Jeudi 9 septembre
6h15 pétantes, un tir groupé de pétards réveille …etc.
Comment ? 6h15 ? Les lanceurs ont du retard, la fatigue commence à se faire sentir !
Aujourd’hui, relâche. Enfin au niveau festif pur. Car pour d’autres, une perspective alléchante mais demandant un peu de travail se présente: grâce à Maria, nous allons pouvoir être indépendants le temps de notre séjour. Elle a une annexe un peu trouée sur la plage, nous avons un moteur mais pas d’annexe, et avec un peu de colle et le savoir-faire de Charly et de Luké, nous allons être nantis d’un moyen de locomotion personnel ! Le temps de colmater les trous et de laisser sécher…Maria s’excuse de nous prêter une embarcation trouée, elle n’a pas le temps de la réparer. Un comble…
Petit encart sur l’annexe.
Annexe : comme son nom ne l’indique pas, cette petite embarcation accolée à tous les bateaux, n’a rien d’annexe. Et est même indispensable. Comment aller à terre quand on est ancré à 50m de la plage ? Comment se déplacer pour aller prendre l’apéro chez le voisin ? Nous avons besoin de notre Twingo maritime. Qui peut-être une Jaguar pour certains, voire une Porche : nous avons surpris quelques amis dont je tairais le nom, poussant au maximum le gros moteur de leur annexe, le GPS à la main pour calculer la vitesse extrême de leur monture ! Pour nous, une petite Twingo suffira. Mais encore faut-il savoir ce qu’on veut. Les avis de l’équipage sont fluctuants entre annexe traditionnelle -boudins, fond rigide, stable mais à crevaisons multiples- et « barquette » en « dur » -instable, parfois dangereuse pour la peinture du cata quand on la suspend à l’arrière, mais …increvable !
Pour le moment, l’annexe de Maria est une merveille pour nous !
Nos amis Anglo-Saxons nomment joliment cette barquette « dinghy », ce qui me fait souvent penser aux Dinky Toys, les fameuses petites voitures collectionnées par les petits garçons il y a…ouh la la , quelques années. Mais il ne faut pas le répéter, les fiers matins seraient vexés.
La journée va s’écouler en douceur et dans la chaleur habituelle. Le temps est au beau fixe avec un soleil de plomb. Le soir, des éclairs zèbrent le ciel avec plus ou moins d’intensité mais pas une goutte de pluie. Sauf hier soir. 21h, le déluge. A la tropicale. Des seaux d’eau, non, des citernes d’eau qui se déversent en quelques minutes. Les tentes sur la plage ont surnagé comme elles pouvaient, et ce matin le linge sèche un peu partout. Les voiliers en ont profité pour stocker l’or du marin : l’eau douce ! Comme nous avons un dessalinisateur, nous n’avons pas installé de récupérateur d’eau de pluie. Mais quelques seaux et cuvettes bien placés, vidés dans les réserves dès que pleins et Luké a du récolter presque… 60 litres de la précieuse eau douce tombée du ciel !
En revenant de la plage où Jeanne a folâtré un bon moment, nous faisons un arrêt sur « Mothaline », le voilier de Francine et Michel, le Marseillais au bel accent. Avec quelques parenthèses dans leur parcours, ils arpentent les Antilles depuis de nombreuses années. Mothaline est un bonbon à la violette posé sur le bleu de l’eau. Francine vit en mauve, pense en mauve et a habillé son voilier en mauve ! De la capote de protection (et oui, ça s’appelle comme ça, le « auvent » en toile qui protège le fier capitaine quand il barre) au taud (ça, je dirais que c’est le store pour protéger les apéros, au-dessus de la table), en passant par l’ « easy bag » (sac facile) ou « lazzy bag » (sac pour fainéants) selon les traductions, qui est une grande poche en toile sur la baume dans laquelle la grand voile tombe d’un coup sans se répandre partout sur le toit (ou roof, c’est fou ce qu’on devient Anglo-snob en bateau…) du carré…tout est d’un doux mauve. Couleur rare pour un voilier, tendre et sucrée. Nous en profitons pour faite plus ample connaissance avec les propriétaires autour d’un verre. De Pastis bien sûr. Sauf pour moi, je n’arrive pas à aimer, et puis avec la chaleur, mieux vaut un sirop à l’eau. Rendez-vous est pris pour le café sur Belle de Lune. Francine est en panne d’ordinateur.
