jeudi 30 septembre 2010

NOS AMIS LES PELICANS… Mercredi 29 septembre 2010

N’écoutez que votre inconscience : elle seule peut vous offrir des fruits qui chantent et des neiges qui soudain, en plein vol, se transforment en pélicans.
Anatole Bisk, dit Alain Bosquet « Le verbe est un navire »
 
Comment quitter Margarita et ne pas consacrer un article à mes chers pélicans ? Ce n’est pas que plus tard, ils ne continueront pas le voyage avec nous, mais c’est à Margarita que nous avons pu observer de près ce nouvel adage : l’homme est la plus belle conquête du pélican.
En effet, nonobstant le fait que ces volatiles se sont autoproclamés gardiens de ponton, surveillants de baie et vigie toutes catégories, ils ont dompté les pêcheurs ! Derrière ce masque Moyenâgeux, cette mine de médecin des temps de la Grande Peste, se cache un redoutable calculateur. Pour vivre, il faut manger, pour manger, il faut pêcher, et pour pêcher, il faut plonger. Fatiguant (discerner le scintillement du poisson sous la surface de l’eau et se jeter genre boulet de canon et style Cirque Pinder) et ma foi, aléatoire. Au cours de ces années à observer le ballet des bipèdes du coin, un jour, un Pelicanus Astucius a eu un éclair. De génie. Pourquoi s’esquinter les plumes pour tenter de happer un petit poisson inconscient alors que eux, là, avec leur grands filets et leurs barques, ramènent à la surface des centaines de sardines frétillantes ? Mais voyons, mais c’est bien sûr, s’exclama la communauté, becs bés (je me demande si c’est bien catholique cet accord audacieux ?). Et tous de domestiquer les pêcheurs : les laisser poser le filet, installer des observateurs sur les barques –en rangs serrés pour ne rien rater-, envoyer les éclaireurs avertir la troupe que la sardine est arrivée (et les pêcheurs avec, pleins d’espoir), enfin, diversifier les attaques pour récupérer le plus possible de poissons, tous en décourageant les bipèdes. Une partie des assaillants posée au bord des filets, une partie positionnée en rangées sautant des barques autour des filets, voire penchant juste leur longs bec pour le remplir, quelques escouades tournoyant juste au dessus, et des « pêcheurs d’élite » en vol rase motte pour saisir les sardines déjà « en mains ». Les hommes se défendent, sautent dans le filet, agitent les bras. Certains tentent même une technique artisanale mais qui aurait pu être efficace : le coup de balai. Les pélicans ricanent. Et se remplissent le bec. Quand nous les voyons repasser au-dessus de la Belle tel la patrouille de France après une représentation, c’est que les vendanges sont faites. Et chaque soir, c’est bombance, alors pourquoi se priver ?
 
DSCF3051Le comité de Vigilance a donné le signal! 
DSCF3046A l’assaut! 
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Escouade numéro 1, en avant!
DSCF3052Escouade numéro 2, en position d’attaque!
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Bataillon d’élite en place!
DSCF3054On sent comme une baisse de moral chez le bipède.
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Certains résistent et se jettent dans le filet en agitant les bras!
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Mais les troupes d’arrière montent à l’avant!
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Technique du coup de balai!
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Rang suivant, on y va!
DSCF3060Bombardier de queue de peloton .
En dehors de ces périodes intenses, le pélican ne perd pas une occasion de s’en mettre une derrière la cravate, une sardine, bien sûr. Le choc sonore à défaut d’être gracieux avertit qu’un pélican est à l’eau. Il en ressort avec ou sans poisson et va se sécher où bon lui semble. Sur le voilier d’à côté, sur l’annexe du cata, sur l’épave qui a coulé à l’entrée du port et qui sort de l’eau, sur les réverbères des pontons (genre décor de cinéma). Peu lui importe que nous soyons là, il fait sa vie tout en nous lorgnant avec réprobation. Ah, cet air de reproche, le bec allongé sur le poitrail, les épaules rentrées et l’œil sévère…
DSCN1089Ce petit courant d’air sous les bras, idéal pour sécher. 
DSCN1091Pêche en bassine ou comment pêcher juste en baissant la tête…
Et pour finir, je n’ai pas pu résister à ce souvenir d’enfance, signé Robert Desnos, une petite madeleine de Proust en l’honneur de nos bombardiers des Caraïbes :
Le Capitaine Jonathan,
Etant âgé de dix-huit ans
Capture un jour un pélican
Dans une île d'Extrême-Orient,

Le pélican de Jonathan
Au matin, pond un œuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.

Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un œuf tout blanc
D'où sort, inévitablement

Un autre, qui en fait autant.
Cela peut durer pendant très longtemps
Si l'on ne fait pas d'omelette avant

GRACIAS A SIMON BOLIVAAAAAAAAAAR…..du 15 au 17 septembre 2010

Si tu ramasses un coquillage et que tu le portes à ton oreille, tu entendras la mer. Si tu le portes à ta poitrine, il entendra ton cœur.
Philippe Geluck

