mardi 31 août 2010

COURS D'HISTOIRE entre deux coups de chiffons... 21 août 2010

« La peur de l’ennui est la seule excuse du travail » Jules Renard

J’essaie de me donner un programme pour ne pas sombrer dans une torpeur molissante, ramollissante et je dirais même abrutissante. Rien que l’idée de bouger le petit doigt et on se retrouve couvert de transpiration. Déjà, j’aurais des tendances plus contemplatives qu’acharnées en ce qui concerne le ménage. Hélas, je suis un peu maniaque (c’est couillon quand on n’aime pas le balai et la serpillière) et je ne supporte pas le désordre majeur (mineur, passe encore : mes livres et magasines uniquement !) dans les pièces communes et surtout la saleté. Nous vivons pieds nus et quand ça crisse sous les pieds, beurk. Un plan d’attaque s’impose. Le matin, à la fraîche (c’est une plaisanterie) ménage ! La coque tribord, notre coque, a été inoccupée pendant des mois et l’humidité a maculé les plafonds, laissé des trainées grisâtres sur les cloisons et tout a besoin d’un bon nettoyage. Les placards ont servi de « range tout » un peu au hasard. La coque bâbord doit être réaménagée, nous avons l’intention de nous étaler chez nous ! Armée de mon éponge, de la bouteille d’alcool ménager à 70° et d’une bassine d’eau, je commence par notre cabine. Tout y passe. Je nettoie soit au vinaigre blanc dans mes périodes « Ménage durable » soit à l’alcool ménager dans mes périodes « Génocide total des microbes et autres organismes nocifs ». Vu l’état des lieux, je tranche pour la période « Eradication ».
Il faut savoir que le moteur tribord est sous le lit de la cabine tribord (idem pour bâbord !) et que pendant les travaux, la trappe était ouverte, dans le but d’aérer la cale-moteur et que Charly en plus de l’insolation ne s’asphyxie pas. Les émanations diverses et variées n’ont pas arrangé l’atmosphère.
Dans mes grandes résolutions, j’ai aussi décidé de ne pas m’écœurer trop vite, donc pas d’acharnement et un seul objectif par jour (ouvrable !). Aujourd’hui, la cabine, demain la salle de bain. Après on verra, mon calendrier ne va pas si loin.
Ces messieurs ont fini les moteurs, Luc a fini la peinture de la coque et des hélices, ils attaquent le moteur hors-bord de Charly qui tousse.
Et fume. Pas autant que Charly mais presque.

Et si on parlait de La Grenade ?
Grenade, la forêt primaire, les sources, les cascades, la verdure!

Mais aussi des plages de rêve: plage de La Sagesse (Souvenir du temps où Grenade était Française)

Car on dit « La Grenade » ici, peut-être pour ne pas confondre avec la ville d’Espagne qui a donné son nom à cette île. En effet, en 1492, les marins de Christophe (toujours le même) un peu à l’ouest, et c’est le cas de dire, en découvrant le rivage, s’écrièrent, après le traditionnel « Terre, Terre ! » : « Tiens, mais on dirait les montagnes qui se trouvent en arrière de Grenade, notre ville espagnole ! ». On sait aussi qu’ils ont souvent vu des sirènes, on leur pardonnera. Une fois pied à terre, ils partirent à la découverte de l’île, en évitant soigneusement la population locale des Indiens Caraïbes, venus du continent sud-américain, lesquels après avoir dévoré les pacifiques Arawaks, se seraient bien boulotté les maigrichons Espagnols. On connait la suite, les Espagnols n’ont pas mangé les Indiens au sens strict du terme mais ce fut pire en férocité et en duplicité bien civilisées…Puis ils partirent…
Longue histoire que celle de La Grenade, découverte par les Espagnols mais achetée aux Anglais par Richelieu, puis reprise manu militari par les troupes Anglaises, etc. Et vice-versa. Et on recommence jusqu’à ce que l’Angleterre –perfide Albion- ne se la garde jalousement pour quelques centaines d’années. Le 7 février 1974, l’Indépendance est accordée aux Grenadins. Depuis chaque année, la fête nationale est l’occasion de TOUT mais quand je tout, c’est tout et n’importe quoi, repeindre aux « Couleurs Nationales » - les fameuses couleurs Rasta rouge-jaune-vert-. On « beautifulle » -terme local pour embellir qui n’existe pas en anglais de souche- ce qui passe à portée : murs, cailloux, arbres… Les chiens se terrent ne voulant pas se retrouver en technicolor.
Coquette maisonnette "beautifullée" pour l'Independence Day

Ben oui, le cimetière aussi! Y'a pas de raison, n'est-ce pas?




