mardi 31 août 2010

COURS D'HISTOIRE entre deux coups de chiffons... 21 août 2010

« La peur de l’ennui est la seule excuse du travail » Jules Renard

J’essaie de me donner un programme pour ne pas sombrer dans une torpeur molissante, ramollissante et je dirais même abrutissante. Rien que l’idée de bouger le petit doigt et on se retrouve couvert de transpiration. Déjà, j’aurais des tendances plus contemplatives qu’acharnées en ce qui concerne le ménage. Hélas, je suis un peu maniaque (c’est couillon quand on n’aime pas le balai et la serpillière) et je ne supporte pas le désordre majeur (mineur, passe encore : mes livres et magasines uniquement !) dans les pièces communes et surtout la saleté. Nous vivons pieds nus et quand ça crisse sous les pieds, beurk. Un plan d’attaque s’impose. Le matin, à la fraîche (c’est une plaisanterie) ménage ! La coque tribord, notre coque, a été inoccupée pendant des mois et l’humidité a maculé les plafonds, laissé des trainées grisâtres sur les cloisons et tout a besoin d’un bon nettoyage. Les placards ont servi de « range tout » un peu au hasard. La coque bâbord doit être réaménagée, nous avons l’intention de nous étaler chez nous ! Armée de mon éponge, de la bouteille d’alcool ménager à 70° et d’une bassine d’eau, je commence par notre cabine. Tout y passe. Je nettoie soit au vinaigre blanc dans mes périodes « Ménage durable » soit à l’alcool ménager dans mes périodes « Génocide total des microbes et autres organismes nocifs ». Vu l’état des lieux, je tranche pour la période « Eradication ».
Il faut savoir que le moteur tribord est sous le lit de la cabine tribord (idem pour bâbord !) et que pendant les travaux, la trappe était ouverte, dans le but d’aérer la cale-moteur et que Charly en plus de l’insolation ne s’asphyxie pas. Les émanations diverses et variées n’ont pas arrangé l’atmosphère.
Dans mes grandes résolutions, j’ai aussi décidé de ne pas m’écœurer trop vite, donc pas d’acharnement et un seul objectif par jour (ouvrable !). Aujourd’hui, la cabine, demain la salle de bain. Après on verra, mon calendrier ne va pas si loin.
Ces messieurs ont fini les moteurs, Luc a fini la peinture de la coque et des hélices, ils attaquent le moteur hors-bord de Charly qui tousse.
Et fume. Pas autant que Charly mais presque.

Et si on parlait de La Grenade ?
Grenade, la forêt primaire, les sources, les cascades, la verdure!

Mais aussi des plages de rêve: plage de La Sagesse (Souvenir du temps où Grenade était Française)

Car on dit « La Grenade » ici, peut-être pour ne pas confondre avec la ville d’Espagne qui a donné son nom à cette île. En effet, en 1492, les marins de Christophe (toujours le même) un peu à l’ouest, et c’est le cas de dire, en découvrant le rivage, s’écrièrent, après le traditionnel « Terre, Terre ! » : « Tiens, mais on dirait les montagnes qui se trouvent en arrière de Grenade, notre ville espagnole ! ». On sait aussi qu’ils ont souvent vu des sirènes, on leur pardonnera. Une fois pied à terre, ils partirent à la découverte de l’île, en évitant soigneusement la population locale des Indiens Caraïbes, venus du continent sud-américain, lesquels après avoir dévoré les pacifiques Arawaks, se seraient bien boulotté les maigrichons Espagnols. On connait la suite, les Espagnols n’ont pas mangé les Indiens au sens strict du terme mais ce fut pire en férocité et en duplicité bien civilisées…Puis ils partirent…
Longue histoire que celle de La Grenade, découverte par les Espagnols mais achetée aux Anglais par Richelieu, puis reprise manu militari par les troupes Anglaises, etc. Et vice-versa. Et on recommence jusqu’à ce que l’Angleterre –perfide Albion- ne se la garde jalousement pour quelques centaines d’années. Le 7 février 1974, l’Indépendance est accordée aux Grenadins. Depuis chaque année, la fête nationale est l’occasion de TOUT mais quand je tout, c’est tout et n’importe quoi, repeindre aux « Couleurs Nationales » - les fameuses couleurs Rasta rouge-jaune-vert-. On « beautifulle » -terme local pour embellir qui n’existe pas en anglais de souche- ce qui passe à portée : murs, cailloux, arbres… Les chiens se terrent ne voulant pas se retrouver en technicolor.
Coquette maisonnette "beautifullée" pour l'Independence Day

Ben oui, le cimetière aussi! Y'a pas de raison, n'est-ce pas?




L'escalier n'a pas échappé au pinceau beautifulleur!