Mercredi 15 septembre
Les pétards ont repris. En nombre réduit car le nombre de pinèros, lanchas et autres embarcations a bien diminué entre Isla Iguana et Gran Testigo. Et les déplacements aussi ! Il ne reste pratiquement plus que la famille très proche de Chon-Chon, et quelques amis. La fête finale marquant le retour de la Vierge dans sa « niche » après les dernières visites et bénédictions est une fête familiale. Tout le monde se connait. La Vierge finit sa tournée aujourd’hui par le dernier “quartier”, sur Gran Testigo. Les Guardacostas, accompagnés de marins en uniforme (les Miss sont reparties à l’école…) vont la chercher en barque pour la déposer à l’autre bout de l’île, sur Playa Chiquita. Là se trouve la maison de Chon-Chon (l’officielle, où vit sa femme), quelques maisons et un abri « commun » comme dans les autres quartiers pour se regrouper.
Nous partons attendre sur Playa Chiquita l’arrivée de la procession nautique. Maria nous invite à aller rendre visite à Chon-Chon (prononcer Tchonn-Tchonn) le célèbre Chon-Chon, que nous n’avons pas vu depuis notre dernier passage, en 1996 je crois ! Chon-Chon, c’est le Patriarche (avec une majuscule s’il vous plaît), Pater Familia de la tribu et vedette incontestée des Testigos. Un roi dans son hamac, qui a pendant de nombreuses années accueilli avec la même chaleur tous les navigateurs, célèbres ou anonymes, faisant escale « chez lui ». Il a fait partager son métier –chasseur de requins, c’est dire si il y en a dans le coin- son amour de son archipel, et de la vie en général. Grand séducteur, l’homme au chapeau noir, avec son faux air de cow-boy d’Amérique du Sud n’a jamais laissé indifférent. Mais le temps a passé et nous retrouvons un vieux monsieur très digne dans…son hamac, toujours ! Très amaigri, il a attrapé la grippe ou quelque chose qui y ressemble. Maria essaie de le persuader d’aller voir le médecin à Margarita mais comme il dit « Cette saleté est entrée toute seule, elle repartira toute seule ». Une tête de mule aussi. Depuis quelques temps, il ne vit plus dans sa maison avec sa femme Nelly dite Maïta (et lui c’est Païto, surnom affectueux) et préfère son « ermitage » donnant sur Playa Real, à quelques centaines de mètres. Un cabanon plus ou moins en ruine, il a accroché son hamac sous la véranda et regarde passer les bateaux. Mais l’œil frise toujours quand une femme vient l’embrasser (et là, nous sommes quatre !) et il nous parle aussi bien de requins que de Blackberry (si, si, le téléphone) et de tous ces gadgets qui nous envahissent ! Au milieu de la conversation, il se lève tout à coup pour aller dégager avec Maria un petit oiseau qui s’est pris dans ces herbes collantes et qui ne peut plus s’envoler. Sauvetage ! Long et délicat mais le prisonnier finit par s’envoler.
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Sauvetage
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Et voilà…
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Prêt à s’envoler mais pas pressé!
La procession débarque sur Playa Chiquita. La première maison à être bénie par la présence de la statue est celle d’Oche. Il est rentré avec sa lancha et son équipage hier soir et a été fêté comme il se doit. N’est-ce pas grâce à lui et sa connaissance de la mer des Caraïbes que l’armée a stoppé les recherches vers l’ouest pour les reprendre à l’est, vers Trinidad ? Il est très ému, et a du mal à se remettre des émotions de ces jours derniers. Quand nous ferons vraiment connaissance, à Margarita la semaine suivante, nous découvrirons un homme qui s’est formé tout seul, instruit par lui-même et ses voyages, guidé par sa grande curiosité et sa volonté d’apprendre (il parle très bien le Français !) quelqu’un de fort et de généreux. Pour le moment, c’est un homme rempli de sa foi, qui remercie la Vierge de l’avoir guidé vers les pinéros. Plus de bandas pour chanter mais un guitariste-chanteur à voix puissante qui accompagne dans chaque maison. Distribution de bières, rhum et gâteaux, alerte ! Avec la chaleur…et il n’est pas midi… L’égrégore fait son effet : le groupe soulève tous et chacun, les chants entrainent et canalisent l’énergie.
Ou alors c’est la bière en plein soleil ?
Et moi, je me retrouve à chanter à plein poumons « Vénézuéla, mi patria, sempre serà en mi corrazon » (ou quelque chose d’approchant) et « Gracias a Simon bolivar » avec une ferveur qui fait rigoler Luké, je le sens, là derrière moi, qui photographie tout ça !
DSCN0970Arrivée de la Virgen del Vallee 
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Avec délicatesse
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DSCN0976Les marins la transportent. 
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Emotion et remerciements
DSCN0990Cherchez l’erreur?
DSCN0992Oche, en tee-shirt blanc est congratulé!
DSCN1005Deuxième arrêt, chants, remerciements, on repart!
DSCN1012Troisième arrêt…
DSCN1016Gracias a Simon Bolivâââââââârrrrrrrr………
DSCN1017Certains ont craqué, et attendent à l’ombre, avec une petite bière!
DSCN1020Mais nous, on continue!
Enfin, la dernière maison est celle de Maïta, vieille dame émue, entourée de ses fils et filles (enfin, un certain nombre car je n’ai pas tout dévidé, l’écheveau familial semble complexe).Tous ont la larme à l’œil, on pleure beaucoup de joie dans les pays Latins !
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Maïta, la maman d’Oche, avec un autre des ses fils
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Et voilà, maintenant, retour à la maison! 
Une bonne sieste après ça, parce que ce soir, c’est le « dernier bal » de la saison !
