lundi 30 août 2010

QUEL CHANTIER !!! Saint David, Grenade, du 20 au 23 août 2010

"Toute mécanique, particulièrement nautique, même la plus simple, connaît un état normal, naturel, stable, appelé « la panne ». On peut dans certains cas, et pour une durée toujours limitée, la maintenir dans un état anormal et parfaitement instable, appelé "état de marche".
Pierre-Antoine Muraccioli, dit "Antoine"
Grâce à ce principe rarement pris en défaut, tout propriétaire de voilier connait un jour ou l’autre, plus ou moins rapidement les joies de la mise au sec du fruit de ses entrailles (qui n’est pas le bateau mais….le compte en banque du marin, souvent situé là, au creux de l’estomac car c’est là où ça fait mal quand la note tombe) et du séjour sur un chantier. Des crises de nerf pour cause de pièces mécaniques ou autres introuvables, bien sûr, dans la zone, qu’il faut commander, des spécialistes qui n’ont pas le temps de venir, des spécialistes qui ont le temps mais qui n’ont de spécialistes que le titre (danger !), rien ne lui sera épargné.
Cerise sur le gâteau, nous sommes aux Antilles, en pleine saison cyclonique, qui est connue pour être celle des amours frénétiques de l’espèce « Moustique des Carpates », féroce descendant de Dracula et vampire honorable. Et qui transmet généreusement la Dengue à la vitesse du son (zzzzzzzzzz….pouic !!!!).
Impossible de sauter la case « chantier ». Les deux moteurs sont à réviser, en particulier une petite pièce sournoise nommée S-Drive dont le boulot est de relier l’hélice au moteur et qui commence à nous narguer. Elle laisse l’eau pénétrer dans le moteur, puisque l’hélice tourne…dans la mer ! Rien de catastrophique pour le moment mais c’est sûr, ça va casser tôt ou tard. Luc préfère choisir lui-même le moment ! Et moi aussi… L’idée initiale était d’aller à Margarita, et de faire les travaux sur le chantier Vénézuélien fin août. Avis mitigés : le chantier est protégé –le Venezuela c’est pire que le Bronx maintenant- mais impossible de laisser le voilier de Charly sans surveillance à l’ancre devant. Et la nuit, il vaut mieux avoir l’oreille aux aguets et l’œil vif. Charly tient à son voilier. Nous, on tient à Charly. Le conseil extraordinaire décide de demander au chantier de Saint David, à Grenade, une place pour quelques jours. C’est le seul chantier des Antilles à posséder un ber pour soulever la Belle. Un ber ? Et bien le terme vient tout simplement de « berceau ».
Sortie de bain de Bébé surveillée de près

Il s’agit d’une monstrueuse machine munie de sangles en forme de berceau, qui se glissent sous le cata lui-même « garé » dans bassin étroit, et qui soulève comme une plume l’énorme popotin de Belle de Lune. Des bers comme à Grenade….il n’y en a… qu’à Grenade !

Nicolas, un Français qui s’occupe du chantier de Saint David répond à l’appel –peut-être un peu exagéré mais on n‘a rien sans rien- de Luc : « On coule ! ». Et nous accueille tout de suite, la Belle est sortie ; les ouvriers karchérisent (oui, ici, c’est plus cool, on ne karchérise que les bateaux) les coques avec application. Et nous nous retrouvons posés sur des rondins, tenus par des amarres « terrestres », perchés à 3m du sol.
Charly et Luc ont…3 jours pour faire un travail qu’ils avaient prévu en 10. A vos tournevis, prêts, paaaaaaaartez ! J’assiste à un démontage-remontage-nettoyage-changement de pièces sur les moteurs, tellement rapide que je n’ai pas le temps de prendre une photo. Charly passe 2 jours plié en 25 dans les cale-moteurs, sous les moteurs, à côté des moteurs, enroulé autour des moteurs... Luc le suit de près, pinces en main. Le matin, dès 6h, il se transforme en « mécano de salle d’op » et prépare salle et outillage : pas de scalpels mais des outils plus barbares les uns que les autres. Charly arrive, un café et en route. Le soir, je récupère deux zombies noirs de graisse, de cambouis, en état de pré-hibernation (un comble sous cette chaleur). Luc a installé une tente protectrice au-dessus du moteur où Charly fond à vue d’œil (histoire qu’en plus, il ne cuise pas…) grâce au dernier drapeau Ediser (et oui, Jean-Luc, il nous en reste un !), bien large.
A l’intérieur de la Belle, c’est l’enfer aussi. La température oscille entre 35° et 38°. A l’ancre, le bateau se met spontanément dans le sens du vent et il est rare qu’il n’y ait pas un petit alizé qui passe. A terre…Le vent ? Inconnu sur le chantier. Qui tient plus du camping des Flots Bleus en août que du coquet lotissement arboré. quoique, arboré, oui: une forêt de mâts nous encercle!

Belle de Lune, avec son arrière train imposant se retrouve coincée entre deux camarades, l'air bien tristounette sur ses rondins.


Pas le moindre courant d’air. Le seul avantage, c’est que nous avons du 220 volts et …un VENTILATEUR. Je suis collée contre.
Autre réjouissance, la fameuse faune locale. Sous la forme de moustiques géants, un croisement entre le pigeon et une seringue hypodermique. Même moi, réputée plus proche de la taupe que de l’aigle, je vois sans problème ses grosses pattes, ses yeux chassieux et surtout sa trompe d’éléphant. Nous massacrons à tour de bras. La Dengue fait des ravages à Grenade. Mais contrairement à la Martinique, pas d’armée dépêchée pour éradiquer la menace. Ici, chacun se débrouille, le gouvernement est à la même enseigne. Et puis, ils n’ont pas de chance : ils n’ont pas Roselyne Bachelot, eux.
Lundi 23 août
Tout à coup, branle-bas de combat! Nous retournons à l'eau. C'était prévu mais un brin précipité pour le coup. Je laisse les rangements, cale Jeanne sous mon bras (elle n'a pas réussi à apprendre à descendre d'une échelle, ce qui me surprend de sa part) et ...file à la douche!  J'ai du mal à supporter de voir ma maison traverser le chantier suspendue mais surtout les sorties et remises à l'eau me stressent trop. Il y a 5 ou 6 employés du chantier pour guider, Charly et Luc seront sur le cata dès qu'il touche l'eau, on n'a pas besoin de moi....

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