L'escalier n'a pas échappé au pinceau beautifulleur!

En 1979, coup d’état « pacifique », sans une goutte de sang versée, met au pouvoir le charismatique et populaire leader Maurice Bishop. Réputé pour son intégrité, son gouvernement marxiste ne sera pas au goût de ses voisins, tous proches des Etats-Unis. Ceux-ci voyant d’un très mauvais œil la politique socialiste, la réforme agraire (offrant des terres aux paysans qui la cultivent, en les "confisquant" à leurs propriétaires résidants à l’étrangers, et qui les laissaient à l’abandon), le développement de l’accès à la santé et de l’éducation pour tous. Et surtout le crédo de Maurice Bishop « D’abord développer le pays pour qu’il soit auto-suffisant, ensuite, on acceptera les investissements étrangers, le tourisme etc ». En bref : Bas les pattes les Etats-Unis, pas d’ingérence chez nous. Ce qui devait arriver arriva : gel de toutes les aides au pays, les autres iles des Caraïbes tournèrent le dos à Grenade, ne voulant pas déplaire à Oncle Sam. Et Bishop se rapprocha trop dangereusement de Cuba pour qu’une coalition ne se fasse pas contre lui. Au sein du gouvernement socialiste, des dissensions entre une section pro-soviétique loyale à Moscou et les partisans de Bishop conduisirent à l'arrestation de ce dernier. Il fut exécuté le 19 octobre 1983, avec ses partisans, au cours d’une journée de manifestations de soutien par la population inconditionnelle de son leader. Journée achevée dans le sang par un massacre des étudiants, écoliers, hommes, femmes dont le nombre n’est toujours pas connu à ce jour. Les corps de M.Bishop, sa femme enceinte de 6 mois et son gouvernement sont encore recherchés. L'armée (dominée par les éléments pro-soviétiques) prenant alors le pouvoir. Le tout sous l’œil égrillard de la Marine Américaine, qui croisait « par hasard » au large de Grenade ces jours-là. La Grenade était envahie 6 jours après par une coalition menée par les États-Unis, une opération nommée Urgent Fury.  L'opération fut le plus grand déploiement américain depuis la guerre du Vietnam. Vite fait bien fait : 7 000 soldats américains contre 1 200 soldats Grenadins, assistés par 784 Cubains et quelques instructeurs provenant d'URSS et d'autres pays communistes. Une partie des Cubains présents étaient en fait des ouvriers travaillant à la construction d'un grand aéroport sur l'île, qui avaient reçu un bref entraînement militaire. Le bilan de l'invasion fut de 19 soldats américains, 45 soldats Grenadins et 25 Cubains tués. De nombreux civils ont également été tués (au moins 24 recensés, peut-être plus de 100 en réalité). Un hôpital psychiatrique fut bombardé à la place d'un quartier général militaire…
Maurice Bishop et les pères de la patrie
De nos jours, La Grenade (340 km2) compte environ 100 000 habitants répartis sur l’île principale, la plus peuplée, et les deux « îles sœurs », Carriacou et Petite Martinique. Au nord de l'île, dans la forêt, des colonies de singes plus ou moins timides. Certains daignent venir nous voir si nous avons une banane à offrir, puis la grignotent du bout des dents: c'est vraiment juste pour nous faire plaisir!
Luc, agitant sa banane pour attirer les singes....
Ah! ah! se dit-il, cet animal à deux pattes m'apporterait-il une petite douceur?
Mouais, encore une banane...Allez, soyons fair-play, on ne va pas le décevoir, je la prends quand même.

Muscadier dans la forêt
La noix de muscade, qui orne le drapeau national, a fait la fortune de l'archipel : jusqu'en 2004, la Grenade en était le deuxième producteur mondial derrière l'Indonésie.
Drapeau national: chaque étoile représente un comté et la noix de muscade est au milieu.

