dimanche 20 mars 2011

LA CAMERA EXPLORE LE TEMPS … Portobelo, 20 mars 2011

“Aquila non capit muscas”   ( L'aigle ne prend pas les mouches )

Flash back … Côte Caraïbe du futur Panama, à l’emplacement du futur Portobelo… Saison des pluies. Des trombes s’abattent sur la baie. Un jeune Indien, arc en main, est parti à la chasse de bon matin. Il est jeune, il musarde le long de la côte. Soudain, ses yeux perçants distinguent un évènement incroyable : peu à peu des navires étrangers, des monstres munis de voiles, émergent du rideau de pluie et se dirigent vers la baie, au fond de laquelle se trouve son village. Les voiles sont déchirées, le gréement en petite forme. Sur le pont, les hommes ne bougent pas, scrutant l’entrée de la baie avec inquiétude : le moindre récif de corail peut éventrer les coques vermoulues. Triste équipage. Et pourtant, au calendrier Chrétien de notre Occident, nous sommes fin octobre 1502 et “La Capitana”, la “Viscayna”, la “Bermuda” et la “Gallega”constituent la quatrième et dernière expédition de Christophe Colomb pour tenter de trouver la Route des Indes et, peut-être, de rencontrer enfin le Grand Khan. Il est malade, fiévreux et c’est son fils Fernando qui tient scrupuleusement le livre de bord.
DSCN4601 On efface les voiliers et on aperçoit les quatre caravelles en piteux état qui avancent ….
Depuis trois jours et trois nuits, les caravelles sont ballottées par les éléments, les hommes épuisés perdent l’espoir de rencontrer la terre tout en craignant une arrivée de nuit, dans la tourmente, sur une côte inconnue parsemée de pièges. Soudain, un guetteur voit une ombre, entend le bruits des vagues se cassant sur un récif. L’angoisse est à son comble quand peu à peu, la pointe du jour perce à travers la pluie et écarte doucement les restes de la nuit. Une baie s’offre à leurs yeux. Et la chance enfin leur ouvre les bras: ils ne seront pas mis en pièces par le récif de corail à l’entrée de la baie, et éviteront l’échouage sur la côte.
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Ce qui n’a pas été le cas de tout le monde.
Dans un jour enfin clair et serein, les caravelles ancrent. Les Indiens, n’ayant hélas aucun sens prémonitoire, arrivent alors sur leurs pirogues pour offrir des fruits frais à ces étranges créatures couvertes de poils et dans un état lamentable. En gros l’arrivée des caravelles de Christophe Colomb a bien du se passer ainsi : “ Ma quel bel puerto” etc… !
Ensuite, comme d’habitude … Extermination ou peu s’en faut des populations locales qui s’enfoncent dans la forêt, spoliation des territoires, guerres entre Espagnols, Français et Anglais pour s’arracher ce nouveau morceau de Nouveau Monde. Et si ce n’est Colomb, ce fut son frère (non, pas Bartolomé qui faisait partie de cette expédition) en tout cas, ce furent les siens. Passons directement (petits veinards) sans nous étendre, à ce qui fait aujourd’hui la particularité de Portobelo: ses nombreux forts, remparts et protection qui datent du XVIIIè siècle, bien plus tard.
DSCN5118 Le Fort San Jeronimo, chargé de la défense du port, s’aperçoit dès que l’on aborde Portobelo en annexe : il ceint le fond de la baie, côté village. Ses fortifications ont toujours bel aspect et les maisons se sont accrochées le long de son esplanade bucolique.
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Entrée des remparts.
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L’esplanade et les canons, toujours pointés sur l’assaillant !
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En ressortant des remparts, la Aduana. A l’origine, la maison du Gouverneur. A présent, l’édifice civil le plus ancien du pays. Incendié, détruit, reconstruit, laissé à l’abandon et enfin réhabilité en 1998, le bâtiment n’a plus fonction de douane mais est utilisé pour des expositions ou autres manifestations.
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A l’époque, l’endroit est plutôt mal famé. Les Espagnols se sont installés un peu plus loin sur la côte, au lieu dit Nombre de Dios. Au nom de Dieu peut-être, mais pas à l’abri de la convoitise des Anglais et du pirate Francis Drake qui brulera complètement le petit village en le dévalisant de tout l’or prêt à partir pour l’Espagne… Les Espagnols se replieront sur Portobelo, au fond de sa baie, plus facile à défendre. Les pirates, ou selon l’angle de vue, les corsaires voire les flibustiers,  cherchent par tous les moyens à piller et les Espagnols à se protéger. Les premiers sont nettement plus au point que les seconds. Après Drake, c’est Morgan qui va s’y atteler.  Alors, les Espagnols se lancent dans la construction forcenée (ben, oui, désolée…) de forts. Sans grand succès parait-il. Il en reste de belles ruines et un joli village, classés au Patrimoine Mondial, c’est déjà ça !
DSCN4741Plusieurs petits ponts en pierre, les “pontes coloniales”, en dos d’âne enjambent la Guinea. 
DSCN4742Munis de banquettes conviviales le long du parapet, souvent occupées.
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La Guinea, devenue un ruisselet, est souvent utilisée de '”tout à l’égout”, hélas.
Encore un ? Allez, passons de l’autre côté de la baie, le Fuerte San Fernado domine la Belle et ses voisins.
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DSCN4581Là-bas, au fond, c’est nous!
DSCN4582   Mais pas la peine de nous viser, on est pa-ci-fi-ques-
Construit vers 1760, après l’attaque par le pirate Vernon qui avait détruit le fort précédent, un vieux truc qui datait visiblement. Ce fort est conçu sur deux niveaux: une garnison “basse” et une “haute” avec la “maison forte”. On commence par la basse, bien sûr, qui est juste au-dessus de la plage.
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 DSCN4584 Quelques pans de mur, une minuscule maison enserrée dans un enclos, le corps de garde (j’imagine!) n’a pas résisté aux “affronts du temps qui passe”… et surtout aux constructeurs sauvages qui ont eu besoin de pierre solides pour réaliser leurs propres maisons ! Sur le rempart, la guérite du garde surveille les voiliers.
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Passant au milieu des ruines, nous prenons le chemin de la Bateria Alta. La grimpette est un peu rude sous le soleil déjà fort.

