lundi 13 juin 2011

FATU HIVA , l’ile des artistes, Hanavave, le 13 juin 2011…

“Un Tiki, terme qui signifie aussi bien Homme, Dieu ou Homme-Dieu, est une représentation humaine sculptée de façon stylisée et assez grossière que l'on trouve sous forme de statue ou de pendentif, souvent en jade ou en os.” (Wikipedia)
A Tahiti, on considère qu'un Tiki placé à l'extérieur d'une maison est destiné à en protéger les habitants.” (Wikipedia)

Lundi 13 juin
Nous allons à terre comme nous irions rendre visite à la famille. Arrêt obligatoire presque dans chaque maison pour papoter un instant, et visite aux artisans sculpteurs. De vrais artistes. Nous admirons les Tikis en bois de rose ou en bois foncé, les pique-cheveux en os, les paniers en bois … Chez Jacques, Luké tombe en pamoison devant une magnifique lance au manche sculpté, poignée en os et pointe … fait d’un rostre d’espadon. Un superbe travail. Oui, mais … comment acheter quelque chose sans argent ? Voilà un détail qui nous avait complètement échappé. Nous avons des Dollars mais la monnaie maintenant, c’est le Franc Polynésien, le fameux Franc Pacifique. Où est la banque ? La quoi ? Ah, la banque… A Hiva Oa, la prochaine ile. Euh… et un distributeur ? Regard pensif … Non, pas de distributeur. Mais on peut aller à La Poste. Nous sommes sauvés. Vite parlé. On ne peut retirer de monnaie à La Poste qu’avec une carte locale bien spéciale. Bon, alors, on fait comment ? “Mais on troque” chante le chœur des Vierges ! (celui de la Baie du même nom, bien sûr). Bon sang mais c’est bien sûr ! Et les discussions commencent … Une lance contre deux bouteilles de vin et un Champagne. Allez, ok. Un tiki contre trois Rapallas (denrée rare et de luxe ici). Un collier avec une perle de Tahiti contre cinq assiettes (j’allège le cata ). Des fruits et des légumes contre un collier de pacotille . Et puis des citrons et des pamplemousses contre rien. Les enfants partent nous chercher des sacs de fruits, tout contents de discuter, promener les chiens. Et d’avoir de petits cadeaux, bonbons ou barrettes pour les cheveux. Il faut comprendre qu’ici, il n’y a RIEN. Mais rien de rien. La boutique, l’unique, occupe une pièce de 15M2 environ, trois rayonnages avec un ou deux exemplaires de produits de première nécessité: concentré de tomates, lait en poudre, beurre en boite, éponges Spontex (ah, la vraie, la seule éponge qui éponge !), dentifrice, savon et … un stock de paquets de chips. Le troc devient essentiel pour un peu tout. Dans les cuisines, une étagère supporte à peu près tout le matériel : quelques assiettes, couverts, peu de verres et un faitout, une poêle. Les maisons sont pimpantes, souvent peintes de couleurs pastels et sur le même modèle : maison en bois à 2 ou 3 chambres donnant sur une pièce principale avec coin-cuisine, plancher stratifié, le tout à poser sur des plots en ciment: c’est la “Maison HLM local” sponsorisée par le gouvernement (vendue … 3200 euros pour 110m2 !) aux familles disposant d’un terrain.
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Luké est tombé en pamoison devant cette lance sculptée par Jacques. Avec raison. Le manche est en os et la pointe, un rostre d’espadon L’ensemble est superbe. Et parait prêt à l’emploi et efficace !
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Moi aussi j’ai mes souvenirs: Jacques sculpte la pique à cheveux en bois en forme de “Casse tête” et Simon les trois piques en os. Du travail d’artiste, tout en finesse. Le tout sur commande, en deux jours.
Le soir…
Martine a “troqué” un colifichet quelconque contre … un morceau de chèvre. Qui l’a laissée perplexe : comment cuisiner cette viande ? Très simple. On la remet à Luké, qui prépare un fort gouteux sauté de chèvre au lait de coco. Même moi, peu attirée par les chèvres une fois en casserole, j’ai goûté et apprécié, c’est dire.
Mardi 14 juin 2011
Rapidement, nous avons l’impression d’être depuis toujours à Hanavave. Le matin, Luké va faire son tour, troquer deux ou trois babioles. On ne dépense pas un sou, on n’en a pas le bout d’un billet. Le matériel de pêche est très demandé. Luké fabrique de beaux “Poulpitos”, gros succès ! Le plus recherché … les balles de carabine et si possible la carabine qui va avec. Notre seul fusil étant un fusil sous-marin, il sera non pas troqué mais vendu. Et voilà notre premier billet en Francs Polynésiens !
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                                                                        Un beau billet de 10000 FP, soit 84 euros.
Tôt le matin, vers 6h, monté au-dessus du village pour faire de belles photos de la baie, que voit le Capitaine ébahi ? Un cochon sauvage trottiner sur le bord de la forêt ! Un vieil instinct d’homme des cavernes se réveille. Non, il ne se jette pas sur le cochon mais il court chercher Jacques, qui arrive au grand galop, avec … ses tongs et sa machette. La chasse sera infructueuse, le cochon, qui n’est pas un couillon, a pris la tangente fissa. De plus, c’est un cochon semi-sauvage (“C’est mon cochon!” s’est écriée Simon à la description précise de l’animal, reconnaissable à son avant-train tout noir et son arrière-train tout blanc!!!). Echappé depuis 3 ou 4 ans. Donc, au courant des pratiques cochonnicides de ses ennemis les hommes.