Au cœur de la pomme du muscadier, une coque enrobée d'une dentelle rouge, le macis.
Le macis sèche et tombe, il faut casser la coque pour respirer l'odeur de Grenade, l'odeur de la noix de muscade

Et puis, le 7 septembre 2004, l’ouragan Ivan a dévasté la Grenade. Ivan, dit « le terrible » a ravagé 60 % des plantations. 90 % des habitations ou immeubles ont été détruits. Plus de 90 % des bateaux ancrés régulièrement ou réfugiés à la Grenade pour échapper à Ivan ont été coulés ou endommagés. Ivan, cyclone de force 5 (« catastrophique », maximum sur l'échelle de Saffir-Simpson) a fait 37 morts, 500 blessés et laissé 60 000 personnes sans abri. Il fut l'ouragan le plus redoutable ayant frappé les Caraïbes en un demi-siècle.
Tout le toit de l'église et du clocher s'est envolé

Plus que des murs et des arbres qui poussent à l'intérieur
Pire qu’un champ de mine après l’attaque, pas une maison n’était intacte. 


Une des multiples églises étêtées, ventre à l'air.

7 ans plus tard....toujours la désolation...

Littoral déraciné, arbres martyrs.
Cimetière de Carriacou


Les tombes tentent de s'enfuir devant la violence d'Ivan ?


Et que dire des chantiers ayant en garde les centaines de voiliers à sec. Une partie de dominos en enfer. Un enchevêtrement de mâts, de coques explosées, le tout dans des flaques de gas-oil et exposés, non pas au pillage, ce n’est pas le genre des Grenadins, mais au moins à « la récupération sauvage ». Et pas par les Grenadins souvent…Le gouvernement, pour une fois un gouvernement qui réfléchit un peu, a décrété que seules les écoles seraient reconstruites en premier. La Chine –dans sa grande bonté et surtout son sens de l’infiltration et de l’expansion depuis quelques années- a envoyé des centaines de petites maisons en kit. Et il a été décidé qu’en dernier… ce seraient les églises. Vu le nombre, c’était bien vu. Le Parlement aussi d’ailleurs. Donc, en ville, le Parlement de Grenade, une des plus vieilles bâtisses du Nouveau-Monde est toujours en ruines, et les églises viennent plus ou moins d’être rechapeautées. 
Le Parlement à Saint George's

EAU DEHORS, EAU DU CIEL, EAU DEDANS, OH CATASTROPHE... 23 au 31 août 2010

Lundi 23 août

Depuis Archimède les bateaux flottent.
Gregory Suave

Et La Belle va ce matin retrouver son élément naturel ! Tout à coup, agitation sur le pont : on nous remet à l’eau sur le champ, si je puis dire. Vu la rapidité des délais pour le moindre travail et la moindre chose, cela nous étonne quelque peu. Et pourtant, je vois le ber qui arrive à grands pas, les employés commencent à enlever les rondins, ça alors ! Charly est là pour donner un coup de main, j’en profite pour aller me doucher avec Jeanne –qui ne me quitte pas d’une patte- . Je n’aime pas plus les sorties que les entrées dans la darse. Je me défile… 
Prête pour le retour


Petite balade en balançoire

Mer! Mer! Enfin....


Parlant de sortie, il y avait eu un petit accident : le conducteur du ber avait trop fait avancer le cata dans les sangles, et le haut du ber, une énorme poutre en acier, avait décapité notre éolienne. Sans nous traumatiser pour autant (quoique le « crââââc » fût lugubre) puisque le chantier étant responsable, il devait nous la remettre en état. Et comme nous avons commandé la « Rolls des Eoliennes » -une D-400 pour les connaisseurs- cela tombait bien : on allait récupérer une éolienne révisée, repeinte etc.
La bonne nouvelle est qu’en fait on va récupérer carrément un corps d’éolienne neuf car il y en a une au chantier. Et que des bateaux équipés en 24 volts, il n’y en a pas beaucoup. Donc, c’est pour nous.
Nous allons enfin respirer un peu d’air, et ne plus se battre contre les moustiques. Ou presque. Certains particulièrement sportifs arrivent quand même à tire d’ailes mais dans un état lamentable. Nous les achevons par bonté d’âme.  

Le machin à trois pales, c'est l'éolienne qui va mourir dans les secondes qui suivent.

Pour changer, il pleut. Au jeu des « hublots ouverts/hublots fermés, nous perdons la dernière manche en oubliant de fermer le hublot juste au dessus de notre lit. Pas grave, nous avons un cata version Versailles, il reste 3 cabines sèches !