Ah ah…la belle affaire ! Luké retrouve son vice traditionnel : réparer les ordinateurs en panne, formater, déformater, reformater, lui sortir les tripes, lui faire cracher ses virus, tordre l’engin, l’écraser sous son joug ! Un vrai pervers de l’informatique. Il va y passer quelques jours sur celui-là. Pour le moment il ne le sa
Avec une bonne loupe, on peut apercevoir voiliers et lanchas, puis les voiliers: trouver Mothaline, et plus simple car plus gros, trouver Belle de Lune!
Vendredi 10 septembre
Radio Mouillage a fonctionné a la vitesse de l’éclair. Ce matin, César alias Jean-Yves, apporte plusieurs ordinateurs portables qu’il a laissé moisir dans ses coffres. Un honte ! Luké l’agonit d’injures informaticiennes. Car moisi, c’est moisi, ce n’est pas une métaphore. Rien à faire…Quel dommage. Car malgré leur ancienneté, c’aurait été un merveilleux cadeau pour un des jeunes (ou moins jeunes) Testigeros. Ce sera donc, entre tous ces ordinateurs en panne ou moisis, une journée étalage de disques durs, démontage d’écran, recherches de programmes. Le cata se transforme en atelier informatique.
J’aimerais donner –et recevoir- des nouvelles de la famille, là-bas, en France. Ni notre téléphone Martinique ni notre téléphone Grenade ne passe. J’enrage. Maria, à nouveau, va nous rendre un grand service : elle nous prête son téléphone Vénézuela, nous lui achetons une carte téléphonique et Luké peut appeler sa mère et mes parents. Quelle joie de rassurer tout le monde. Ma maman nous assure « Que non, ils ne se faisaient pas de soucis, enfin ! », nous ne la croyons absolument pas.
Et le soir, que faire ? Et bien, si on allait prendre l’apéritif sur « Alizé » le cata de Jean-Yves et Rosalie ? Je décide de faire des biscuits apéritifs au cumin, au paprika et aux herbes de Provence (celles de Ducros). J’ai des emporte-pièces en forme de cœur : ravissants mes biscuits !
César, revivant une chasse au mérou géant, et Rosalie….
Samedi 11 septembre
Sans oublier la mascotte du voyage, le Mogwaï! Ou Yoda selon les jours.
Au plus fort de l’apéritif, hier soir, emportée par mon élan, j’ai adhéré avec enthousiasme à la proposition de partir en mini-randonnée ce matin. Luké était lui aussi partant. Et je dois dire que flemmarde comme je suis, il aurait eu du mal à lui seul à me sortir du lit à 6h30 pour grimper pendant 2h sous un cagnard déjà puissant. La fonction « groupe » a fait son travail et à plusieurs…Tout ça pour voir tout l’archipel du plus haut point de vue de Isla Gran Testigo, là où le phare est construit. J’en avais très envie, seule une retenue compréhensible (pffffouf, fait chaud, faut se lever tôt…) m’empêchait de persuader Luké de le faire ! Et nous aurions regretté de rater un tel spectacle. Bon, c’est vrai, la grimpette commence bien. Un chemin qui part de la maison de Benjamin (prononcer « Bènyaminn ») à Tamarindo, serpente gentiment en arrière des maisons, vers la colline... Mais ça se gâte assez vite. D’abord, le chemin se ratatine et se voit à peine, il faut repérer les flèches peintes sur les rochers pour ne pas se perdre. Et ça ne serpente plus du tout, ça monte en raidillon rapidement. Quelques passages à quatre pattes, agrippés aux rochers, surtout pas aux arbres ! Les arbres sont souvent des cactus, sinon, des mancenilliers je pense. Dans le doute…. Assourdis par le chant strident des cigales géantes des Testigos, nous avons presque l’impression d’être en Provence ! Nous en dénichons une sur une branche : une belle bête de 4 ou 5cm. Ses copines se cachent un peu partout. Jeanne fait le double de chemin que nous, allant, venant, repartant, fouinant : en tant que grande chasseresse, elle traque les lézards qui se faufilent sous les cactus et entre les rochers. C’est ainsi que nous la « décacturiserons » plusieurs fois : des morceaux de petits cactus ras du sol, sortes de galettes hérissées d’épines, se retrouvent bien accrochés à ses cuisses. Une chance pour elle qu’elle ait encore son poil d’hiver (elle n’a pas encore perdu tous ses poils sur le cata…) car les épines sont comme les cigales, géantes !
