Mercredi 1er septembre
« En napolitain, le mot travailler n’existe pas. On dit "fatigare". » Roberto ROSSELLINI
Ou comment certains vont prouver qu’ils n’ont rien de Napolitain, à part les rayures de leurs chemises parfois….
Depuis hier après-midi, nous sommes ancrés… devant Whisper Cove Marina ! Notre ancienne Marina. Le bébé de Luké. Construite ou tout au moins transformée en véritable Marina et restaurant par Luké et Jean-Luc,
Nous y sommes allés la première fois en avril 2007, lors de vacances avec Benjamin. J’avais repéré une petite annonce dans le Compass –le journal des plaisanciers anglophones- disant en gros qu’un propriétaire de marina recherchait un gérant. A voir. Les trajets Martinique-Grenadines commençaient à me lasser sérieusement (ben, oui, il n’y a pas que métro-boulot-dodo qui lasse, il peut arriver que les trajets « plages de Martinique-plages de Sainte Lucie- Lagon des Grenadines » aussi…) Et puis on aime bien changer. Et Luké pensait que question rentabilité, pourquoi pas ? Nous avions découvert un petit coin paradisiaque, une petite baie encaissée au pied d’un morne, un village très….traditionnel, le tout au fond d’un …fjord ! La côte sud de Grenade est sauvagement découpée par de profonds fjords très stylés Norvégiens ! Mais de marina, ce joli petit coin n’en avait que le nom. Et le ponton. Quand au restaurant, il s’agissait d’un petit bar en bois multicolore, et d’une terrasse sans toit. Ravissant mais peu pratique. Soit on mourrait d’insolation, soit on se retrouvait trempé par les averses quotidiennes.
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Légèrement à l'abandon la "Marina" ! |
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Ponton tout nu! |
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Et belle terrasse avec parasols en lambeaux... |
Avec Jean-Luc, son « vieux complice » et ami de toutes les aventures un peu –beaucoup- « galère », Luké avait entrepris de poser un toit sur la terrasse, installé (je n’emploierais pas le verbe « réviser » car le mot n’est pas adapté !) l’électricité –spécialité de Jean-Luc qui a eu de croquignolettes surprises à la vue de l’installation d’origine- pour le restaurant, et ensuite sur le ponton pour chaque emplacement de bateau prévu.
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Installation des bornes électriques sur les pontons
Donc, un toit: d'abord, les piliers.
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La vigie? |
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Ensuite, les traverses... |
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Le fameux coup de pinceau de Jean-Luc |
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Une (petite!) pause. |
Avant de reprendre de plus belle.
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Extra-terrestre? Résultats OGM? Non, Jean-Luc en tenue de combat.
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Homme prudent sur un toit brûlant. |
Pas d'eau douce sur les pontons ni de bouées pour amarrer les bateaux. Nous avions ramené de Martinique machine à glaçons, à laver la vaisselle, à laver le linge et sèche-linge. Mais il fallait d'abord trier, débarrasser et nettoyer une maisonnette transformée en dépotoir...
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Brocante sauvage? |
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Caverne d'Ali à en rester baba? |
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Ben...dépotoir, tout simplement. |
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Et voilà....
Et une vraie Marina...avec des bateaux sur l'eau... |
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.Et notre drapeau Occitan en prime! |
Drapeau qui en a intrigué plus d'un: un drapeau rouge...des communistes! Avec une croix jaune...des Catholiques! Des communo-catholiques? Catholo-communistes? Tout simplement comme aurait dit Benjamin dans sa période adolescente exaltée: des citoyens du monde, Français à tendance Cathares!
Ensuite, les épuisantes démarches pour les permis de travail, les licences diverses et certificats variés. Variés dans les obligations aussi. Plus d’un an pour avoir la visite d’un pompeux « officier du ministère de la santé » pour l’hygiène qui nous a demandé …d’installer un évier à deux bacs ! Et on n’en a plus entendu parler. Luc avait recouvert la table de la cuisine d’une plaque d’inox car c’était une vieille table en bois raviné qui ne nous disait rien qui vaille question hygiène. Et je ne parle pas des impôts que nous n’avons jamais réussi, malgré de fréquents séjours aux ministères (ils sont tous rassemblés dans un grand parc à Saint George’s, c’est pratique), à payer ? Soit le fonctionnaire n’était pas là, soit ce n’était pas le moment, soit il manquait un papier. Et comme il a dit à Luc « Il y a le temps ». Les fonctionnaires des impôts Français devraient venir faire un petit stage à Grenade. Des mois de travail acharné, des kilos perdus, mais un restaurant connu pour sa cuisine Française, une marina qui tournait bien. Luké était sur le pied de guerre de 6h le matin jusqu’à 9h le soir (les anglophones mangent très tôt, ça, c’est bien !), passant des annonces sur la radio VHF, la radio des bateaux, américaine, envoyant régulièrement des mails avec nos nouveaux menus, cherchant –longuement- des produits frais chaque matin.