Notre voisin Roberto, kamikaze de la réparation, a enlevé tout l'arrière de son bateau au marteau et à la scie...


Mardi 24 août

Des trombes d’eau s’abattent sur Grenade. Saison humide…. Nous allons à la capitale, Saint George’s, ce matin avec un planning chargé : acheter la nouvelle éolienne, passer à Prickly Bay , une marina de l’autre côté de la ville, récupérer la pièce du démarreur de la génératrice, et faire quelques courses au Supermarket. L’idée était de louer un taxi à plusieurs, ce sont des minibus, et de faire les trajets entre les boutiques à pied ou en bus de ville. Vu le déluge, la troupe est d’accord pour garder Georges et son minibus toute la matinée ! Il nous fait un bon prix -$EC50 de plus soit 13 euros de plus que le prix des trajets seuls, et il va nous attendre à chaque magasin. Ouf, ça soulage !
Les prix du Supermarket sont de plus en plus élevés. La tablette de chocolat local, le meilleur chocolat noir du monde –bio, fait main, emballé main et pas par des petites marmottes- à 70% de cacao coute $EC12 soit environ 4 euros. Tant pis, j’en prends 18. Pourquoi pas 20, me dira-t-on ? Une retenue…ça fait quand même 72 euros de chocolat, j’ai honte.
Saint George’s n’a pas changé. A part les derniers toits des églises emportés par Ivan le Terrible et qui ont été presque tous refaits. 
La capitale serrée autour du port

La rue du marché...un jour de marché!

J'avoue, j'ai triché: ce sont des photos prises un beau jour de grand soleil!


Mercredi 25 août

Chaleur lourde, insupportable. J’en ai mal à la tête une partie de la journée. Pas de vent. Un cyclone s’achemine à petits pas vers le nord des Antilles et nous « bouffe » tout notre air. La journée se passe à attendre, comme celle de jeudi la place au ponton promise par le chantier. En effet, lors de la remise à l’eau rapide, Luc a négocié un retour amarré à l’unique place de l’unique ponton pour avoir de l’électricité et installer notre nouvelle éolienne. Depuis il est enragé car, premièrement, notre place à terre est toujours inoccupée et un catamaran squatte la place du ponton. Son propriétaire, lassé d’attendre que les ouvriers du chantier finissent un travail sur son moteur, est parti… Où ? Nul ne sait. Alors, Nicolas, pas plus avancé que nous, promet que « Demain… ». On attend…Sans annexe, c’est assez pénible.

Samedi 28 août

Depuis hier, nous sommes amarrés au ponton ! Tout à coup, on a vu le catamaran collé au ponton se déplacer et ancrer devant le chantier. Le harcèlement que Luc a exercé ne doit pas être étranger à ce déplacement ! En quelques minutes, l’ancre est levée et nous nous accrochons au ponton comme des arapèdes avec la ferme intention de n’en bouger que par la force des baïonnettes ! Euh…Je m’égare. Que quand l’éolienne sera en place ! Depuis, ces messieurs s’activent. Et que je te soude les barres d’inox, assemble le mécano géant –une sorte de monstrueuse abeille à 4 ailes, nous l’appellerons Maya- redresse, mesure, cherche un outil farceur, râle…Des hommes normaux en train de bricoler, quoi. 
Salle d'opération installée, on attend les chirurgiens.
 
Charly a persuadé Luc de démonter tous les vieux supports qui ne supportaient plus rien (sauf le nain de bateau !) ainsi que les filières de l’arrière, pendouillantes, moches et inutiles. A la place, il nous a fait une superbe « rambarde » en inox, très design dans sa nudité. La vue est dégagée, et…Luc n’a plus de filières pour y suspendre ses chiffons et ses serpillières de travail… Je suis bien soulagée…
Avant: des filières pendouillantes...
Pour expositions sauvages!

Après: on peut noter la ligne pure et dégagée de la rambarde.
 Journée fébrile tant attendue: la nouvelle éolienne va éclore, fleur au vent, fleur de vent. Bon, c'est bien beau le lyrisme mais elle est surtout là pour travailler, nous doter d'une énergie monstrueuse et nous permettre de remettre en route le congélateur! Charly ne la lâche pas tant qu'elle ne tourne pas avec ardeur! Et Luc a les yeux de Rodrigue pour Chimène quand il voit ses jolies pales se mettre en mouvement. Ah, c'est beau l'amour.
Bon, alors, mon tube inox il finit là...