On est arrivés là, le Phare: ON L’A FAIT!
J’expose ma célèbre technique pour sécher rapidement quand on est en nage, la technique du goéland.
La descente est bien plus rapide que la montée. De retour devant la plage, nous attendons que Jean-Yves-César vienne nous chercher avec son annexe nantie d’un gros moteur, qui est plus rapide pour aller d’une île à l’autre. Notre moteur tient de la Mobylette, mais consomme aussi comme une Mobylette.
Sous la « maison commune », une famille tombe en arrêt devant Jeanne. Et nous devant les petites filles ravissantes avec leurs perles tressées dans les cheveux.
Natasha et sa sœur
Vers 15h, alors que nous somnolons en regardant la mer, un pinéro magnifique, le « Christian Mar », fraichement repeint (comme tous) de couleurs vives se dirige vers le cata avec à son bord toute une famille débordante et joyeuse. Il y a la maman, trois adolescentes et un garçon, un jeune couple, le papa et le propriétaire du pinéro. Et les jolies petites filles aux tresses perlées. Ils montent à bord comme dans un sanctuaire. Je fais visiter une coque et la maman donne les consignes expresses aux enfants. Je ne comprends pas trop l’Espagnol mais là, c’est facile : « Vous ne touchez à rien, vous regardez et c’est tout ! ». La visite suscite des commentaires admiratifs « Oh, il y a même une salle de bain ! » « Que la chambre est belle ! » « C’est grand « … Puis je surprends la maman…à quatre pattes en train de séduire Jeanne qui fait sa belle et se tortille de joie sur son coussin. Visiblement, ils aiment les chiens dans cette famille, les petites vont passer leur temps à jouer avec Jeanne. Nous sortons les verres, le sirop et l’eau fraiche et nous trinquons au plaisir d’être là ! Nous apprenons que la maman a été mariée avec un des fils de Chon-Chon et donc, que la jolie jeune femme aux yeux verts, Carol, est une de ses petites-filles. Ils vivent à Cubagua et ne sont pas venus à la fête de la Vierge depuis longtemps. Le grand jeu est de sauter du haut des coques dans l’eau, tous le font sauf le capitaine de la pinero, sérieux. Et aussi de faire des photos, de nous, du bateau, de …Jeanne. Parents et enfants s’amusent avec une joie et un naturel qui fait plaisir à voir. Au bout d’un moment, la maman décrète qu’il est temps de nous laisser et tous rembarquent joyeusement, comme ils sont arrivés.La Maman, et les plus grands enfants, ou neveux, ou voisins! En gros, le propriétaire du Pinéro, le père, des enfants…. Carol aux beaux yeux et son mari. Photo souvenir avec toute la famille dans le carré de La Belle.La conversation s’engage, avec nos quelques notions d’Espagnol et nos mains, nos mimiques et tout ce qu’on peut ! Les petites offrent d’abord de la brioche à Jeanne. Puis à nous. La maman, une ex-belle fille de Chon-Chon, qui vit maintenant à Cubagua, nous explique que c’est du Pain Colombien. Une sorte de pain au lait bien moelleux (avec une bonne dose de beurre à n’en pas douter !). Elle nous dit qu’elle a toujours rêvé de visiter un voilier. Qu’à cela ne tienne, Belle de Lune est accueillante et se fera un plaisir de renvoyer la balle à nos hôtes, même si on ne sait pas trop encore de qui il s’agir à ce moment-là. Nos compagnons de promenade nous regardent comme si on était des kamikases de la mer. Nous, on est assez fiers de pouvoir offrir quelque chose aux gens du coin, même si ce n’est qu’une visite de la Belle. Le “Christian Mar”, après avoir déposé ses passagers.