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Notre magasin fruits et légumes, à Woburn, le village. |
Moi, je m’occupais des serveuses, de leur planning pour le ménage (nous n’avons pas tout à fait les mêmes normes de propreté), que les tables soient mises avec nappes, serviettes et fleurs chaque soir. Et je mettais mes jolies robes longues pour accueillir et installer les clients.
Et travail, travail, travail....
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Makinoris fait main, Aligato Chef!!!! |
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Le fameux Cochonnet Farci de Luké |
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Croissants du matin |
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Un pur délice! |
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Petit marché pour les plaisanciers de la baie |
Travail qui porta ses fruits
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Luké et Raymond pour la.... |
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Soirée brochettes |
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Autre soirée animée |
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Tentative de kidnapping de Jeanne par une cliente ayant eu le coup de foudre. |
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Après-midi Musique Country, menée par John, le "maire made in USA" des plaisanciers de la baie! |
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Soirée Pyjamas, affluence et forte animation par Luké! |
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Independance Day |
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Méchoui pour l(Independance Day |
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Raymond s'est fait beau pour le jour national mais le méchoui l'a épuisé.... |
Au bout de trop de kilos perdus, la santé qui commençait à s’en ressentir, plus de vie sociale, et le moral….
Bref : conseil de famille (Luké, Jeanne et moi). Décision de vendre le fond. Après tout, il était bien prévu que ce n’était qu’un arrêt pour remplir la caisse de bord, donc, il avait assez duré. Le fond a été vendu, le couple qui l’a repris n’était pas du métier et l’affaire a coulé. Tristesse de voir une belle chose se dégrader. A présent, un couple Canadien a repris, ajoutant une structure boucherie-charcuterie de qualité (à des prix exorbitants…) et un petit restaurant. Le lieu est nickel et après une grosse appréhension, qu’allions-nous ressentir à nous retrouver dans « notre » marina qui ne l’était plus ? Et bien… Qu’est-ce qu’on est contents de ne plus y travailler !!!! Et d’être de l’autre côté de la barrière. Nous garderons le souvenir d’une belle expérience. Et de la rencontre avec des gens que l’on n’oubliera pas : Raymond, notre jeune voisin, est devenu un homme. Il faisait office de factotum et d’homme à tout faire (bien qu’il ne sache pas faire grand-chose !), gentil et plein de bonne volonté mais hélas, trop pauvre pour continuer l’école.
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Raymond avec sa pêche, un petit requin de la mangrove |
Jamillia, notre serveuse de choc, la seule en qui nous avions confiance, intelligente, instruite, pleine d’humour. Luké a essayé de la pousser à reprendre des études pour devenir comptable ou secrétaire, mais avec déjà 2 enfants, elle n’avait plus envie.
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Jamelia |
Et puis les « cruisers », les plaisanciers Américains, Italiens, Australiens, Espagnols, Africains du Sud, Canadiens et …Français ! Le plaisir que j’en tirais venait beaucoup de ce brassage et de la proportion importante d’étrangers. De parler en anglais et de découvrir de multiples façons de vivre et de voir la vie.
Mais maintenant, c’est à nous d’aller chez les autres et de découvrir encore plus !
Jeudi 2 septembre
Soirée poulet-frites à Whisper Cove Marina. Surmontant nos réticences, nous y allons. Heureuse surprise, il s’agit vraiment de poulets entiers en rôtissoire (et non des éternelles cuisses de poulet, les fameux poulets américains constitués uniquement de cuisses gigantesques, vendus par cartons de 10kg). Mauvaise surprise, le prix est à l’avenant (environ 10 euros pour un blanc de poulet rôti, des frites et une rondelle de salade de choux). Mais c’est vraiment très bon. La sauce du poulet est délicieuse, dixit Luké qui s’empare de mon petit pot de sauce d’un coup sec. Bon, ils frappent sur les prix des boissons qui sont presque le double des autres bars. Je comprends que vu les investissements en matériel, il faut rentabiliser l’affaire. Ce qui me gêne un peu, c’est le côté « franchouillard ». Que des Français ou des Francophones. Mon idée du voyage, c’est aussi pour rencontrer des gens différents (pour rencontrer uniquement des Français, je reste en France). Il est très agréable de se retrouver entre francophones, c’est vrai, nous voyageons à 3 bateaux Français en ce moment, c’est très sympa et très reposant aussi pour parler ! Car une soirée uniquement en Anglais, on rêve en Anglais la nuit suivante et c’est épuisant. Mais le plaisir de rencontrer et de partager nos découvertes avec des gens différents, de comparer nos expériences, c’est un des vrais plaisirs du voyage. La barrière de la langue est quand même un problème et les amis avec lesquels nous voyageons ne parlent pas ou très peu Anglais. Alors…on va au restaurant Français !