Mon Dieu, faites que la mesure soit juste...

L'affaire s'annonce bien, semble-t-il...

Et si on le lâche?

La Rolls des éoliennes, la fameuse D400 !

Fin d'une journée très chaude.

Le soir, une petite troupe se retrouve sur la Belle pour une dernière soirée avec Joël et Marina qui rentrent en Martinique le lendemain : rentrée des classes dans quelques jours pour Joël qui est –en dehors de bricoleur pour remise en état totale d’un voilier acier posé pas loin de notre cata- prof de musique à Fort de France. Roberto et Isa se joignent à nous, leur bateau bois est ancré dans la baie. Nous sommes 7… Que faire sans produits frais ? Pas d’épicerie ni de légumes sur ce chantier à des kilomètres de la ville. Finalement, ce sera lasagnes. J’ai des boites de tomates concassées, des épices, et…du lait en poudre maternisé ! Une regrettable erreur de Luc parti acheter du lait en poudre à Sainte Lucie, île Anglaise. Il est revenu triomphant et brandissant  la plus grosse boite trouvée sur l’étagère. Donc, on ne va pas la jeter ! Il est spécifié « Pour enfants de plus de 6 ans » : on est dans les clous. Sur-vitaminé et enrichi en tout ce qu’on veut, environ 3000 calories aux 100g, du costaud. Et légèrement sucré. Mais avec la « touche spéciale béchamel de ma maman » -un trait de vinaigre à la fin de la béchamel- c’est succulent….Et le tout recouvert de Vache qui Rit fondue. Ah, la Vache Qui Rit.  Tiens je vais faire un blog sur les recettes « Produits détournés » ou « La cuisine Customisée de Marie ». J’y songe…Je disais donc, la Vache Qui Rit. Un must have dans un bateau. Ou ailleurs. Un stock de Vache Qui Rit et l’équipage est sauvé. On en fait des choses avec : des tartines, bien sûr, mais aussi des gratins, des cakes, des tartes au fromage et même…du fromage fondu pour les pâtes. Retour aux sources. C’est un fromage mondial longue conservation, une bénédiction. Et quand je dis Vache Qui Rit, je ne suis pas chauvine. J’achète aussi bien « La Belle Vache Souriante » que « The Smiling Cow » voire « La Vaca Rienta ».
Belle soirée animée. Luc glisse discrètement vers son lit aux alentours de 10h, il est épuisé. Charly, Roberto et Isa restent jusqu’à minuit environ. Et nous refaisons l’Education Nationale, la Martinique et le monde en général avec Marina et Joël jusqu’à 2 h du matin.
Il faut au moins ça pour refaire l’Education Nationale.

Dimanche 29 août

Journée de rangement, de finitions, d’Internet (il faut profiter de la très bonne connexion du chantier). Skype fonctionne à merveille et j’en profite pour appeler parents et fiston, regarder les dernières nouvelles de Manon sur son Facebook et lui écrire un mot. Et continuer le journal !
Je me lance aussi dans la confection d’un « Far Grenado-Breton » : pruneaux d’Agen, lait maternisé de Sainte Lucie, vanille, muscade et sucre roux. A emporter ce soir chez Cathy et Pierre-Jean pour LE couscous de Cathy ! Nous avons pu faire quelques courses pour eux en Martinique, des produits introuvables à Grenade comme de la semoule, des épices à couscous, du sirop d’orgeat et…du bon café !
Jeanne est de la partie bien sûr, elle va faire connaissance avec Isa, la vieille bergère allemande et Seajo, un jeune chien de garde tout fou mais déjà imposant. L’insécurité grandit à Grenade comme ailleurs et Cathy et Pierre-Jean se sont fait cambrioler un soir, alors qu’ils étaient …devant la télé. Depuis, Cathy restant seule de temps en temps, ils ont adopté le petit nouveau. Qui va me mordre le coude mais sans méchanceté (si, si !) parce que je porte Jeanne, terrorisée par la curiosité de ce grand gamin, dans les bras. Il saute et en fait m’attrape le coude pour avoir à son  niveau l’asticot noir qui grogne dans mes bras. Mais le loustic a de grandes dents (un ancêtre loup, je suis sûre). J’ai deux jolies petites marques. Pourtant, j’ai bien senti qu’il ne serrait pas du tout, juste…il amenait mon bras à sa hauteur ! Ce sera un excellent chien de garde quand il aura appris à maitriser sa curiosité !