Je crois que nous nous sommes fait de grands plaisirs mutuels : nous en invitant cette famille à monter sur le bateau –personne ne l’a proposé visiblement à part nous- et eux en acceptant notre invitation avec cette grande simplicité que nous ne voyons plus beaucoup….
Et ce soir, grande soirée sur Belle de Lune ! Grillade de poissons avec les équipages d’Agua, d’Alizé et de Mojito. Juste pour voir ceux qui suivent et se rappellent des noms des équipiers ! …
Dimanche 12 septembre
Jour de relâche pour les festivités, les Guardacostas en profitent pour faire un tour de baie. Nous n’avons pas encore déclaré notre arrivée. Il n’y a que six jours que nous sommes là… sachant que normalement la loi Vénézuélienne autorise un arrêt maximum de deux jours aux Testigos pour se déclarer au poste de douane et ensuite faire « son immigration » à Margarita. Car il n’y a pas de bureau d’immigration ici, et il est impossible de faire les papiers d’entrée dans le territoire. Il s’agit juste d’un contrôle et d’une comptabilité. Quoiqu’il en soit, et malgré la semaine un peu chargée, les gardes invitent les capitaines à passer au poste déclarer les voiliers. Ce qui est fait en 5 mn l’après-midi. Euh…et pour les deux jours autorisés ? On voudrait bien finir la fête, mercredi soir ? Pas de problème, c’est une bonne idée ! Aimables et accueillants, les douaniers des Testigos font mentir les mauvaises langues !
Depuis hier, les pèlerins venus du continent ont commencé à repartir. Les tentes se sont raréfiées sur la plage, peu à peu ne va rester que le noyau « dur » de la famille des Testigos. Ceux qui vivent à Margarita et sur le continent reprennent travail et école lundi.
Une nouvelle terrible arrive : trois pinéros avec à leurs bords entre 30 et 35 personnes dont un bébé de 5 mois, des enfants et des personnes âgées, sont partis depuis hier matin à 5h pour Margarita et ne sont toujours pas arrivés. Il faut entre trois et quatre heures de mer pour rejoindre Margarita avec les gros moteurs des pinéros. Ils sont partis sans réserves d’eau particulière pour un voyage de quelques heures et ont disparu depuis maintenant 36 heures.
Les matelots qui pilotent ces pinéros, contrairement aux capitaines de lanchas, n’ont pas passé de permis pour conduire les embarcations. Et se diriger en mer. Ils pêchent en bord de côte. Les lanchas vont pêcher loin en mer. Que s’est-il passé ? L’angoisse monte au fil des heures. Le soir, toujours aucune nouvelles.
Lundi 13 septembre
Les pétards ne claquent plus. L’angoisse s’accroit d’heure en heure. Sur ces barques, une bonne partie de la famille, et des amis. Combien exactement, personne ne sait. Qui exactement non plus. Les pinéros ont embarqué « en gros » un certain nombre de passagers Ce qui est sûr c’est qu’il y a un tout petit bébé et des enfants.
Nous avons décidé d’aller quand même visiter la grande dune de Gran Testigo. De toute façon, que faire de plus ? Les lanchas des Testigos sont parties en emportant tout le carburant disponible, et ils n’ont pas de moyen de communication.