L’animation bat son plein sous le « pavillon » principal quand nous débarquons à Isla Iguana. C’est la fête pour les petits : une grande pinata descend du plafond, soulevé par un câble comme le pompon de nos manèges d’enfants. Celui qui a les yeux bandés doit frapper la pinata pour que son contenu se déverse. Et voilà: un déluge de bonbons, petits jouets et autres babioles se répand sous les cris des gamins qui se jettent dessus. L’animateur parle à toute allure, mais on comprend qu’il est content, que le fête se termine bien malgré le drame à déplorer, et que la Vierge a fait ce qu’elle devait faire. Et on enchaine par… des pinatas pour adultes ! Tiens donc, je ne savais pas que ça existait ? Le premier a passer sous la pinata est Benjamin, notre ami de la semaine dernière. Il n’est pas ferme ni précis dans ses gestes (l’alcool y est pour beaucoup…) et il vaut mieux se tenir à distance. Le bandeau n’arrange pas son équilibre. La pinata a la forme d’une grosse bouteille en carton recouverte de bandelettes colorées. Elle s’agite dans tous les sens et Benjamin doit passer la main. Enfin, un homme plus chanceux frappe un grand coup avec le bâton et fait éclater la bouteille. Une pluie de petits objets tombe du ciel. Mais qu’est-ce donc…? Nous sommes bien placés et à nos pieds, nous ramassons… un protège-slip. Toujours utile. Une grande dame accroche comme un trophée à son chapeau de paille un superbe « zizi en plastique », de taille respectable. Les moins chanceux en récoltent des petits. Quelques préservatifs et le ton est donné ! En effet, c’est bien une pinata pour adultes. Le tout dans de grands éclats de rire, des blagues que nous ne comprenons pas mais que nous comprenons quand même (il ya comme un langage universel pour ces choses-là) et des bières à la cantonade. L’animateur, bon chanteur aussi, roucoule au micro. Il est très efféminé, nouvelle mode parait-il. Tout à coup il se rue sur Luké, qui n’a pas l’air du coin (ah oui ?) et l’interviewe. Yeux ronds du capitaine que ce déversement de paroles en espagnol Vénézuélien (parfois un lointain rapport avec le Castillan de nos écoles) laisse pantois. Il comprend qu’on lui demande son nom, s’il est content d’être là (si, si, muy contento !) et de répéter quelque chose. Il répète consciencieusement, et la foule se tord de rire. Une grosse ânerie c’est certain! Il faut rire –gentiment- même à nos dépends, c’est aussi notre façon de participer ! Luké est très applaudi !
Et après ? Baila ! La Salsa et le Compas (genre de salsa en plus rapide) sont à l’honneur. Luké observe les pas de danse pour s’en imprégner…Les femmes, c’est plus facile : d’abord, il suffit de suivre le danseur et ensuite… on est invitées. Je me retrouve à guincher trois pas en avant, trois pas en arrière, un ou deux sur le côté. Ah, ça parait simple dit comme ça, et bien, non, mais je me régale, et mes danseurs sont charmants ! Luké se décide a venir danser… au mauvais moment ! (ou au meilleur moment tout dépend). La musique a évolué vers un style boîte de nuit Latino. Je me fais happer par un groupe de femmes, hilares, tapant dans les mains, en cercle autour de celle qui danse seule, au milieu. Puis qui va chercher dans le cercle une remplaçante. C’est ainsi que je me retrouve au milieu à sauter comme un cabri (une cabrette ?), encouragée par les cris de mes consœurs. C’est là que mon Luké, rêveur, s’approche en se trémoussant en rythme. Il n’a pas réalisé que c’est « un cercle de femmes ». (Et moi, j’ai vu le sort du mâle précédent qui s’est approché du cercle). Une grande Testigera le saisit et le propulse au milieu, une autre le serre de près, une troisième les rejoint, le tout sous les hurlements de rire et les plaisanteries des autres. En fait, il est ravi, langoureusement entouré et compressé par ces « mammacitas » très en formes…
Jeudi 16 septembre
Départ pour Margarita. Mer d’huile, vent quasi nul, nous ferons la traversée au moteur…Ce n’est pas un vent de 10 nœuds qui va remuer la Belle. Ni les autres non plus. A 7h ce matin, les quatre voiliers ont levé l’ancre : Agua, Mojito, Mothaline et Belle de Lune. Et nous prenons notre mal en patience. Le bon côté, c’est que personne ne gîte ni ne saute. A midi, je me dis « Tiens, si je faisais un couscous ? ». Mais quelle merveilleuse idée. J’ai de la semoule, des tomates en boîte et du concentré. Des carottes. Du chou. Des pois chiches.Et des épices. Euh…pas de poulet ni de mouton ? Couscous légumes, c’est bon pour la santé !
Il me semble que ça me prends à chaque navigation, cette envie de couscous. Je devrais m'organiser!
Les pélicans nous accueillent en rangs serrés à l’entrée de Porlamar. Juchés sur les barques de pêche, ils lorgnent tout ce qui pourrait ressembler à un poisson.
DSCN1045Le comité d’accueil de Porlamar  
Après les Testigos et le retour à la nature, voici, la ville, la vraie : des immeubles et des grands hôtels ont pris possession du front de mer. Beaucoup en construction depuis… des années, jamais finis. On murmurait à l’époque de notre première visite que le blanchiment d’argent serait une des raisons de ces constructions. Nous, comme on n’est pas mauvaises langues…juste on répète et on se contente de regarder. Et on voit une sorte de Grande-Motte en plus moche, en moche même carrément, car tout a l’air –et ce n’est pas que l’air- d’avoir poussé un peu au hasard. « Tu as un terrain ? Bien, si on faisait un gros immeuble bien haut avec plein de studios pour les touristes ? ». Allez, c’est dit, c’est fait. Le résultat offre à la vue un front de mer hérissé de bâtisses mornes et grises. Mais le mouillage est agréable. Beaucoup moins de bateaux qu’il y a 14 ans, et essentiellement des Français, sans peur et sans reproches. La paranoïa américaine et les histoires à frémir colportées avec délectation par les plaisanciers anglophones ont eu un résultat étonnant : pour la première fois depuis des années, nous sommes ancrés dans un pays où il n’y pas un voilier américain ! A leur décharge, les hurlements hystériques de notre ami Hugo (Chavez, bien sûr) encourageant à pirater et dépouiller tout ce qui est américain  –n’a-t-il pas déclaré dans un célèbre discours que tuer un « gringo » n’était pas un meurtre ?- nous ferait réfléchir nous aussi. L’astuce sera à chaque instant de placer que nous…nous sommes Français et pas gringos !
DSCN1049Et quand je dis Grande-Motte en plus moche… 
DSCN1055 Un peu de couleur grâce aux pinéros
