Si un appareil tombe en panne, si un objet peur trahir, un accessoire cesser de remplir sa fonction, il le fera. Et de préférence au moment le plus ennuyeux
Loi de Murphy
Contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire, l’ile de Margarita ne doit pas son nom à la consommation forcenée du cocktail éponyme par ses habitants (ou de pizzas, selon les références de chacun) mais vient du Grec « Margaritês » qui signifie « perle ». Margarita est réputée pour ses huitres perlières. Enfin, était. Les Espagnols, colonisant l’ile avec gourmandise au XVIè siècle, n’en ont pas laissées beaucoup… Mais les pêcheurs de perles se sont reconvertis en pêcheurs de coquillages divers et variés, et les huitres abondent dans les restaurants de plage. Les coquilles abondent sur la plage en tas odorants aussi.
Le bord de mer n’est qu’une succession de petits restaurants « pieds dans le sable », débordants sur la plage, musique à fond, familles entières ayant pris d’assaut les transats et consommant fritures et huitres. Les menus sont pour nous a des prix très tentants, environ 7 euros pour un repas avec fruits de mer, poisson ou « lomito », le célèbre filet de bœuf du pays, un dessert et une ou deux bières : on ne va pas s’enquiquiner à faire la cuisine tous les jours… Nous prenons rapidement nos quartiers dans une guinguette locale, tenue par une famille Péruvienne. La serveuse, Eicel, a cette nonchalance efficace typique de ces régions: non, elle ne va pas courir mais si, on mangera quand même. Tôt ou tard…Son sourire et sa gentillesse font le reste. J’essaye quelques plats Péruviens (toujours mon côté kamikase de la nourriture). De la bonne cuisine de montagne où les besoins caloriques et énergétiques sont importants. Moins adaptée au bord de mer sous 30° de température. La purée de « vraies » pommes de terre farcie au thon et aux légumes, genre chausson passé à la friture, ça coupe les pattes.
Le climat, en effet, est réputé être au beau fixe pratiquement toute l’année. Pas vraiment de saison des pluies sur cette grande ile (66km de long sur 33km de large) en forme de papillon. Nous sommes sur l’aile Est du papillon, la plus développée, avec ses villes, dont Porlamar, la plus grande, réputée pour ses magasins, ses prix, ses rues commerçantes remplies de vendeurs à la sauvette –qui, ici, ne se sauvent pas d’ailleurs et sont bien installés sur les trottoirs. Il faut se faufiler entre les stands spécialisés : fruits et légumes, CD (écoute gratuite à fond sans demander), DVD, sous-vêtements (soutien-gorges pour gorges opulentes et culottes assorties) de toutes formes et toutes couleurs, vêtements divers et surtout, des stands de jus de fruits frais pressés à la demande, d’arépas et d’empénadas. Le tout concentré sur quelques rues, au centre, autour de la fameuse Plaza Simon Bolivar. Il y a une Plaza Simon Bolivar, avec statue à cheval, en pieds ou pour les moins riches, un buste, dans chaque ville et village du Venezuela, c’est pratique pour se donner rendez-vous !