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Surtout au début. Le chemin tient plus du lit de torrent à sec que de route militaire. Mais que ne ferait-on pas pour diffuser (et découvrir d’abord!) la culture ! Luké s’élance, bâton en main –enfin, un morceau de fer à béton semble-t-il-, et sourire aux lèvres.
DSCN4609Le chemin prend forme plus abordable, et Jeanne court dans tous les sens. Enfin, trottine, faut pas pousser.
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DSCN4590 Et voilà. vue sur la Baterria Baja, et sa rangée de canons bien alignée. Une chance que personne n’ait pensé à utiliser des canons pour décorer les jardins, car il n’y en aurait plus. La garnison supérieure était destinés à surveiller les forts, protéger les hauteurs et à stocker la poudre. Elle a de beaux restes, réhabilités avecf panneaux didactiques bien que parfois interrogatifs.
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Citerne et purificateur.
L’ouverture est assez large, sans protection, on n’a pas intérêt à visiter le fort la nuit. Il est vrai que ce serait une idée biscornue, mais il y en a, des tordus sur terre.
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DSCN4593 Donc, sont-ce des latrines ou un four pour fabriquer de la poudre ? Quel effet cela fait-il d’être assis sur une poudrière en cas de doute ?
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En haut comme en bas, l’artillerie est lourde.
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Par la meurtrière, d’un côté de la guérite de la sentinelle, Belle de Lune. Et de l’autre, Portobelo. (Photos artistiques à effets spéciaux !)
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            La vie se faisait à première vue dans la garnison haute. Four à pain, cuisine, pièces nombreuses, le tout est en ruines, il n’en reste parfois que quelques pierres. Mais suffisamment pour que les historiens puissent les étiqueter ! Il reste surtout la nature, qui enserre les lieux de toute sa hauteur.                             
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Retour à Portobelo. Les rues pavées donnent un petit air XVIIIè siècle à la ballade. L’église San Felipe (1814) abrite le célébrissime Cristo Negro, une statue du Christ à laquelle les Panaméens vouent une dévotion particulière.
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Le Cristo Negro, appelé souvent  “Cristo Nazareno”.
Vêtu de robes en velours brodées de paillettes, de perles et de dentelles, il change de tenue deux fois par an: tenue violette pour la Semaine sainte et grenat pour le 21 octobre, jour de sa fête. Potobelo se rempli de pèlerins venus de tout le pays… certains parcourant les derniers kilomètres à genoux ! Et l’église devient dortoir, cantine, lieu de vie pour les familles. Retour à la véritable destination d’une église, d’un refuge ? Cette statue est arrivée par hasard à Portobelo vers 1650, selon les versions suite à une perte de caisses un jour de tempête par un galion Espagnol ou un échange de colis car il était destiné à une autre ville. Bref, les habitants l’ont installée en grande pompe (et en habit doré) dans leur église. Point.
Riche d’une histoire passionnante, émaillée d’attaques de pirates, d’histoires avec un petit “h”, de destructions et de reconstructions, Portobelo mérite mieux que l’oubli dont elle fait l’objet de la part de son pays. D’un bourg assoupi, elle tend semblerait-il à devenir un village qui se dégrade de plus en plus. Malgré quelques sursauts sporadiques de réhabilitation d’un bâtiment ou de nettoyage d’un fort, le fait que la cité apparaisse sans “moteur” municipal, insufflant une dynamique et une volonté d’aller de l’avant, la laisse doucement sombrer dans l’indifférence et unhe torpeur dont elle ne sort, dans le bruit et la fureur, que deux ou trois fois au cours de l’année: pour les fêtes des Congos, des Diablos, et celle du “Cristo Nazareno”….