Le départ se fait par la maison de Siria, une des filles de Chon-Chon. Une petite chapelle, au-dessus de la plage, abrite une vierge. une autre Virgen del Vallee?
Le plus étonnant, c’est la rambarde en ciment moulé, au milieu de nulle part…
Après une escalade tapissée de cactus, comme d’habitude, la superbe dune de l’île se déroule sous nos yeux. Plus de 100 mètres de haut de sable brûlant, blanc, magnifique. La mer est turquoise et l’eau à plus de 30°. On en profite…
“ Ami, gardez-vous à droite, gardez-vous à gauche”, conseil pour visiter Gran Testigo, on en sait où poser la main dans ce paysage accueillant
Et au détour d’un cactus, nous nous retrouvons tout en haut de la grande dune. Plus de cent mètres de hauteur. Jolie….
Jeanne s’en roule de joie dans le sable, plus de cactus!!!Sur la Belle, tout est normal : le groupe électrogène est en panne. Charly réfléchit…
Bain pour tous, même les réfractaires à poils noirs.
Tiens, un phoque…
Et le dernier des Mohicans discutant avec Davy Crockett (l’homme qui n’a jamais peur) ?
Il a vu un Indien, et ça le réjouit? Non. Des coquillages, mais ça le réjouit tout autant.
Patauger dans la mer à 30°, pas désagréable.
Le retour sera plus rapide, ça descend. Enfin, une fois qu’on a grimpé tout la dune d’un coup! Le magnifique paysage console les marcheurs de l’extrême. La vue sur les îles, les couleurs des fonds, du sable, ouahhhhhh. Pas mal!
J’aime bien animer les photos, ça fait plus vivant non avec la monstresse dans les bras?
Allez, un dernier cactus pour la route…
12h30 : Une salve de pétard met la baie en émoi ! Un avion de l’armée a repéré deux des trois barques ! Des bras s’agitent, ils semblent en bonne santé mais qu’en est-il exactement ? A la joie d’avoir repéré au moins deux des barques, l’inquiétude persiste surtout pour ce petit bébé. Il y a plus de 60 heures à présent qu’ils ont partis des Testigos, sous ce soleil de plomb. Et le troisième pinéro, où est-il ?
Ce soir, apéro dinatoire sur Mothaline, avec l’équipage d’Alizé. Le cœur n’y est pas, la baie est trop calme et inquiète.
Mardi 14 septembre
Appel radio de Rosalie tôt ce main, qui annonce son départ. Enfin, pour le moment, départ précipité pour Margarita où elle devrait quitter le bateau et prendre l’avion. Hier soir, les relations étaient très tendues dans le couple. Sur un bateau, la moindre mésentente prend des proportions inverses à la taille du territoire dont chacun dispose. Difficile de prendre la voiture pour aller se changer les idées en « magasinant » chez Victoria’s Secrets (pour les dames) ou Castorama (pour les messieurs). Je sais mais j’ai beau lutter contre ce sexisme de base consistant à expédier les unes dans les magasins de lingerie et les autres dans les supermarchés de bricolage, moi-même je préfère la FNAC à Leroy Merlin, alors…. Donc, quand tout dérape, le salut est dans la fuite.
Charly opère le groupe électrogène à cœur ouvert sur le pont. Luc est parti pêcher. Quand Maria passe me proposer de l’accompagner à Tamarindo car elle a besoin d’essence pour son annexe. S’il en reste. Le trajet sur une annexe équipée d’un moteur de 25 Chevaux et skippé par une fana de vitesse est impressionnant. En fait, elle me dit ne pas aller si vite que ça mais mon horreur de la vitesse et de tous les sports mécaniques (et les autres en général aussi hélas) exagère les sensations. Je m’accroche. Notre arrivée est saluée par un jet de pétards. Une sorte de code et de téléphone local, ça pète pour chaque arrivée et chaque départ !