Une équipe réduite –Maria, qui nous guide, Charly, Marie-Christine, amie de Maria vivant à Panama, et nous deux- part à l’assaut des boutiques et surtout à la recherche des Mac Guyver locaux, adeptes incontestés de notre bon Lavoisier et de son principe « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Explications ! Dès notre arrivée dans la baie, lieu dit « Marina Concorde », notre fin limier s’est mis à la recherche de L’ANNEXE. Une vraie, une belle…une neuve ! La chasse a été vite faite, il n’y a que 2 vendeurs d’annexes sur l’ile. Le premier, un suédois roublard qui a flairé les bonnes affaires, fait fabriquer sur place des annexes qui ont l’allure d’annexes, l’odeur d’annexes (le goût, on n’a pas osé) mais qui après une inspection plus approfondie sont montées et collées façon jouets Kinder. Le prix, lui, n’a rien de celui d’un Kinder. Presque 2000 euros… Et contrairement à notre idée reçue, commander une annexe chez Vemasca –shipchandler Vénézuélien- reviendrait nettement moins cher et serait garantie de qualité. Ce qui nous arrêtait était le change officiel : si on achète avec la carte bleue (la mienne, la seule qui nous reste !) en bolivars officiels, la banque nous comptera à l’arrivée un achat au double du change « officieux ». Un achat de 20.000 bolivars compté au change officiel reviendra à 4000 euros (1 euros pour 5 bolivars) tirés de notre compte en France. Au change de la rue, il sera retiré 2000 euros (1 euros pour 10 bolivars). Acheter dans une concession, chez un grand distributeur : il vaut mieux payer en liquide. Et nous n’avons pas la somme. Qu’à cela ne tienne, nous dit notre précieuse Maria qui connait toutes les ficelles, ils ont l’habitude chez Vemasca comme ailleurs et comptent le change au taux officieux ! Sinon, ils n’auraient plus beaucoup de clients étrangers… Ma foi, ce doit être une coutume locale. Et nous, ça nous permet de commander notre belle annexe, marque GOAZ, à moitié prix. Nous frétillons d’aise. Longue attente -5 jours- pour avoir confirmation du virement de la banque, enfin, le grand jour arrive : Luke fend les flots tel Christophe Colomb découvrant l’Amérique, debout à la proue de SON (enfin, notre, mais je ne vais pas gâcher sa joie tout de suite) annexe (8,5 pieds de long, un vaisseau !)... Mais je m’égare à nouveau : en fait, Charly remorque notre superbe achat, qui n’a pas encore son moteur installé (lequel est sur le cata), et tous les deux entreprennent sur le champs et sur l’annexe, d’installer notre moteur hors-bord de 8 chevaux, lequel va nous propulser à la vitesse d’un bon trotteur. Et là, catastrophe. La bien connue Loi de Murphy, chère à notre fiston dans son adolescence, frappe. La panne, la vraie, la grosse : le joint de culasse. Quand un mécanicien vous dit d’un air gourmand « Ben, mon pauvre, c’est le joint de culasse », préparez votre chéquier. Après une période de deuil et de découragement, ces messieurs prennent les choses en main. Surtout Charly qui se met en devoir d’en fabriquer un, de joint de culasse. Pas simple sans atelier et avec un matériel réduit, mais on ne doute pas qu’il y arrive. Simplement, que de temps perdu. Luke songe à commander la pièce en France, et la faire livrer par Fedex à Curaçao. Notre agent à Palavas, Papy-la-débrouille, nous trouvera ça sans problème. Coût de l’opération, en gros : 150 euros de joint plus la même somme de Fedex.... On réfléchit. Au cours d’une soirée avec Oche, venu des Testigos et qui est amarré au ponton avec sa lancha la Kanilla, pour la repeindre, nous lui exposons le problème. Il prend son téléphone, appelle un ou deux numéros, dicte à Maria une adresse : un artisan spécialisé dans la fabrication « à la demande » du joint de culasse. Nous en restons bouche bée. On veut voir ! Et on voit. En dehors des quelques rues commerçantes, spéciales touristes, les Margariteros s’organisent avec ce qu’ils ont. Beaucoup de voitures américaines d’un autre âge circulent sur l’île et les pièces de rechange n’existent plus depuis longtemps. Donc c’est la débrouille, le royaume de la récupération, de la réparation en tout genre, des petites échoppes chacune avec sa spécialité. Nous sommes dans les quartiers populaires, rien à voir avec la zone touristique. Les rues sont poussiéreuses, les façades écaillées, peu d’animation à part des gens qui comme nous cherchent un réparateur ou une boutique précise. L’atelier de notre sauveur : une fenêtre ouverte sur la rue, genre cabane à pizzas, des joints de culasse de toutes tailles, toutes formes (enfin, toujours plus ou moins la même) accrochés au mur, la place derrière le comptoir pour un homme. Ou deux en position Egyptienne. « A la tarde » nous dit-il, ce soir, ce sera fait.
L’artiste du joint de culasse
Alors, je vous fais lequel?
Mot du spécialiste : Je laisse le clavier à Luké qui est tombé en transes devant l’échoppe du «jointeur-culasseur ». En fait un joint de culasse n’est pas seulement une pièce de carton, mais un assemblage de plusieurs types de matériaux. A travers le joint passe l’huile, l’eau de refroidissement, et les pistons. L’huile et l’eau cela doit être étanche, pour les pistons, c’est pire, il subissent une forte explosion, et un cercle pare-feu doit entourer l’orifice autour du piston. Pour l’artisan, cela est de la rigolade à coté des joints de camion qui trônent dans son échoppe.