DSCN1056Et voilà un mouillage qui laisse sans voix après les Testigos!
Vendredi 17 septembre
La chaleur est infernale. Respirer nous liquéfie et bouger, alors…On ne peut pas tout avoir, un mouillage bien protégé et en même temps bien ventilé ! Donc, on fond…L’avantage, c’est qu’un petit malin, sur son bateau, a monté sa petite entreprise de location de bande Wi-Fi. Contre la modique somme de 80 bolivars « nouveaux » (avec les anciens, ça aurait fait 80.000 bolivars, et rien qu’en allant acheter le pain et quelques légumes, il fallait presque une brouette pour transporter les billets). Bref, pour environ 8 euros, nous louons une connexion fort convenable. La veille au soir, Luké avait réussi à se brancher sur la wi-fi d’un hôtel, puis d’un autre mais on ramait, on ramait… Ce qui en bateau énerve fort !
A Porlamar, on ne rigole plus et nous partons tout pimpants à terre pour légaliser notre situation plutôt bancale. D’abord l’immigration (pour nous), ensuite la douane (pour le bateau). Rien de bien méchant mais les autorités, sans doute lasses d’essayer de faire comprendre les subtilités des lois du pays à des étrangers (et là, je vais être mauvaise langue, mais c’étaient en particulier des Américains !) ne prenant pas la peine d’apprendre trois mots d’Espagnol et outrés que le monde entier ne parle pas Anglais, ont imposé de passer par un agent. Parlant Français, pour le notre. Car si nous, nous parlons trois mots d’Espagnol et tous les jours passons un moment sur la méthode Assimil, de là à comprendre un douanier…
Juan est l’intermédiaire officiel de la Marina. Enfin, marina est un bien grand mot pour un ponton, et une baraque qui fait office de bureau, vente de boissons, échange de livres, récupération des poubelles, organisation de courses par minibus au Supermercado, et prise en charge des papiers officiels. Il suffit de payer 550 bolivar nouveaux (et non plus 550.000…quelle émotion à l’époque !) pour avoir ses papiers « d’entrée ». Puis de payer 350 bolivars nouveaux pour les papiers de sortie. Gloup. Et encore, nous paierons une taxe par personne (30 euros, et hop) pour la sortie mais pas pour l’entrée, contrairement à nos amis du voilier Vardez, qui eux seront « taxés » deux fois. Surtout ne pas chercher à comprendre. Juan, qui parle bien Français, prend nos passeports et carnet du bateau. Nous devons attendre qu’un nommé Pedro nous appelle quand le chef de l’Immigration sera prêt. Quand ? Dans un moment… Ah, en fin de matinée, c’est bon ! On nous attend. Les bureaux de l’Immigration sont à 200m environ. Une baraquette en bois, climatisée et surtout pourvue d’un grand poste télé où je peux suivre pendant un moment « Les feux de l’Amour » à moins que ce ne soit « La tornade de la passion » ou « Mi amor, mi corrazon » en Anglais, sous titré en Espagnol. Je ne suis pas seule, tout le poste regarde la télé en tamponnant (au hasard ?) les papiers. Le poste est constitué des douaniers, de leurs femmes, filles, fiancées ou petites amies. Ambiance rigolarde et décontractée. Enfin, nous avons nos tampons sur les passeports. Pour le bateau, Pedro –qui a fait ses études à Bordeaux !- nous les ramène quand le Capitaine du Port, à Pampatar, une autre ville, se sera décidé à le tamponner. Il a la réputation d’être capricieux et pénible, celui de ce mois-ci. Car ici, les Capitaines de Port sont « changés » chaque mois pour éviter tout souci de corruption…
Aujourd’hui, nous avons besoin de changer nos Euros en Bolivars. Maria nous a gentiment dépannés aux Testigos mais là, il faut changer une somme rondelette pour couvrir tous les achats prévus. Et il y en a. La première des choses que l’on apprend en arrivant, c’est qu’ici, si on demande à un policier où se trouve la banque pour changer de l’argent, il vous regarde avec des yeux ronds : personne ne change à la banque ! Car le taux va du simple au double. Incompréhensible. Le taux officiel est de 5 bolivars pour un euro. Le taux de la rue (ou de la baie car le vendeur de gas-oil qui livre au cata fait aussi change, et oui !) peut aller jusqu’à 10 bolivars pour un euro selon les jours. Nous mettons de côté nos principes et partons en ville chez « quelqu’un » (une boutique en général) qui discrètement va nous échanger nos euros. Le trajet en taxi, lui, est à prix fixe : 20 bolivars. Ce qu’il faut savoir, et nous l’apprendrons à nos dépends, c’est que c’est 20 bolivar « LE » trajet. 20 mètres ou 5 kilomètres, c’est 20 « Bollos » (diminutif du Bolivar). Ainsi, si pour un raison sotte, genre « Arrête-toi une minute, je prends du pain », puis « Ah, stop, je fais un saut à la pharmacie puisqu’on passe devant », on demande au chauffeur de s’arrêter, et bien à chaque fois, il compte un trajet. Ce qui fait que si on traverse la ville au milieu des embouteillages pendant 30mn, ça coute 20 Bollos, et si on va changer la bouteille de gaz, on s’arrête prendre du pain et on a besoin d’aspirine, le tout sur 200m et en 10mn, ça coûte 60 Bollos. Vaut mieux être avertis ! Les taxis à prix uniques ne sont pas non plus à confort unique. C’est aussi bien la jolie voiture presque récente et bien entretenue avec climatisation, que l’épave roulante avec vitres bloquées (quand c’est bloqué “ouvert” encore…) et amortisseurs inconnus. Mais, de toute façon, toutes sont avec discothèque incorporée ! Toutes les voitures en fait. Le coffre ne sert qu’à empiler des haut-parleurs, des amplis, et tout ce qui peut faire du bruit. Le soir, sur la plage, une voiture s’installe, musique à fond et le cata tremble sur ses coques au rythme des basses. Mais on connait le Top 50 local.
Ce soir, grand plaisir : grâce à notre super connexion internet, nous allons « skyper » un long moment avec Ben qui part demain pour Shanghai. Il va au mariage de son cousin, puis à Hong-Kong, un tour au Japon, retour par la Corée et final à Shanghai à nouveau. Deux mois, avec tente et trolley-porte sac à dos, en costard, rasé de près (enfin, c’est ce qui est prévu) car au Japon, il faut être nickel ! On discute, discute, discute, faut en profiter !

