive que l’émotion est prenante. Et nous somme pris. Les voix superbes, les chants repris par tous avec force font leur œuvre: la mécréante est émue et le Protestant va communier. On aura tout vu aux Marquises…
A la sortie, les enfants m’assaillent: la veille j’ai promis des bonbons pour le jour de fête. Ils ont une mémoire d’éléphant, ces petits …


Félicia et Teupoo de son nom Marquisien, ou Tiffanie de son nom Français.
Cathy et Désirée ont préparé un “Four Marquisien”, au bénéfice d’une association du village qui organise un voyage à Hawaï pour les ados. Notre premier repas Marquisien est grandiose. D’abord, ouverture du four. Bon, non. D’abord, remplissage du four ! Mais comme il a eu lieu à 4h du matin, je laisserais Désirée me raconter : Le four est un grand trou creusé dans le jardin. Une jante de camion est insérée, qui va délimiter les cloisons. Les légumes pays –manioc, bananes rouges, igname, fruits à pain etc.- sont enveloppés bien serrés dans des feuilles de bananiers, ainsi que les viandes : chèvre, poulet et … le fameux cochon sauvage chassé la veille. Du poisson aussi. Les paquets sont recouverts de feuilles de bananiers, puis de pierres brulantes, puis de feuilles de bananiers, de sacs de jute, et enfin de terre. Et on ouvre à 11h30. Pas 11h40 ni midi !
En route pour la maison de “Restauration” où la table de banquet est installée.
Le four Marquisien a cuit viandes et légumes à point, à l’étouffée, de façon saine et succulente. On dévore comme des affamés !
Musique et papotage, le courant passe bien avec Désirée et Cathy. Désirée a longtemps travaillé en métropole avant de revenir s’installer à Hanavave. Cathy, sa “sœur de lait”, nous parle longuement du grand soucis des mères du village : la consanguinité. Elles poussent les enfants à aller à l’extérieur et surveillent de très près les amourettes entre cousins déjà cousins par de multiples enchevêtrements. La peur de l’enfant handicapé est forte : il y a un pourcentage important de jeunes trisomiques au village.
Avant de partir, Cathy m’offre un “Bouquet d’Amour”: assemblage de racines de vétiver, feuilles de pandanus, fleurs de tiaré, feuilles de menthe et, au centre un petit morceau de banane roulé dans de la poudre de santal. Ce matin, à l’église, de belles vahinés avaient enroulé leur chignon autour d’un de ces Bouquet d’Amour et parfumaient l’air tout autour d’elles. Un parfum suave qui va embaumer le carré pendant plusieurs jours …
Nous rentrons bardés de pamplemousses, citrons, oranges, cadeaux de bienvenue…
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