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mardi 15 mars 2011

ON A RETROUVE RANTANPLAN !!! Portobelo, le 15 mars 2011.

“ Zafè kabrit' pa zafè mouton.” (Les affaires de la chèvre ne sont pas celles du mouton: Que chacun s'occupe de ses affaires !)
                                                                                                                                 Proverbe Créole
 
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Bien ancré au calme de l’autre côté de la baie, pas de village. Mais un joli domaine bien entretenu, planté de longs cocotiers échevelés. Une maison jaune et un petit quai. Ce petit bout de paradis appartient à un riche Panaméen qui n’en profite que rarement. Un gardien entretient proprement les lieux, et vit dans une petite maison avec son chien. Et hélas aussi avec une bouteille de rhum. Adrien est rarement sobre, pas souvent là, mais toujours amical et accueillant. Nous sympathisons rapidement et Jeanne a ses entrées pour sa petite promenade vespérale.
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DSCN4671  Nous y voilà.
A peine avons-nous posé pied à terre qu’un grand machin mou et dégingandé arrive au triple galop, prend son envol en roulé-boulé et nous saute au cou, frétillant de sa longue queue en fouet. C’est donc un chien. Du genre texture indéterminée mais affection ravageuse. Et une noix (de coco) à la place du cerveau. Un mâle donc. Jeanne commence par avoir très peur des grosses pattes qui s’abattent un peu n’importe où, puis reprend vite la situation en main et d’un grognement doublé d’injures aigres et d’un saut menaçant à la gorge de l’insolent, elle le mate. Nous avons bien retrouvé Rantanplan, le vrai, le pur, l’allègre compagnon de Lucky Luke.
rantanplan2En plein vol, flou mais bon, on fait ce qu’on peut…
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Jeanne râle, c’est qu’il est énervant, ce freluquet.
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Il faut le tenir à distance, sinon ecchymoses garanties.
DSCN4630 Mise au point: “Tu te calmes, petit, ou je me fâche!”.
Rantanplan se tient donc à distance respectueuse. Sauf quand il se laisse aller à sa joie naturelle, ce qui arrive souvent, mais nous pouvons quand même commencer la promenade. Tout en surveillant les arrières, avec replis stratégique quand s’annonce une envolée au son d’un grand galop. Il évite Jeanne au dernier moment, et prend l’air contrit quand elle l’engueule vertement. Luké part à la chasse aux noix de coco.
DSCN4632 Chaque soir, il en dépiaute deux, nous buvons l’eau –la meilleure boisson que je connaisse, sans plaisanter- et gardons la pulpe pour l’apéro. Rantanplan, qui a le foie bien accroché et les côtes un peu apparentes, attend la sienne sagement. Ou presque.
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Ce domaine a été construit à l’emplacement d’un des anciens forts, sur les ruines de ce qui semble avoir été une belle demeure: celle du commandant de la garnison peut-être ?
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Le long du bord de mer, un reste de terrasse agrémenté de quelques balustres survivantes et les ruines des murailles laissent imaginer l’imposante construction. Après de multiples attaques de pirates divers, dont en particulier Francis Drake qui mettra la région à sac, les Espagnols avaient essayé de construire solide !
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“Pi’wate à babo’w !”
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Quelques piliers de bonne facture vont servir d’enclume pour ouvrir les noix de coco. Un essai aussi pour voir si les singes hurleurs qui nous réveillent le matin, aiment la noix de coco. Mais on comprendra vite que ce ne sont pas les singes hurleurs qui les boulottent...
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eau de coco
DSCN4675 Offrande ratée aux singes hurleurs, opportunité réussie pour Rantanplan.