Mardi 31 août

Journée catastrophe. La carte bancaire est introuvable. Une jolie carte Gold qui a du faire des envieux. Disparue avec le porte-monnaie contenant $US200… Luc est furieux contre lui. Il a posé le porte-monnaie sur le comptoir du bar, après avoir payé son coca et… après, le flou. Le fait est que la serveuse n’a rien vu, personne au chantier non plus. Il faut faire opposition tout de suite car ici, pas de code pour payer avec la CB. Une signature suffit sur la note. Comme aux USA. Dangereux système plutôt rétro !
Ruminant des envies de meurtre, nous faisons le plein d’eau avant de quitter le ponton. Hier soir j’ai fait 3 lessives jusque tard dans la nuit et les cuves sont vides. Une cata n’arrivant pas sans une autre, les cuves débordent un bon moment avant qu’on ne s’en rende compte. Tout le coffre à chaussures est inondé, l’aspirateur trempe dans l’eau…L’ambiance est à l’orage…
Curieusement –et Luc en est tout aussi ébahi que moi- je reste d’un zen imperturbable. Je ne me reconnais pas. Après tout, ce ne sont que des soucis d’argent, de contretemps (récupérer une CB) et d’objets divers qui en plus ne se sont pas abimés. Alors…Il y a plus grave dans la vie.
Au bureau du chantier, c’est la consternation. Ils n’aiment pas ces histoires de vol qui jette un voile soupçonneux sur les employés Grenadins. Mais les plaisanciers sont tout aussi soupçonnables. Nous savons bien que les ¾ des vols d’annexes, par exemple, sont le fait de bateaux quittant brusquement le mouillage en emportant un souvenir… Raquel, la secrétaire que Luc connait depuis longtemps, ne nous fait pas payer les 4 jours au ponton. Geste apprécié après tous ces ennuis.

lundi 30 août 2010

QUEL CHANTIER !!! Saint David, Grenade, du 20 au 23 août 2010

"Toute mécanique, particulièrement nautique, même la plus simple, connaît un état normal, naturel, stable, appelé « la panne ». On peut dans certains cas, et pour une durée toujours limitée, la maintenir dans un état anormal et parfaitement instable, appelé "état de marche".
Pierre-Antoine Muraccioli, dit "Antoine"
Grâce à ce principe rarement pris en défaut, tout propriétaire de voilier connait un jour ou l’autre, plus ou moins rapidement les joies de la mise au sec du fruit de ses entrailles (qui n’est pas le bateau mais….le compte en banque du marin, souvent situé là, au creux de l’estomac car c’est là où ça fait mal quand la note tombe) et du séjour sur un chantier. Des crises de nerf pour cause de pièces mécaniques ou autres introuvables, bien sûr, dans la zone, qu’il faut commander, des spécialistes qui n’ont pas le temps de venir, des spécialistes qui ont le temps mais qui n’ont de spécialistes que le titre (danger !), rien ne lui sera épargné.
Cerise sur le gâteau, nous sommes aux Antilles, en pleine saison cyclonique, qui est connue pour être celle des amours frénétiques de l’espèce « Moustique des Carpates », féroce descendant de Dracula et vampire honorable. Et qui transmet généreusement la Dengue à la vitesse du son (zzzzzzzzzz….pouic !!!!).
Impossible de sauter la case « chantier ». Les deux moteurs sont à réviser, en particulier une petite pièce sournoise nommée S-Drive dont le boulot est de relier l’hélice au moteur et qui commence à nous narguer. Elle laisse l’eau pénétrer dans le moteur, puisque l’hélice tourne…dans la mer ! Rien de catastrophique pour le moment mais c’est sûr, ça va casser tôt ou tard. Luc préfère choisir lui-même le moment ! Et moi aussi… L’idée initiale était d’aller à Margarita, et de faire les travaux sur le chantier Vénézuélien fin août. Avis mitigés : le chantier est protégé –le Venezuela c’est pire que le Bronx maintenant- mais impossible de laisser le voilier de Charly sans surveillance à l’ancre devant. Et la nuit, il vaut mieux avoir l’oreille aux aguets et l’œil vif. Charly tient à son voilier. Nous, on tient à Charly. Le conseil extraordinaire décide de demander au chantier de Saint David, à Grenade, une place pour quelques jours. C’est le seul chantier des Antilles à posséder un ber pour soulever la Belle. Un ber ? Et bien le terme vient tout simplement de « berceau ».
Sortie de bain de Bébé surveillée de près