Il regarde le joint que j’ai apporté en modèle et m’assure que le neuf sera prêt cette après midi, cout 150 bollos, oui j’ai bien dit 150 bollos, soit 15 Euros…….
Charly et moi en restons bouche bée…..
En dehors de la zone touristique, les échoppes qui jalonnent les rues n’ont rien d’attrayant. Elles sont toutes sur le même modèle : une grande fenêtre ou une ouverture normale de boutique sauf qu’une grille bien solide barre l’accès aux acheteurs. Tout se passe à travers la grille, avec une petite ouverture pour payer, et une plus grande, cadenassée, que le patron ouvre si l’achat ne passe pas dans la première ouverture. Cela laisse songeur quand aux risques d’attaques et de hold-up, même et surtout dans ces petites boutiques. Mais il faut préciser que contrairement aux grands magasins, ils n’ont pas les moyens d’employer des gardes armés à l’entrée.
Les Vénézuéliens sont toujours aussi conviviaux et souriants. En tout cas ceux que nous avons rencontrés! Un peu plus loin, je photographie une maison et une belle américaine garée devant. Luké tombe en pamoison devant une … encore plus belle…Oui, mais il y a une famille qui papote à côté. Qu’à cela ne tienne: “On peut prendre votre voiture en photo?”. Bien sûr, et eux avec! La jeune femme veut poser avec son chien, avec moi, ravie…
Bon, elle n’est pas vraiment belle et je ne suis pas sûre qu’elle soit américaine, mais la maison bleue, elle est jolie!
Américaine? Au Venezuela, avoir une voiture américaine doit être illégal…
De retour en « zone touristes », Maria, Marie-Christine et moi investissons un énorme magasin de tissus, fabuleux. Des soies brodées, des cotonnades imprimées, des imprimés Saint Laurent, Givenchy, Hermès (la contrefaçon n’existe pas sous ces latitudes), une vraie caverne d’Ali Baba. Et une organisation terrible : on choisit son tissus –on sort le coupon de l’étagère, on triture, on palpe, trop de choses !-, on repère une vendeuse, elle coupe à la demande et fait un bon, on va payer à la caisse, on va retirer son paquet avec le ticket de caisse, qui est tamponné « payé », et on le montre à la sortie à un « vérificateur ». qui vérifie. Et on sort. Moi, avec mon petit paquet renfermant un magnifique coupon de mousseline de soie rebrodé, aux couleurs flamboyantes. Ouf. Luké et Charly fondent stoïquement en attendant, assis à l’ombre d’un arbre bienvenu. Pour se remonter, rien de tel que de s’asseoir quelques minutes sur le banc d’un vendeur de jus de fruits. Et de commander « un’batida ». Les fruits frais nous font de l’œil derrière la vitrine : melon, fraises, mangues, papaye… Je tente fraise. Elles sont énormes et viennent des provinces des Andes, de Mérida, en particulier. Le souvenir des fraises consommées à Noël en 1997, lors de notre précédent séjour au Venezuela, tout en haut des montagnes des Andes Vénézuéliennes, ne nous a jamais quitté. Un coup de blender, de la glace et voilà. On fond mais de plaisir.
Pour déjeuner, Maria nous propose un restaurant où elle a ses habitudes et où les « lomitos » sont succulents. Tout en s’y dirigeant, quelques arrêts dans les petites boutiques de vêtements (accessibles sans problème !) où pour environ 5 euros, je m’offre une robe courte (ou tunique longue) en mousseline imprimé, jolie, jolie. Le restaurant est très stylé. Rien à voir avec nos « lolos » de bord de plage: mobilier en bois tourné foncé « Velasquez de la grande époque », tableaux aux murs, maitre d’hôtel à l’air revêche, armée de serveurs souriants en costume, nappes blanches et surtout climatisation ! Nous sommes absolument contre la clim qui rend malade et tue la planète (dans cet ordre ou en sens inverse) mais dans les circonstances actuelles, c’est de la légitime défense. Nous nous écroulons en soupirant d’aise tandis que mon œil averti –pour certaines choses- observe le chariot de desserts. Ce restaurant me plait beaucoup ! J’essaie, bien sûr, une spécialité locale inconnue: lasagnes (et oui !) aux aubergines. Un délice et une arme fatale. Les aubergines frites à cœur alternent avec des couches de lasagnes, le tout barbotant dans une béchamel triple crème associée à une sauce bolognaise maison. La portion est pour un camionneur. Le reste de la tablée s’est jeté sur le filet de bœuf/frites, on se croirait dans une brasserie Parisienne sauf que la viande y est, disent-ils entre deux bouchées, bien meilleure ici. Je pédale dans la béchamel, et déclare forfait à mi-parcours. Il faut bien garder une petite place pour la « Torta al queso » repérée en entrant. En fait un flan aux oeufs et au fromage blanc, bien ferme et parfumé, dont j’avais un souvenir ému et que je retrouve avec délice !