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L’eau de coco a un goût très doux, très pur, légèrement “cocotisé”. Mais à peine. Sauf quand la noix murit et qu’apparait cette boule dont j’ignore la composition (questions aux éventuels connaisseurs: je suis preneuse de renseignements!), très gras en tout cas, de la végétaline ???. Le goût de l’eau se fait plus prononcé, la boule grossit jusqu’à occuper tout l’espace à l’intérieur de la noix ou presque. L’eau se raréfie et épaissit. Et finalement, devient imbuvable car légèrement aigre. En bons reporters, nous avons testé!  Moralité: ne boire que des noix vertes !
DSCN4658En suivant le chemin du bord de mer, on passe d’une propriété à l’autre. Les voisins ont planté une petite bananeraie. Au milieu se dresse une maison traditionnelle Embera, mais nous n’y avons jamais vu personne.
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Une fois la récolte de noix de coco faite, Jeanne en a plein les pattes –de son pote Rantanplan surtout-, elle retourne parfois seule jusqu’à l’annexe et … saute à l’intérieur ! Nous retournons alors sagement au cata.
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Nous avons eu la riche idée au début d’offrir une bouteille de vieux rhum –de l’Abuelo ambré, moins “triglycérine” que le rhum blanc de base- à Adrien. Disons que pour une fois, il a bu quelque chose de pas trop décapant. Luké lui a donné nos batteries qui ne tenaient plus sur le cata mais qui lui ont enfin assuré un petit éclairage pour le soir. Il était ravi. Et nous abreuvait de noix de coco toutes prêtes ! La collection devenant envahissante, j’en ai profité pour préparer du “Rhum Coco à la Noix”. Simplissime. Percer la noix, boire l’eau, remplacer par du rhum. Bien boucher. Attendre un mois avant de goûter. Ah, j’oubliais : bien planquer la noix dans des lieux improbables pour éviter toute déperdition avant la limite de consommation ! En ce qui concerne Adrian, la mauvaise idée fut de lui avancer 100$ pour qu’il nous achète de l’essence et la livre au bateau… Il ne boit pas encore l’essence, mais les 100$ ont fondu le temps d’un week-end où sa famille est venue ! Bien embêté, le bougre. Il faisait un grand détour avec sa barque pour ne pas passer devant nous car chaque jour, il était censé nous rapporter les bidons pleins. Au bout de quelques jours, Luké insiste pour récupérer la mise. Bon, on y arrivera doucement, dollar par dollar !
DSCN4672 Un après-midi, j’ai aperçu un singe hurleur qui filait comme une flèche, en grimpant à un bananier. Et pffiou, disparu. Nous arrivions en silence, à petits pas avec Jeanne, et le grand dadais est arrivé au triple galop. Le singe n’a pas demandé son reste. Et zut. Les apercevoir est très difficile. Par contre les entendre, pas de problème ! Le singe hurleur hurle en groupe, jamais seul. Soudain, une sorte de feulement, de grondement gigantesque monte de la forêt et se déverse sur la baie. On imagine des gorilles tropicaux aux poitrails larges et puissants. Et bien, non. Ce sont de petits singes, pas plus hauts que trois pommes –dans les 50cm- doté de poumons de compétition. Et des cordes vocales qui vont ensembles. Ils travaillent pour la météo locale et sont imbattables dans les prévisions : quand le grondement des singes dévale la pente, c’est que l’averse n’est pas loin ! Ils ont horreur de la pluie et le font savoir ave vigueur …

DSCN4636 Hasta luego, Rantanplan …