“Ecrire c'est une façon de parler sans être interrompu.”
(Jules Renard)
Petit déjeuner préparé par Carine, dont c’est la spécialité. Un vrai plaisir renouvelé chaque matin. Tremper sa tartine de pain grillé -agrémentée si on veut de la confiture bananes maison- dans son café, le regard vague sur la mer qui s’éveille (enfin, la mer je ne sais pas, mais moi, oui, doucement). Puis, coup de fouet grâce au célèbre “Jus de citron frais pressé” (de quoi réveiller un comateux). Enfin, un monde de douceur au fond d’un pamplemousse géant. On ne s’en lasse pas.
Partis vers 13h de Ahe, une nuit de navigation sous les étoiles (une merveille …) et entrée à RANGIROA vers 8h du matin. Bien sûr le courant est sortant, c’est à dire contre nous, et le lagon n’est pas balisé. Rangiroa a deux passes : TIPUTA célèbre pour ses centaines de requins de toutes espèces, lieu de reproduction découvert et filmé par Pierre Descamp (la famille de Luké au sens large) et Laurent Ballesta, son associé ( si on aime, ils sont les auteurs d’un superbe livre sur les fonds marins de la planète “Planète Mers”) et AVATORU. Tiputa a mauvaise réputation -courant violent- et n’est utilisée que par les gros navires. Nous passerons par Avatoru. Déjà, ce n’est pas de la tarte. La passe mène à une véritable mer intérieure qui se comporte comme une mer, avec des vagues pouvant atteindre 1m50 à 2m et de la houle. Le lagon de Rangiroa est le plus vaste des Tuamotu :80km de long sur 20 de large en moyenne. La Belle remonte un peu le lagon et se gare devant le motu Otetou, juste avant la passe de Tiputa : et si on allait y plonger, nous aussi ?
Quand on pense que nos arrières-grands-mères étaient obligées de se compacter dans des corsets terribles et que nous, par plaisir, on s’insère dans des combinaisons de plongée heureusement très élastiques. Mais quand même très difficiles à pénétrer ! Luké porte assistance à Carine qui se retrouve bientôt sanglée et encaoutchoutée, prête à sauter à l’eau. Nous n’irons pas dans la passe même de Tiputa mais à la sortie, autour d’un petit motu à fleur d’eau, le motu NUHI NUHI. De Rangiroa, je ne retiendrai que le monde sous-marin. Une pure merveille. Jamais je n’aurais imaginé que nous pourrions être “comme au cinéma”, quand on voit les plongeurs entourés de myriades de poissons multicolores. Il me semblait que ces visions de rêve étaient réservées à des plongeurs émérites, harnachés bouteilles et téméraires. Plongeuse de surface, tuba en pointe et fesses en bouée témoin, je ne me voyais pas dans le tableau. Et pourtant, si. A peine le nez sous l’eau et c’est l’enchantement. Non seulement ils sont beaux, non seulement ils sont gros mais en plus ils sont familiers. Notre brutale apparition au milieu de leur promenade les fait à peine dévier au dernière moment. Faut pas pousser, ils ne se laissent pas encore caresser.
Familles de Napoléons, poisson Perroquets, Demoiselles aux belles ailes, poissons Clowns – Nemo!- poissons anges …
Pas d’appareil photo sophistiqué spécial sous marine, mais le célèbre masque-appareil photo de Luké!
La première plongée, nous restons un peu sur notre quand-à-soi : si on croise un requin, quel sentiment allons-nous avoir ? En même temps, on a envie, et bon, on se méfie un peu … Et voilà, nous nageons AVEC les requins. Enfin, « avec » est un bien grand mot. Nous nageons au milieu d’un aquarium grandiose. Poissons tropicaux familiers, gais, colorés. Et à la périphérie, nous voyons croiser les requins pointes noires, entre 1m50 et 2m, indifférents voire timides. Tout à coup retentit dans notre tête le « Pom pom pom pom » des « Dents de la mer », surtout quand il y en a un qui se tourne et nage vers nous ! En fait, il se contrefiche complètement de notre présence mais on se fait peur malgré tout !
Dimanche 10 juillet
Tout frétillants, nous sommes fin prêts de bon matin pour une petite visite à “L’Aquarium”. C’est le surnom du petit motu Nuhi Nuhi. Surnom plus que mérité. Alors que je poursuis allègrement une famille de …. , j’entends Luke en grande conversation avec notre voisin Norvégien. Voisin d’ici, des Galapagos, de Panama. Les voiliers se retrouvent tous plus ou moins aux mouillages, et depuis un moment, nous saluons régulièrement un voilier Japonais –rare-, un Norvégien –moins rares- et d’autres encore, sans compter ceux que nous connaissons bien. C’est un peu comme si vous retrouviez les mêmes voisins à chaque déménagement.
Voilà ma vision de Rangiroa. Un monde peuplé de poissons déguisés en bagnards, en arcs-en-ciel, en clowns, en midinettes (rose bonbon à rayures turquoises), parfois en courants d’air (genre rapide à disparaitre sous un corail) … Avec des noms à faire rêver, poétiques ou imagés : Demoiselles à points bleus (une merveille), demoiselle céleste (bleu électrique), demoiselle dorée (jaune vif), poissons-savon (qui sécrète une toxine à goût savon) et poissons-savon bagnard (un cousin à rayures jaunes et noires), poissons papillons, poissons anges (dont le célèbre poisson ange Empereur, impérial !) rayés bleu, jaune, noir; chirurgiens (ainsi nommés à cause des sortes de rasoirs rétractables dont ils sont pourvus) zébrés (orange et bleu ou bleu et jaune vif), chirurgiens à épaulettes (un militaire ?), chirurgiens bagnards (un qui a mal tourné), chirurgien à long museau (avec en effet un long museau et une couleur noir velouté); les “nasons” pourvus d’un rostre comme un nez de Pinocchio; les balistes qui démontent les coraux à grands coups de museaux pour déloger leurs casse-croutes; et aussi les incroyables poissons coffres, dit “ponctués” à pois bleus ou jaunes sur fond noir (look années 50), bien enfermés dans leur armure cubique munie de trous pour les yeux, la bouche, l’anus, presque comiques avec leurs petites nageoires latérales qui tournent genre ventilateurs. Enfin, pour le plaisir du nom: le labre prétentieux, un grand timide en fait, je ne l’ai jamais vu.
Mais Rangiroa, c’est aussi un lagon avec deux villages. Et un bureau de poste bien plus jolis que ceux des PTT de France (et oui).
Coquilles d’huitres perlières en nacre sur le fronton de l’OPT, la Poste: ça c’est beau !
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