mardi 28 septembre 2010

PORLAMAR : vous avez dit « détaxé » ? On y vaaaaaaaaaaaaaaaaa……du 18 au 28 septembre.

 
Si un appareil tombe en panne, si un objet peur trahir, un accessoire cesser de remplir sa fonction, il le fera. Et de préférence au moment le plus ennuyeux
Loi de Murphy
Contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire, l’ile de Margarita ne doit pas son nom à la consommation forcenée du cocktail éponyme par ses habitants (ou de pizzas, selon les références de chacun) mais vient du Grec « Margaritês » qui signifie « perle ». Margarita est réputée pour ses huitres perlières. Enfin, était. Les Espagnols, colonisant l’ile avec gourmandise au XVIè siècle, n’en ont pas laissées beaucoup… Mais les pêcheurs de perles se sont reconvertis en pêcheurs de coquillages divers et variés, et les huitres abondent dans les restaurants de plage. Les coquilles abondent sur la plage en tas odorants aussi.
Le bord de mer n’est qu’une succession de petits restaurants « pieds dans le sable », débordants sur la plage, musique à fond, familles entières ayant pris d’assaut les transats et consommant fritures et huitres. Les menus sont pour nous a des prix très tentants, environ 7 euros pour un repas avec fruits de mer, poisson ou « lomito », le célèbre filet de bœuf du pays, un dessert et une ou deux bières : on ne va pas s’enquiquiner à faire la cuisine tous les jours… Nous prenons rapidement nos quartiers dans une guinguette locale, tenue par une famille Péruvienne. La serveuse, Eicel, a cette nonchalance efficace typique de ces régions: non, elle ne va pas courir mais si, on mangera quand même. Tôt ou tard…Son sourire et sa gentillesse font le reste. J’essaye quelques plats Péruviens (toujours mon côté kamikase de la nourriture). De la bonne cuisine de montagne où les besoins caloriques et énergétiques sont importants. Moins adaptée au bord de mer sous 30° de température. La purée de « vraies » pommes de terre farcie au thon et aux légumes, genre chausson passé à la friture, ça coupe les pattes.
DSCN1088 Avec Maria devant les p’tis restaurants pieds dans l’eau
Le climat, en effet, est réputé être au beau fixe pratiquement toute l’année. Pas vraiment de saison des pluies sur cette grande ile (66km de long sur 33km de large) en forme de papillon. Nous sommes sur l’aile Est du papillon, la plus développée, avec ses villes, dont Porlamar, la plus grande, réputée pour ses magasins, ses prix, ses rues commerçantes remplies de vendeurs à la sauvette  –qui, ici, ne se sauvent pas d’ailleurs et sont bien installés sur les trottoirs. Il faut se faufiler entre les stands spécialisés : fruits et légumes, CD (écoute gratuite à fond sans demander), DVD, sous-vêtements (soutien-gorges pour gorges opulentes et culottes assorties) de toutes formes et toutes couleurs, vêtements divers et surtout, des stands de jus de fruits frais pressés à la demande, d’arépas et d’empénadas. Le tout concentré sur quelques rues, au centre, autour de la fameuse Plaza Simon Bolivar. Il y a une Plaza Simon Bolivar, avec statue à cheval, en pieds ou pour les moins riches, un buste, dans chaque ville et village du Venezuela, c’est pratique pour se donner rendez-vous !
Une équipe réduite –Maria, qui nous guide, Charly, Marie-Christine, amie de Maria vivant à Panama, et nous deux- part à l’assaut des boutiques et surtout à la recherche des Mac Guyver locaux, adeptes incontestés de notre bon Lavoisier et de son principe « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Explications ! Dès notre arrivée dans la baie, lieu dit « Marina Concorde », notre fin limier s’est mis à la recherche de L’ANNEXE. Une vraie, une belle…une neuve ! La chasse a été vite faite, il n’y a que 2 vendeurs d’annexes sur l’ile. Le premier, un suédois roublard qui a flairé les bonnes affaires, fait fabriquer sur place des annexes qui ont l’allure d’annexes, l’odeur d’annexes (le goût, on n’a pas osé) mais qui après une inspection plus approfondie sont montées et collées façon jouets Kinder. Le prix, lui, n’a rien de celui d’un Kinder. Presque 2000 euros… Et contrairement à notre idée reçue, commander une annexe chez Vemasca –shipchandler Vénézuélien- reviendrait nettement moins cher et serait garantie de qualité. Ce qui nous arrêtait était le change officiel : si on achète avec la carte bleue (la mienne, la seule qui nous reste !) en bolivars officiels, la banque nous comptera à l’arrivée un achat au double du change « officieux ». Un achat de 20.000 bolivars compté au change officiel reviendra à 4000 euros (1 euros pour 5 bolivars) tirés de notre compte en France. Au change de la rue, il sera retiré 2000 euros (1 euros pour 10 bolivars). Acheter dans une concession, chez un grand distributeur : il vaut mieux payer en liquide. Et nous n’avons pas la somme. Qu’à cela ne tienne, nous dit notre précieuse Maria qui connait toutes les ficelles, ils ont l’habitude chez Vemasca comme ailleurs et comptent le change au taux officieux ! Sinon, ils n’auraient plus beaucoup de clients étrangers… Ma foi, ce doit être une coutume locale. Et nous, ça nous permet de commander notre belle annexe, marque GOAZ, à moitié prix. Nous frétillons d’aise. Longue attente -5 jours- pour avoir confirmation du virement de la banque, enfin, le grand jour arrive : Luke fend les flots tel Christophe Colomb découvrant l’Amérique, debout à la proue de SON (enfin, notre, mais je ne vais pas gâcher sa joie tout de suite) annexe (8,5 pieds de long, un vaisseau !)...  Mais je m’égare à nouveau : en fait, Charly remorque notre superbe achat, qui n’a pas encore son moteur installé (lequel est sur le cata), et tous les deux entreprennent sur le champs et sur l’annexe, d’installer notre moteur hors-bord de 8 chevaux, lequel va nous propulser à la vitesse d’un bon trotteur. Et là, catastrophe. La bien connue Loi de Murphy, chère à notre fiston dans son adolescence, frappe. La panne, la vraie, la grosse : le joint de culasse. Quand un mécanicien vous dit d’un air gourmand « Ben, mon pauvre, c’est le joint de culasse », préparez votre chéquier. Après une période de deuil et de découragement, ces messieurs prennent les choses en main. Surtout Charly qui se met en devoir d’en fabriquer un, de joint de culasse. Pas simple sans atelier et avec un matériel réduit, mais on ne doute pas qu’il y arrive. Simplement, que de temps perdu. Luke songe à commander la pièce en France, et la faire livrer par Fedex à Curaçao. Notre agent à Palavas, Papy-la-débrouille, nous trouvera ça sans problème. Coût de l’opération, en gros : 150 euros de joint plus la