En 1979, coup d’état « pacifique », sans une goutte de sang versée, met au pouvoir le charismatique et populaire leader Maurice Bishop. Réputé pour son intégrité, son gouvernement marxiste ne sera pas au goût de ses voisins, tous proches des Etats-Unis. Ceux-ci voyant d’un très mauvais œil la politique socialiste, la réforme agraire (offrant des terres aux paysans qui la cultivent, en les "confisquant" à leurs propriétaires résidants à l’étrangers, et qui les laissaient à l’abandon), le développement de l’accès à la santé et de l’éducation pour tous. Et surtout le crédo de Maurice Bishop « D’abord développer le pays pour qu’il soit auto-suffisant, ensuite, on acceptera les investissements étrangers, le tourisme etc ». En bref : Bas les pattes les Etats-Unis, pas d’ingérence chez nous. Ce qui devait arriver arriva : gel de toutes les aides au pays, les autres iles des Caraïbes tournèrent le dos à Grenade, ne voulant pas déplaire à Oncle Sam. Et Bishop se rapprocha trop dangereusement de Cuba pour qu’une coalition ne se fasse pas contre lui. Au sein du gouvernement socialiste, des dissensions entre une section pro-soviétique loyale à Moscou et les partisans de Bishop conduisirent à l'arrestation de ce dernier. Il fut exécuté le 19 octobre 1983, avec ses partisans, au cours d’une journée de manifestations de soutien par la population inconditionnelle de son leader. Journée achevée dans le sang par un massacre des étudiants, écoliers, hommes, femmes dont le nombre n’est toujours pas connu à ce jour. Les corps de M.Bishop, sa femme enceinte de 6 mois et son gouvernement sont encore recherchés. L'armée (dominée par les éléments pro-soviétiques) prenant alors le pouvoir. Le tout sous l’œil égrillard de la Marine Américaine, qui croisait « par hasard » au large de Grenade ces jours-là. La Grenade était envahie 6 jours après par une coalition menée par les États-Unis, une opération nommée Urgent Fury.  L'opération fut le plus grand déploiement américain depuis la guerre du Vietnam. Vite fait bien fait : 7 000 soldats américains contre 1 200 soldats Grenadins, assistés par 784 Cubains et quelques instructeurs provenant d'URSS et d'autres pays communistes. Une partie des Cubains présents étaient en fait des ouvriers travaillant à la construction d'un grand aéroport sur l'île, qui avaient reçu un bref entraînement militaire. Le bilan de l'invasion fut de 19 soldats américains, 45 soldats Grenadins et 25 Cubains tués. De nombreux civils ont également été tués (au moins 24 recensés, peut-être plus de 100 en réalité). Un hôpital psychiatrique fut bombardé à la place d'un quartier général militaire…
Maurice Bishop et les pères de la patrie
De nos jours, La Grenade (340 km2) compte environ 100 000 habitants répartis sur l’île principale, la plus peuplée, et les deux « îles sœurs », Carriacou et Petite Martinique. Au nord de l'île, dans la forêt, des colonies de singes plus ou moins timides. Certains daignent venir nous voir si nous avons une banane à offrir, puis la grignotent du bout des dents: c'est vraiment juste pour nous faire plaisir!
Luc, agitant sa banane pour attirer les singes....
Ah! ah! se dit-il, cet animal à deux pattes m'apporterait-il une petite douceur?
Mouais, encore une banane...Allez, soyons fair-play, on ne va pas le décevoir, je la prends quand même.

Muscadier dans la forêt
La noix de muscade, qui orne le drapeau national, a fait la fortune de l'archipel : jusqu'en 2004, la Grenade en était le deuxième producteur mondial derrière l'Indonésie.
Drapeau national: chaque étoile représente un comté et la noix de muscade est au milieu.

Au cœur de la pomme du muscadier, une coque enrobée d'une dentelle rouge, le macis.
Le macis sèche et tombe, il faut casser la coque pour respirer l'odeur de Grenade, l'odeur de la noix de muscade

Et puis, le 7 septembre 2004, l’ouragan Ivan a dévasté la Grenade. Ivan, dit « le terrible » a ravagé 60 % des plantations. 90 % des habitations ou immeubles ont été détruits. Plus de 90 % des bateaux ancrés régulièrement ou réfugiés à la Grenade pour échapper à Ivan ont été coulés ou endommagés. Ivan, cyclone de force 5 (« catastrophique », maximum sur l'échelle de Saffir-Simpson) a fait 37 morts, 500 blessés et laissé 60 000 personnes sans abri. Il fut l'ouragan le plus redoutable ayant frappé les Caraïbes en un demi-siècle.
Tout le toit de l'église et du clocher s'est envolé

Plus que des murs et des arbres qui poussent à l'intérieur
Pire qu’un champ de mine après l’attaque, pas une maison n’était intacte. 


Une des multiples églises étêtées, ventre à l'air.

7 ans plus tard....toujours la désolation...

Littoral déraciné, arbres martyrs.
Cimetière de Carriacou


Les tombes tentent de s'enfuir devant la violence d'Ivan ?


Et que dire des chantiers ayant en garde les centaines de voiliers à sec. Une partie de dominos en enfer. Un enchevêtrement de mâts, de coques explosées, le tout dans des flaques de gas-oil et exposés, non pas au pillage, ce n’est pas le genre des Grenadins, mais au moins à « la récupération sauvage ». Et pas par les Grenadins souvent…Le gouvernement, pour une fois un gouvernement qui réfléchit un peu, a décrété que seules les écoles seraient reconstruites en premier. La Chine –dans sa grande bonté et surtout son sens de l’infiltration et de l’expansion depuis quelques années- a envoyé des centaines de petites maisons en kit. Et il a été décidé qu’en dernier… ce seraient les églises. Vu le nombre, c’était bien vu. Le Parlement aussi d’ailleurs. Donc, en ville, le Parlement de Grenade, une des plus vieilles bâtisses du Nouveau-Monde est toujours en ruines, et les églises viennent plus ou moins d’être rechapeautées. 
Le Parlement à Saint George's

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