Vendredi 3 septembre
Ce soir, c’était apéro sur la Belle pour étudier le départ et la route –c’est tout droit - mais nos comparses tiennent à ne rien négliger- jusqu’aux Testigos. Nous sommes tout frétillants. Ce sera LE vrai départ depuis 4 ans que nous bloquons entre Martinique et Grenade !!! Mais un triste contretemps chamboule nos plans. Geneviève et Ghislain sur leur catamaran ZEN ne nous accompagnerons pas. De mauvaises nouvelles du père de Geneviève qui est très malade et qui a 93 ans. Ils vont laisser le bateau à Grenade et partir en avion mercredi pour la France. Et nous ? Plus besoin d’attendre que Ghislain finisse sa formation de plongée. Alors, demain « nettoyage et rangeage » qui sont les 2 mamelles d’un bateau qui part pour une traversée, aussi courte (une nuit et un jour) soit-elle. Et dimanche, avant de lever l’ancre dans la nuit, dernier barbecue à Hog Island et dernières bières Carib !
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Geneviève et Ghislain, de ZEN |
Dimanche 5 septembre
Pendant que Luké va acheter du gas-oil à la Marina du Phare Bleu, je reste…à Whisper Cove Marina. En parfaite cliente. Un coca, internet et échange de livres. La patronne est souriante et courtoise, mais fait comme si elle ne savait pas qui je suis, et le patron me jette un coup d’œil méfiant. Nous savons de source sûre (Charly lui-même) que l’animal (Charly donc) en passant boire une bière a averti Gilles, ce fameux Canadien, que Luké revenait pour faire du grabuge et mettre les pendules à l’heure. En particulier pour régler en un duel à mort (Luké armé de sa plus lourde poêle à frire et Gilles des piques de sa rôtissoire) les ragots de bas étage qu’il a essayé de colporter pour cacher le fait qu’il avait un peu escroqué le couple qui avait repris l’affaire (c’étaient des amis proches : qui a dit « protégez-moi de mes amis… » ?). Mais vu l’accueil que nous avons reçu dans Grenade et auprès des plaisanciers, nous savions déjà, et cela nous a conforté, que personne ne l’avait cru. Ce pauvre homme n’osait pas sortir de sa cuisine jeudi soir. Nous étions très amusés de le voir passer au loin avec une toque sur la tête. Mais n’oublions pas qu’il est « Maître Saucissier » comme indiqué sur une grande pancarte au-dessus de la boutique charcuterie. Luké l’a achevé en allant le voir au bar et en le félicitant pour les aménagements, et le repas. Dans l’œil de cet homme passèrent plusieurs questions allant de « Il se fout de moi ? » à « Il va me sortir une vacherie », donc « Soyons sur nos gardes ! ». Mais non, rien de tout ça. De la courtoisie, et la vérité : c’était bon ! Depuis il attend la bombe cachée quelque part…. Ce matin, il passe mais ne me regarde pas, je ne le sens pas à son aise. Il fait aussi du pain frais (serait-il aussi Maitre-Boulanger ?) et j’achète une boule genre campagne. Décevant par contre, le pain, mais bon peut être un mauvais jour !!!.
Jeudi soir, à Whisper Cove Marina, nous avions retrouvé avec beaucoup de plaisir Galina et Jim. Ils venaient souvent à la Marina. Galina est Sibérienne et Jim de Kissimee en Floride. Nous y sommes allés à l’époque où nous vivions en Haïti, quand il fallait faire une cure de « malls », les centres commerciaux du pays et prendre quelques vacances. Quel plaisir de parler avec eux…en Anglais ! Nous avions convenu d’aller ensemble à Hog Island pour le barbecue du dimanche. Rendez-vous des gens de bateaux qui achète chez Roger’s un plat de poisson ou de viande avec des spaghettis mous (et des bières). Et des gens du village de Woburn, en face, qui apportent tout à griller et à boire. Ambiance musicale déconseillée aux oreilles sensibles, atmosphère bon enfant. Peu de monde ce dimanche de septembre chez Roger’s mais l’ambiance est bonne, la musique toujours à fond et la nourriture toujours aussi peu engageante. Rien n’a changé !