Chez Chucha, l’amie-presque sœur de Maria, c’est la consternation. Les deux pinéros, après avoir été repérées par l’armée, ont été secourus et ramenés à Margarita. La bonne nouvelle est que tous les passagers sont fatigués, épuisés mais en bonne santé. Physique et morale. Ils avaient installé les enfants et le bébé au fond de la barque, recouvert tout le monde avec les toiles des tentes et avaient à boire pour une bonne journée, et à manger (l’avantage pour une fois, ici, de cette façon déplorable de se nourrir en grignotant toute la journée des paquets de biscuits apéritifs : on ne part jamais sans réserves !). Mais la soif a été dure et l’angoisse terrible. Quelques jeunes passagers avaient pris en charge le moral des troupes en faisant chanter tout le monde… La catastrophe, c’est l’accident d’hélicoptère qui a eu lieu au dernier moment. L’hélicoptère, avec à son bord pilote, mécanicien et un ou deux autres soldats, avait fait plusieurs rotations pour larguer eau et vivres à proximité des pinéros. Au dernier décollage, il s’est écrasé sur le quai tuant au moins une personne, le pilote, blessant grièvement le mécanicien, amputé des jambes. Mais aussi d’après El Païs, le quotidien de Caracas, blessant terriblement avec des amputations un certain nombre de personnes au sol. Tout le monde pleure, de joie pour « les Miraculés » et de peine pour ces jeunes hommes –ils ont tous moins de 30 ans voire moins de 20- et leurs familles.
Reste le dernier pinéro. Où est-il passé ? Il s’est détaché du groupe car ayant encore quelques réserves d’essence, il s’est élancé à la poursuite d’un cargo qui passait au large. Il doit dériver, en panne d’essence, quelque part. Oche, le capitaine de la Kanelli, est persuadé qu’il dérive vers Trinidad. Il a calculé qu’avec les courants, le vent etc…c’est logique. L’armée se décide à survoler la zone et enfin, repère la barque. A son bord les huit deniers hommes partis en croyant qu’ils allaient rattraper un cargo…Le soulagement est général. Mais l’accident d’hélicoptère, même si ces hommes ont péri en faisant leur métier, laisse un goût amer.
La Kanelli
Sur la Belle, en nettement moins grave, Jeanne nous inquiète : elle ne mange pas, ce qui chez elle est mauvais signe ! Truffe chaude, œil vague, elle est fiévreuse. En la caressant, je découvre bien plantés dans sa cuisse, trois longues épines de cactus, sûrement contenant une substance nocive (les saletés !), plantées depuis notre promenade au phare. Délicatement, Luké retire les dards. Jeanne a pris un air entre le cocker malade et la serpillière essorée.
Ce soir, c’est la célèbre soupe de poisson du Chef Luké, avec croûtons, fromage et aïoli que nous irons manger sur Mojito avec Maria et ses équipières, et Mothaline. On va se serrer sur le petit monocoque mais ce sera bien agréable de « sortir » dîner ! C’est vrai que sur la Belle, il y a de la place à revendre mais bon, j’aime aussi être invitée (même si c’est Luké qui fait le plat !). Avant, Maria nous invite à l’apéro sur « sa » plage, là où elle a une petite cabane avec quelques affaires qu’elle laisse entre deux passages, comme l’annexe qu’elle nous a prêté. Charly a fait du pain frais et une thonnade, Maria a apporté planteur, charcuteries et fromage, nous... un seau de pop-corn frais ! J’espère qu’ils n’auront pas le goût de la soupe de poisson qui a envahi le cata tout l’après-midi…
Ah, un dernier mot : il n’y a pas eu de mouches ni dans Belle de Lune ni dans aucun des autres bateaux qui ont partagé la fantastique soupe de poisson du Chef !
Parking sur la plage, on gare les annexes. Le “Cabanon” de Maria, comme en Provence. Tout le monde est bien installé ? Le soleil peut bien se coucher… C’était encore une belle journée…
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