même somme de Fedex.... On réfléchit. Au cours d’une soirée avec Oche, venu des Testigos et qui est amarré au ponton avec sa lancha la Kanilla, pour la repeindre, nous lui exposons le problème. Il prend son téléphone, appelle un ou deux numéros, dicte à Maria une adresse : un artisan spécialisé dans la fabrication « à la demande » du joint de culasse. Nous en restons bouche bée. On veut voir ! Et on voit. En dehors des quelques rues commerçantes, spéciales touristes, les Margariteros s’organisent avec ce qu’ils ont. Beaucoup de voitures américaines d’un autre âge circulent sur l’île et les pièces de rechange n’existent plus depuis longtemps. Donc c’est la débrouille, le royaume de la récupération, de la réparation en tout genre, des petites échoppes chacune avec sa spécialité. Nous sommes dans les quartiers populaires, rien à voir avec la zone touristique. Les rues sont poussiéreuses, les façades écaillées, peu d’animation à part des gens qui comme nous cherchent un réparateur ou une boutique précise. L’atelier de notre sauveur : une fenêtre ouverte sur la rue, genre cabane à pizzas, des joints de culasse de toutes tailles, toutes formes (enfin, toujours plus ou moins la même) accrochés au mur, la place derrière le comptoir pour un homme. Ou deux en position Egyptienne. « A la tarde » nous dit-il, ce soir, ce sera fait.
DSCN1097 Le centre de fabrication des joints de culasse!
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L’artiste du joint de culasse
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Alors, je vous fais lequel?
Mot du spécialiste : Je laisse le clavier à Luké qui est tombé en transes devant l’échoppe du «jointeur-culasseur ». 
En fait un joint de culasse n’est pas seulement une pièce de carton, mais un assemblage de plusieurs types de matériaux. A travers le joint passe l’huile, l’eau de refroidissement, et les pistons. L’huile et l’eau cela doit être étanche, pour les pistons, c’est pire, il subissent une forte explosion, et un cercle pare-feu doit entourer l’orifice autour du piston. Pour l’artisan, cela est de la rigolade à coté des joints de camion qui trônent dans son échoppe.
Il regarde le joint que j’ai apporté en modèle et m’assure que le neuf sera prêt cette après midi, cout 150 bollos, oui j’ai bien dit 150 bollos, soit 15 Euros…….
Charly et moi en restons bouche bée…..
En dehors de la zone touristique, les échoppes qui jalonnent les rues n’ont rien d’attrayant. Elles sont toutes sur le même modèle : une grande fenêtre ou une ouverture normale de boutique sauf qu’une grille bien solide barre l’accès aux acheteurs. Tout se passe à travers la grille, avec une petite ouverture pour payer, et une plus grande, cadenassée, que le patron ouvre si l’achat ne passe pas dans la première ouverture. Cela laisse songeur quand aux risques d’attaques et de hold-up, même et surtout dans ces petites boutiques. Mais il faut préciser que contrairement aux grands magasins, ils n’ont pas les moyens d’employer des gardes armés à l’entrée.
Les Vénézuéliens sont toujours aussi conviviaux et souriants. En tout cas ceux que nous avons rencontrés! Un peu plus loin, je photographie une maison et une belle américaine garée devant. Luké tombe en pamoison devant une … encore plus belle…Oui, mais il y a une famille qui papote à côté. Qu’à cela ne tienne: “On peut prendre votre voiture en photo?”. Bien sûr, et eux avec! La jeune femme veut poser avec son chien, avec moi, ravie…
DSCN1099Bon, elle n’est pas vraiment belle et je ne suis pas sûre qu’elle soit américaine, mais la maison bleue, elle est jolie! 
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Américaine? Au Venezuela, avoir une voiture américaine doit être illégal…
De retour en « zone touristes », Maria, Marie-Christine et moi investissons un énorme magasin de tissus, fabuleux. Des soies brodées, des cotonnades imprimées, des imprimés Saint Laurent, Givenchy, Hermès (la contrefaçon n’existe pas sous ces latitudes), une vraie caverne d’Ali Baba. Et une organisation terrible : on choisit son tissus –on sort le coupon de l’étagère, on triture, on palpe, trop de choses !-, on repère une vendeuse, elle coupe à la demande et fait un bon, on va payer à la caisse, on va retirer son paquet avec le ticket de caisse, qui est tamponné « payé », et on le montre à la sortie à un « vérificateur ». qui vérifie. Et on sort. Moi, avec mon petit paquet renfermant un magnifique coupon de mousseline de soie rebrodé, aux couleurs flamboyantes. Ouf. Luké et Charly fondent stoïquement en attendant, assis à l’ombre d’un arbre bienvenu.
DSCN1113Et on n’a pas eu le temps de faire tous les étages… 
DSCN1114L’attente des pauvres hommes devant un grand magasin de tissus.
Pour se remonter, rien de tel que de s’asseoir quelques minutes sur le banc d’un vendeur de jus de fruits. Et de commander « un’batida ». Les fruits frais nous font de l’œil derrière la vitrine : melon, fraises, mangues, papaye… Je tente fraise. Elles sont énormes et viennent des provinces des Andes, de Mérida, en particulier. Le souvenir des fraises consommées à Noël en 1997, lors de notre précédent séjour au Venezuela, tout en haut des montagnes des Andes Vénézuéliennes, ne nous a jamais quitté. Un coup de blender, de la glace et voilà. On fond mais de plaisir.
DSCN1109Huuummmmm…..Beau et bon à la fois…. 
DSCN1112Marie, Maria et Marie…Christine!
Pour déjeuner, Maria nous propose un restaurant où elle a ses habitudes et où les « lomitos » sont succulents. Tout en s’y dirigeant, quelques arrêts dans les petites boutiques de vêtements (accessibles sans problème !) où pour environ 5 euros, je m’offre une robe courte (ou tunique longue) en mousseline imprimé, jolie, jolie. Le restaurant est très stylé. Rien à voir avec nos « lolos » de bord de plage: mobilier en bois tourné foncé « Velasquez de la grande époque », tableaux aux murs, maitre d’hôtel à l’air revêche, armée de serveurs souriants en costume, nappes blanches et surtout climatisation ! Nous sommes absolument contre la clim qui rend malade et tue la planète (dans cet ordre ou en sens inverse) mais dans les circonstances actuelles, c’est de la légitime défense. Nous nous écroulons en soupirant d’aise tandis que mon œil averti –pour certaines choses- observe le chariot de desserts. Ce restaurant me plait beaucoup ! J’essaie, bien sûr, une spécialité locale inconnue: lasagnes (et oui !) aux aubergines. Un délice et une arme fatale. Les aubergines frites à cœur alternent avec des couches de lasagnes, le tout barbotant dans une béchamel triple crème associée à une sauce bolognaise maison. La portion est pour un camionneur. Le reste de la tablée s’est jeté sur le filet de bœuf/frites, on se croirait dans une brasserie Parisienne sauf que la viande y est, disent-ils entre deux bouchées, bien meilleure ici. Je pédale dans la béchamel, et déclare forfait à mi-parcours. Il faut bien garder une petite place pour la « Torta al queso » repérée en entrant. En fait un flan aux oeufs et au fromage blanc, bien ferme et parfumé, dont j’avais un souvenir ému et que je retrouve avec délice !