Il s’agit d’une monstrueuse machine munie de sangles en forme de berceau, qui se glissent sous le cata lui-même « garé » dans bassin étroit, et qui soulève comme une plume l’énorme popotin de Belle de Lune. Des bers comme à Grenade….il n’y en a… qu’à Grenade !

Nicolas, un Français qui s’occupe du chantier de Saint David répond à l’appel –peut-être un peu exagéré mais on n‘a rien sans rien- de Luc : « On coule ! ». Et nous accueille tout de suite, la Belle est sortie ; les ouvriers karchérisent (oui, ici, c’est plus cool, on ne karchérise que les bateaux) les coques avec application. Et nous nous retrouvons posés sur des rondins, tenus par des amarres « terrestres », perchés à 3m du sol.
Charly et Luc ont…3 jours pour faire un travail qu’ils avaient prévu en 10. A vos tournevis, prêts, paaaaaaaartez ! J’assiste à un démontage-remontage-nettoyage-changement de pièces sur les moteurs, tellement rapide que je n’ai pas le temps de prendre une photo. Charly passe 2 jours plié en 25 dans les cale-moteurs, sous les moteurs, à côté des moteurs, enroulé autour des moteurs... Luc le suit de près, pinces en main. Le matin, dès 6h, il se transforme en « mécano de salle d’op » et prépare salle et outillage : pas de scalpels mais des outils plus barbares les uns que les autres. Charly arrive, un café et en route. Le soir, je récupère deux zombies noirs de graisse, de cambouis, en état de pré-hibernation (un comble sous cette chaleur). Luc a installé une tente protectrice au-dessus du moteur où Charly fond à vue d’œil (histoire qu’en plus, il ne cuise pas…) grâce au dernier drapeau Ediser (et oui, Jean-Luc, il nous en reste un !), bien large.
A l’intérieur de la Belle, c’est l’enfer aussi. La température oscille entre 35° et 38°. A l’ancre, le bateau se met spontanément dans le sens du vent et il est rare qu’il n’y ait pas un petit alizé qui passe. A terre…Le vent ? Inconnu sur le chantier. Qui tient plus du camping des Flots Bleus en août que du coquet lotissement arboré. quoique, arboré, oui: une forêt de mâts nous encercle!

Belle de Lune, avec son arrière train imposant se retrouve coincée entre deux camarades, l'air bien tristounette sur ses rondins.


Pas le moindre courant d’air. Le seul avantage, c’est que nous avons du 220 volts et …un VENTILATEUR. Je suis collée contre.
Autre réjouissance, la fameuse faune locale. Sous la forme de moustiques géants, un croisement entre le pigeon et une seringue hypodermique. Même moi, réputée plus proche de la taupe que de l’aigle, je vois sans problème ses grosses pattes, ses yeux chassieux et surtout sa trompe d’éléphant. Nous massacrons à tour de bras. La Dengue fait des ravages à Grenade. Mais contrairement à la Martinique, pas d’armée dépêchée pour éradiquer la menace. Ici, chacun se débrouille, le gouvernement est à la même enseigne. Et puis, ils n’ont pas de chance : ils n’ont pas Roselyne Bachelot, eux.
Lundi 23 août
Tout à coup, branle-bas de combat! Nous retournons à l'eau. C'était prévu mais un brin précipité pour le coup. Je laisse les rangements, cale Jeanne sous mon bras (elle n'a pas réussi à apprendre à descendre d'une échelle, ce qui me surprend de sa part) et ...file à la douche!  J'ai du mal à supporter de voir ma maison traverser le chantier suspendue mais surtout les sorties et remises à l'eau me stressent trop. Il y a 5 ou 6 employés du chantier pour guider, Charly et Luc seront sur le cata dès qu'il touche l'eau, on n'a pas besoin de moi....