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Roger's, rien n'a changé, d'ailleurs ce serait dommage. |
Je décide de me consacrer à quelques bières mais aucune envie de me retrouver avec une cuisse de poulet bien grasse surnageant sur un lit de spaghettis cuits depuis des heures et arrosés de concentré de tomate. L’important c’est de se retrouver. Une grande tablée de Français et nos Sibero-Américains.
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Soirée à Hog Island |
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Galina et Jim de OSIRIS |
Et une surprise qui fait plaisir : Jamilia, notre serveuse de choc qui nous tombe dans les bras ! Elle est venue avec famille et amis, pique-nique et barbecue. On discute un bon moment, et on est très contents de savoir qu’on nous regrette !
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Au-revoir Grenade! Nous remontons dans l'annexe bien sagement garée au parking, direction Belle de Lune et départ dans la nuit. |
Lundi 6 septembre
J’ouvre un œil vers 9h, bercée par le doux ronron du moteur tribord. Celui qui est sous notre lit exactement… Le ronron ne serait rien sans la chaleur qu’il dégage, l’animal. Aidé en cela par Jeanne qui se prélasse sur mes pieds. Et oui, la Pépette (autre nom de la Miss) a le devoir de ne pas me lâcher d’une patte quand nous sommes en navigation. Ou alors d’être attachée. Elle sacrifie aux obligations en finissant sa nuit sur mon lit. C’est ça ou je me levais à 2h ce matin pour le départ !
Vent nul. Pour les spécialistes, je préciserais : 6 nœuds, 8 dans les descentes en ramant. Mer calme. Au moins, on se déplace comme à l’ancre. J’en profite pour écrire le journal. Et après de longues cogitations, par décider d’inaugurer un nouveau plat « from scratch ». En Anglais cela signifie « à partir du début ». Les Américains et autres Canadiens ont pour habitude de cuisiner à partir de préparations déjà plus ou moins finalisées. Ce principe se répand de plus en plus en France depuis quelques années : par exemple, une tarte au poulet se fera avec une pâte à tarte achetée au supermarché, de la béchamel en briquette et un reste de poulet. Ce qui fait gagner un temps précieux et du souci en moins. Sur un bateau, peu de supermarché à l’horizon, pas trop de place au réfrigérateur ou au congélateur. Et s’il faut choisir, autant congeler des langoustes que des pâtes à tarte. Donc, les plats se font en préparant soi-même pâte, sauces et autres délicatesses. Pour corser l’affaire, en plus du « from scratch », ce sera aussi du « avec ce qu’on a ». Mon idée, car j’en ai envie depuis un moment, c’est un petit couscous. Soit, nous n’avons pas de poulet. Je ne pense même pas aux merguez. Et pas de légumes couscous non plus. Bref tour d’horizon, en fait, j’ai de la semoule, du concentré de tomates et du raz-el-hanout. Bon, bon, bon….Ah, si, des carottes. Et des petits pois. Voilà, ce sera un couscous carottes-petits pois. N’en déplaise aux mauvaises langues, on s’est régalé avec notre couscous « Spécial Navigation », dégusté en regardant le bleu du ciel se mélanger au bleu plus foncé de la mer.
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Et notre drapeau fétiche entre les deux....
L’animation du jour sera la prise d’un barracuda par Luké. De taille modeste, environ 60cm- il ne l’ajoutera pas à son célèbre « Carnet de Tartarin », album photo des prises exceptionnelles du Capitaine ! Puis, un beau Spanish Mackerel se sacrifie au bout de la ligne de Charly : un Thazard tacheté en français ou comberomorus maculatus pour les érudits de la mer. C’est un beau poisson pélagique, voyageur en fait ! Mariné et grillé, ce sera parfait pour ce soir.
De temps en temps, nous appelons Charly à la radio. Histoire de vérifier que tout va bien. Il dort un peu, veille beaucoup et s’ennuie parfois seul sur son voilier. C’est vraiment agréable de naviguer à deux bateaux. Et rassurant de voir l’ami pas loin !
Dans l’après-midi, je propose à ces messieurs de faire une bonne sieste, chacun chez soi et moi, du cockpit je surveille les interférences potentielles qui pourraient jalonner la route !
Le moral est au beau fixe comme la météo depuis hier : Grand soleil !
17h. L’ancre se fixe dans le sable devant Playa Real, sur l’île de Testigo Grande.
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Arrivée à Testigo Grande |
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Playa Real |
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