De grands panneaux le long des routes et dans les rues encouragent la population à dénoncer toutes tentatives de corruption ou de racket, de qui que ce soit. Avec numéro de téléphone gratuit. Sur la Plaza Bolivar, une grande tente de l’armée attend ceux qui préfèrent dénoncer de vive voix : le « Centro de Denonciation ». Au moins, c’est clair. Et ça veut dire que le gouvernement s’est rendu compte qu’il y a avait un souci du côté de certains fonctionnaires? Nous sommes assez tranquilles sur les bateaux, car de passage, mais les gens qui ont besoin de papiers importants, de permis, de certificats, doivent-ils payer aussi à celui qui les délivre ? Nous avons eu un aperçu de pratiques douteuses avec les taxes pour l’immigration où tous les bateaux n’ont pas été logés à la même enseigne. Et personne n’a de reçu…La Poste a le pompon. Déjà il y a des années, nous avions essayé d’envoyer des cartes postales, aucune n’était arrivée. Il parait que ça n’a pas changé. On achète le timbre, on poste son courrier, et un petit malin récupère le timbre (pour le revendre derrière son guichet juste après) et jette le courrier. La solution est de faire la queue pendant des heures –car les Vénézuéliens le sachant, ils prennent leurs précautions- au guichet et d’exiger que l’employé tamponne le timbre sur l’enveloppe devant vous. Là, ça devrait aller ! Et encore…Nos cartes postées en 1997 ne sont pas encore arrivées à destination !
DSCN1116Centro de denonciation 
Dernier petit tour dans les magasins. Marie-Christine se fait arrêter manu militari par une passante : elle a complètement oublié de retirer son pendentif en or et la dame l’engueule vertement, lui disant en gros que si elle se le fait arracher, faudra pas se plaindre. C’est là que je lui dis « Et tes petits diamants aux oreilles ? ». Ils sont coincés. Elle n’arrive plus à les retirer. C’est ainsi qu’elle finira la journée les cheveux  sur les oreilles, en les plaquant des deux mains d’un air presque naturel.
17h, l’heure du joint de culasse. Arrivés encore sceptiques, un chœur d’admiration s’élève devant le travail de l’artiste en si peu de temps. Ah, que c’est beau un joint de culasse ! Encore plus quand il annonce le prix : 150 bolivars, soit 15 euros. Il est magnifique, ce joint de culasse.
Et en plus il va à merveille sur le moteur. Bon, depuis celui-ci a trouvé une autre panne pour nous gâcher le plaisir de notre nouvelle annexe. Il parait que l’essence se mélange à un endroit inapproprié ??? Heureusement que Michel nous a prêté son petit moteur de 5 chevaux et que l’avantage de cette annexe est d’être très légère. En attendant, on a un joint de culasse neuf !
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Charly ausculte le moteur de l’annexe. Mais que se passe-t-il là dedans? 
Les apéros-ponton
A côté des petits restaurants de plage, la “Marina Concorde” est aménagée. Quelques pontons, neufs, gardés nuit et jour, accueillent les beaux hors-bords du coin. Pas les immenses yachts à étages, c’est un coin simple ! Mais les moteurs ne descendent jamais en dessous de 75 chevaux, et il y en a toujours deux sur chaque embarcation. Marina réduite au minimum, des pontons, de l’eau et de l’électricité. Et une grille renforcée et un gardien, cela coule de source. Le dernier ponton, bien à l’écart, le plus vers le large, est réservé aux lanchas. Nous y retrouvons en soirée Oche, sur la Kanilla, sa sœur Chucha et son mari, sur leur lancha immobilisée dont le moteur est en réparation. Et un soir, Chon-Chon, installé pour quelques jours chez sa fille à Margarita. Plus rien à voir avec le pêcheur en short sur son hamac. Elégant en jean et chemise, il va mieux, la grippe est partie… Dès que le soleil est couché –tout le monde attend chaque soir le rayon vert- l’apéro peut commencer. Selon les apports des bateaux, rhum, coca, biscuits salés, pop-corn, et même de l’eau ! Jeanne va de l’un à l’autre, séduisant à tour de bras, et grignotant à tour de dents. On parle un peu en Espagnol, beaucoup en Français. Oche, qui a travaillé sur un bateau Français parle parfaitement et Chucha le comprend à peu près. Maria traduit le reste. Les soirées sont douces, agréables, les histoires de bateaux succèdent aux…histoires de trafics, spécifiques au pays. Nous apprenons ainsi que pendant la Fête de la Vierge, aux Testigos, un bateau à moteur très « mauvais genre » a été « serré » par les guardacostas et tout l’équipage, hommes et femmes, arrêté. Trafic de Cocaïne, semble-t-il. Les Testigeros les avaient repérés. Pas de pitié pour les trafiquants. A Margarita, un soir, les guardacostas sont passés de voilier en voilier, dans la nuit, relever les noms. Ils cherchaient un bateau (Français ?) bien particulier. Le seul hic, c’est qu’ils n’ont pas toujours de barque officielle sous la main et qu’il étaient sur un pinéro tout simple. Le bruit a rapidement couru que des hommes déguisés en gardes s’approchaient des bateaux…D’autres ont entendu un soir des tirs de mitraillettes et vus des balles ricocher autour de leur bateau. Bon, ça peut arriver…Nous, on a juste entendu des coups de feu, un autre soir, la musique s’est interrompue quelques minutes avant de reprendre de plus belle ! Parlant musique, un soir de week-end, les décibels d’une « soirée discothèque » organisée sauvagement sur la plage nous ont fait fuir. Impossible de se parler tant les basses résonnaient dans l’air, dans l’eau, dans les lattes du ponton ! Et ce n’était qu’une voiture, phares allumés et coffre débordant de haut-parleurs puissants (ah, ça…) qui se prenait pour une rave-party à elle toute seule. Du bateau, la musique nous parvenait encore trop bien. Précision : dans le but de prévenir toute tentative d’alcoolisation pouvant transformer notre foie en éponge, et de ne pas faire exploser notre taux de triglycérides, nous ne sacrifions pas à l’apéro-ponton chaque soir. Et oui, on est petits joueurs…
DSCN1076Et il n’y a pas que les apéros-ponton, il y a aussi les repas du soir…Ici, un exemple de la célèbre soupe de poissons à la langouste du Chef. 
 