Dans l’après-midi, une barque s’approche de la Belle. A bord, deux chasseurs et … 14 chiens. Et un cochon. Mort, bien sûr. Luké ne reconnait pas “son” cochon du matin. On troque ? On troque. Deux vins contre un cuissot. Scène d’anthologie : une barque, 14 chiens qui ne bronchent pas, deux chasseurs qui découpent à grands coups de machettes un cuissot sur une bête encore chaude. Luké se retrouve avec une patte velue, sabot compris, toute sanguinolente à la main. Je préfère rentrer dans le carré. Jeanne hulule de rage.
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Mercredi 15 juin 2011
Grande expédition ce matin : visite de la Capitale de Fatu Hiva ! Omoa est le deuxième –et dernier- village de l’ile, distant de quelques kilomètres par la route et de 3/4 d’heure d’annexe par la mer. Nous choisissons la mer en entendant le prix demandé par les heureux propriétaires de 4X4: 80 euros la ballade. Il faut bien rentabiliser ces superbes voitures, vu qu’il n’y a qu’une route de 7km praticable. Christian de Tahaa Tiva, fournit l’annexe, mais en voulant déjauger pour aller le plus vite possible sans trop sauter sur les vagues, casse le “silent block” de son hélice. Le voyage se finit vitesse bourgeoise, on peut enfin contempler le paysage …
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La baie d’Omoa est très ouverte, la houle très forte et l’arrivée apparait très sportive. Heureusement, le village a eu, lui aussi, la bonne idée de construire une petite digue de protection, que nous découvrons avec plaisir et derrière laquelle il est presque facile de débarquer. Un long front de mer, moderne, flambant neuf, vide, pas un chat …
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Un beau couple de Tikis garde la baie. Seuls. Nous sommes arrivés dans la troisième dimension … Et ça va se confirmer. La troisième dimension Marquisienne. Du jamais vu. L’unique rue ne serpente pas, elle file droit, droite comme un i et vide comme, et bien, comme le reste.
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                                                                          Couple de Tiki en pierre devant la baie.
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Un grand Tiki en bois surveille l’arrivée des voyageurs. L’air n’a pas la légèreté et la gaieté de celui d’Hanavavé. Les maisons sont bien campées au milieu de leurs jardin, lui-même bien entouré d’un bon grillage. Le tout bien fermé par un bon portail. On est loin de la joyeuse pagaille d’Hanavavé, des maisons jetés un peu à droite à gauche et des jardins ouverts à tous. L’accueil est à l’image du front de mer: vide. Quatre personnes qui débarquent n’intéressent visiblement pas la population qui ne se dérange que pour l’Aranui et sa cargaison de touristes aux poches pleines. Nous marchons, marchons … Croisons une dame avec poussette qui nous indique l’épicerie. Allons donc acheter une bouteille de Coca, il fait chaud ! Et bien, non. Pas possible. Nous n’avons que des dollars et pas de Francs Pacifique. Bon, voyons la deuxième épicerie. La grand-mère, qui ne se mouche pas du coude, propose un échange, pour sûr, mais à un taux qui ferait rougir un usurier Ecossais. La filoute. On va aller directement à la pension de famille qui fait aussi restaurant. On se renseigne : c’est tout au bout du village, après les deux ponts. OK. On monte, on monte, on  monte … Trois kilomètres plus loin, nous arrivons chez Lionel. Charmante maison, et un propriétaire désolé : la rivière a inondé tout le restaurant, détruit frigos et congélateurs. Ils sont en train de nettoyer. Etonnés aussi que personne ne nous ait expliqué la situation, bien connue pourtant. Il n’apprécie guère le village. Nous non plus. On décide d’acheter un bout de fromage et un pain (on a vu des baguettes chez la Mamie de la Maffia), de grignoter en regardant la mer et de rentrer tranquillement à Hanavavé. A l’épicerie, la Mamie s’est planquée, elle envoie son petit-fils qui nous explique qu’elle ne veut plus. Ni changer les dollars ni nous vendre quoique ce soit. Dire que nous sommes furieux est un euphémisme romantique. Luké part à la Mairie, interpelle la Mairesse et lui décrète que “C’est une honte pour son village un tel accueil : refuser de vendre une bouteille d’eau et un pain, ce n’est pas la Polynésie, ça !” Même en payant avec des dollars … La dame est confuse. Elle propose même de nous inviter chez elle. Comme les deux ou trois personnes que nous croiserons et auxquelles nous ferons part de notre … déception. La tête haute et le regard flamboyant, nous déclinons et rentrons “CHEZ NOUS”, à Hanavavé !
Quelques jours plus tard, retournant à Omoa avec Jacques pour acheter une bouteille de gaz (avec nos Francs Pacifique) le petit-fils de la Mamie Harpie s’excusera et offrira à Luké … trois beaux pains ! Ne réduisons pas tout un village à la rapacité de quelques commerçants …
 
 
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