DSCN1079Charly, toujours à son affaire devant un gâteau! 
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Un essai non transformé de Chantilly au lait entier par manque de crème. Et bien, ça explose! Jean et Christine vont en faire les frais sur leurs vêtements…
DSCN1083 Et toujours, notre célèbre jeu: cherchez l’intrus! Oui, la chose entre Oche et Christine….

Supermercados et provisions
Le lundi et le vendredi, Juan, le Chilien qui a installé son petit business et son ponton pour les voiliers, organise une matinée «supermarché ». Vers 10h, un minibus gratuit transporte les volontaires prêts à affronter les rayons de SIGO, le Carrefour local, et les boutiques du centre commercial. Dans la zone de Sigo, il y a aussi une grande surface genre Leroy-Merlin, en bien plus petit (il n’y a qu’en France que l’on trouve ces supermarchés Auchan et autres Castos où il faut un GPS pour se retrouver, et un kit de survie pour s’en sortir). Nous pouvons tranquillement faire nos achats, un employé du magasin les emballe en carton bien scotché et numéroté devant nous et ils sont gardés jusqu’à 13h, heure du rendez-vous avec le minibus pour le retour, où ils seront livrés. Bien pratique, même si on n’a pas le choix des magasins.
Je visite les allées du supermarché, comme à mon habitude. Calcule les prix (bien plus chers que prévu, ce n’est pas un endroit populaire), découvre des produits inconnus (ah, ah, il y en a qui vont servir de cobayes…) et scrute les compositions. Là, je suis perplexe. La législation du pays n’oblige visiblement pas les fabricants à une clarté de bon aloi. Certains produits sont étiquetés « façon US », comme chez nous –composition, calories- mais en plus un détail des apports de vitamines, indication concernant les allergies possibles etc. D’autres sont nettement plus nébuleux. En particulier les produits bruts comme l’huile : une seule marque, une seule indication « huile végétale ». Déjà, c’est une bonne chose, ce n’est pas de l’huile animale ! Mais…colza ? Tournesol ? Arachide ? Ou palme, que j’évite au maximum ? Luké, lui, fait prosaïquement les courses, muni de sa liste. Il est parti chasser le fameux « Pecorino », dont nous rêvons depuis notre dernier séjour. Un fromage Italien qui se vendait à l’époque uniquement entier, petite boule jaune enrobée de cire de 1kg500 environ. Même genre que les boules de Gouda dans leur enveloppe de cire rouge, en bien meilleur. Une sorte de Parmesan. Aujourd’hui, il se vend entier ou en morceaux, dans une belle vitrine avec des vendeuses accortes. Mais le prix nous laisse rêveurs : environ 30 euros la boule…Pas possible, les gens se servent ailleurs, pas ici ! Nous avons surtout besoin de produits frais, légumes et fruits. Les tomates sont magnifiques, dodues et fermes, les bananes bien vertes, j’essaie les maracudjas (fruits de la passion) locaux (avec une pensée pour Manon qui adooooore), deux fois plus gros que ceux de Grenade, les carottes pays (un peu monstrueuses, après les carottes clonées toutes de la même taille, même forme, même diamètre au millimètre près, venues de l’Oregon et vendues à Grenade : elles font sauvages). Et les avocats ! Enormes, ça c’est de l’avocat ! Sans oublier: la Vache qui Rit! Pour ceux qui suivent et ont de la mémoire, le 29 août, suite à un mémorable plat de lasagnes à la Vache Qui Rit, j’avais pondu un superbe hymne à ce fromage! A Grenade, j’avais utilisé le modèle US. Au Venezuela, voici le modèle Vénézuélien!
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Américaine, donc light, of course. 
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Vénézuélienne, donc pas light du tout.
DSCN1068Et du Gouda tropicalisé, qui dit mieux?
Nous avons un petit carton, j’ai vite perdu l’habitude des courses et au bout d’une heure ou deux me transforme en E.T. : »Maisoooon »
Quelques jours plus tard, avec Charly , nous décidons d’une expédition rebelle (en taxi !) dans un autre supermarché, nettement plus populaire. Miracle, le Pecorino y est à moitié prix ! Provision est faite… Maria nous a fait découvrir les Cocossettes, longues gaufrettes farcies crème coco, et les Limon, biscuits au citron. Au milieu des biscuits très gras et très sucrés que nous connaissons (et n’aimons pas), voilà un pur délice. Provision itou…Pour la viande, c’est réglé : Maria, toujours, a amené Charly chez son boucher à Porlamar. Il est revenu avec…16 kg de filer de bœuf (taillé un peu au pif d’après Luké, les bouchers tiennent plus du médecin légiste que de l’artiste du couteau ici), congelé sur le champ. Petit inconvénient : les Lomitos ont été congelés entier, sorte de gros rôtis. Comment faire quand nous voulons trois tranches ? Qu’à cela ne tienne, l’homme qui n’a jamais peur achète une scie à métaux !
Et la bière, et le vin ? Nous partons pour plus de 15 jours dans des îles plus ou moins désertes, il faut prévoir ! Il n’y en a pas. Luke s’approche du rayon « Alcools », un garde arrive instantanément pour lui expliquer « Prohibido » ! Oui, oui, on sait, depuis 4 jours, la vente d’alcool est interdite pour cause…d’élections !
Election des députés
Chavez est sur les dents. Et sur toutes les radios, chaque heure, aux infos. Il laisse libre court à sa frénésie de discours style Fidel Castro dans sa période « moyenne ». Il peut parler longtemps, longtemps…Mais n’arrive pas encore à la cheville de Fidel, ouf. Lyrique, grandiloquent, menaçant, c’est assez simple à comprendre car il répète à peu près les mêmes mots. Unité du pays, peuple libérateur, socialisme et avenir, socialisme ou mourir (une variante),capitalisme diabolique. Aux dernières élections, son parti avait raflé tous les sièges, l’opposition ayant eu la fine idée de boycotter le vote. Cette fois, changement de programme. Tout le monde monte au créneau et le résultat risque, même si le parti Chavezien est sûr d’avoir la majorité, d’être nettement moins enthousiasmant. Le Venezuela est le premier pays a avoir adopté, il y a plusieurs années, le vote électronique. Progrès louable sauf que question isoloir, le modernisme n’a pas suivi. En général, l’urne électronique est posée sur une table, entourée sur trois côtés d’un carton de 30cm de haut, et le votant lui, est entouré de, disons, surveillants. Des fois qu’il se tromperait. La photo sur le journal est à ce sujet intéressante ! Ambiance tendue, n’oublions pas qu’il s’agit d’un état militaire. Et des militaires, il y en a partout. Pour éviter des débordements dus à l’alcool, et vu déjà la quantité phénoménale qui se boit en temps normaux, le gouvernement a décidé que du vendredi après-midi au mardi matin, l’alcool serait interdit de vente. Si on a ses propres stocks, on fait ce qu’on veut mais acheter, non ! Dans les boutiques, les bouteilles ont été enlevées et dans les supermarchés les rayons alcools sont entourés de bandes jaunes (les mêmes que celles délimitant les lieux de crime !) avec inscrit « Prohibido ». Nous devrons donc revenir le mardi 29 tôt le matin avant de lever l’ancre…
Ah, j’oubliais : le résultat des élections ! Le gouvernement a remporté comme prévu près des deux tiers des sièges, mais l’opposition, enfin représentée, en a suffisamment pour contrer les votes importants. La question maintenant est : comme le nouveau parlement ne sera établi qu’en janvier, il reste deux mois au parlement actuel pour voter tout ce qu’il veut en vitesse…
Loisirs !
Celui qui croit que sur un voilier, on se la coule douce (quoique l’expression semble malvenue en l’occurrence), n’a jamais gratté une coque, nettoyé un cockpit, fait du pain, réparé un transformateur, appris l’Espagnol, fait des yaourts au soleil, démonté le démarreur qui ne démarre plus sur le moteur tribord (ou bâbord, ça dépend des jours), le tout dans l’ordre ou le désordre et dans la même journée. On se partage tout ça à deux, soit (sauf les cours d’Espagnol, obligatoire pour tous !) mais les journées sont bien remplies. Quand en plus, on a la joie d’avoir une adorable boule de poils qui mérite bien son nom... Généreuse, Jeanne sème à tous vents. Et elle est NOIRE sur un bateau BLANC. On a réussi notre coup . Grand nettoyage au jet d’eau du cockpit et aspirateur à l’intérieur tous les deux jours. Et comme les cheveux d’Eléonore (second prénom de Jeanne, en plus) quand y’en a plus, y’en a encore ! Il reste un peu de temps pour la sieste. Et les loisirs ! A Margarita, pas de plongée ni de chasse sous-marine. Après les expériences de soirées des Testigos, nous avons envie de danser la salsa à peu près dans les normes. Christine, du voilier Vardez, notre voisine donc, adore danser et vient nous donner un cours sur la Belle. Et un, deux, troiiiiiiis… cinq, six, sept ! En chaloupant, avant, arrière. Et hop, l’affaire est dans la poche. On ne se présentera pas à un concours mais on pourra se lancer sur la piste et s’amuser !
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Un, deux, troiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis……. 
DSCN1064Cinq, six, sept!
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Allez, Charly, en souplesse!
Les soirées « sur le bateau voisin » sont importantes et conviviales. Et permettent de choisir les amis que l’on a envie de fréquenter ou non. On s’invite à l’apéro (euh… oui…), et on avise ! On peut se retrouver avec des navigateurs de tous milieux sociaux, tous âges, toutes formes (familiales : bardé d’enfants ou non, ou de chiens), tous sexes…Des gens qu’on ne croiserait pas ou à peine dans notre vie « terrestre » -tant on sait bien que les milieux sociaux-professionnels ne se mélangent pas ou si peu- deviennent des amis. Et on ignore souvent ce qu’ils font « dans la vie » et comment ils remplissent leur caisse de bord ! Comme il est plus facile de changer de voisin de mouillage que de voisin de palier, on se quitte vite fait quand le courant ne passe pas. Car des pénibles, il y en a… A terre, chacun vaque à ses occupations, et on s’invite entre amis de temps en temps. En bateau, on se voit tous les jours, plusieurs fois par jour parfois, et souvent le soir ! Nous, déjà, nous sommes un « double bateau », Belle de Lune et Mojito, et trois personnes (et une superbe chienne). Mais on accepte les « batosympas » sans problème ! C’est ainsi que nous faisons connaissance de l’équipage de JOTAKE (jusqu’au bout en Basque, on en apprend tous les jours) constitué de Christian, valeureux capitaine et cuisinier de formation, Agneska, sa femme Polonaise qui parle un savoureux langage mi-Français-mi-Anglais, Patrizia, ado adorable (ça existe), Anaïs, petit lutin blond de cinq ans et trois mini Yorkshires de garde, véritables sonnettes d’alarme à pattes. En complément, John et Joey, un couple venu pour quelques semaines. Le tout sur un catamaran « fait main » immense, mais où tout est à refaire. Courageux…Ils se rajoutent au groupe formé depuis les Testigos par Agua, Alizé et Mothaline.