De grands panneaux le long des routes et dans les rues encouragent la population à dénoncer toutes tentatives de corruption ou de racket, de qui que ce soit. Avec numéro de téléphone gratuit. Sur la Plaza Bolivar, une grande tente de l’armée attend ceux qui préfèrent dénoncer de vive voix : le « Centro de Denonciation ». Au moins, c’est clair. Et ça veut dire que le gouvernement s’est rendu compte qu’il y a avait un souci du côté de certains fonctionnaires? Nous sommes assez tranquilles sur les bateaux, car de passage, mais les gens qui ont besoin de papiers importants, de permis, de certificats, doivent-ils payer aussi à celui qui les délivre ? Nous avons eu un aperçu de pratiques douteuses avec les taxes pour l’immigration où tous les bateaux n’ont pas été logés à la même enseigne. Et personne n’a de reçu…La Poste a le pompon. Déjà il y a des années, nous avions essayé d’envoyer des cartes postales, aucune n’était arrivée. Il parait que ça n’a pas changé. On achète le timbre, on poste son courrier, et un petit malin récupère le timbre (pour le revendre derrière son guichet juste après) et jette le courrier. La solution est de faire la queue pendant des heures –car les Vénézuéliens le sachant, ils prennent leurs précautions- au guichet et d’exiger que l’employé tamponne le timbre sur l’enveloppe devant vous. Là, ça devrait aller ! Et encore…Nos cartes postées en 1997 ne sont pas encore arrivées à destination !
Dernier petit tour dans les magasins. Marie-Christine se fait arrêter manu militari par une passante : elle a complètement oublié de retirer son pendentif en or et la dame l’engueule vertement, lui disant en gros que si elle se le fait arracher, faudra pas se plaindre. C’est là que je lui dis « Et tes petits diamants aux oreilles ? ». Ils sont coincés. Elle n’arrive plus à les retirer. C’est ainsi qu’elle finira la journée les cheveux sur les oreilles, en les plaquant des deux mains d’un air presque naturel.
17h, l’heure du joint de culasse. Arrivés encore sceptiques, un chœur d’admiration s’élève devant le travail de l’artiste en si peu de temps. Ah, que c’est beau un joint de culasse ! Encore plus quand il annonce le prix : 150 bolivars, soit 15 euros. Il est magnifique, ce joint de culasse.
Et en plus il va à merveille sur le moteur. Bon, depuis celui-ci a trouvé une autre panne pour nous gâcher le plaisir de notre nouvelle annexe. Il parait que l’essence se mélange à un endroit inapproprié ??? Heureusement que Michel nous a prêté son petit moteur de 5 chevaux et que l’avantage de cette annexe est d’être très légère. En attendant, on a un joint de culasse neuf !
Charly ausculte le moteur de l’annexe. Mais que se passe-t-il là dedans?
Les apéros-ponton
A côté des petits restaurants de plage, la “Marina Concorde” est aménagée. Quelques pontons, neufs, gardés nuit et jour, accueillent les beaux hors-bords du coin. Pas les immenses yachts à étages, c’est un coin simple ! Mais les moteurs ne descendent jamais en dessous de 75 chevaux, et il y en a toujours deux sur chaque embarcation. Marina réduite au minimum, des pontons, de l’eau et de l’électricité. Et une grille renforcée et un gardien, cela coule de source. Le dernier ponton, bien à l’écart, le plus vers le large, est réservé aux lanchas. Nous y retrouvons en soirée Oche, sur la Kanilla, sa sœur Chucha et son mari, sur leur lancha immobilisée dont le moteur est en réparation. Et un soir, Chon-Chon, installé pour quelques jours chez sa fille à Margarita. Plus rien à voir avec le pêcheur en short sur son hamac. Elégant en jean et chemise, il va mieux, la grippe est partie… Dès que le soleil est couché –tout le monde attend chaque soir le rayon vert- l’apéro peut commencer. Selon les apports des bateaux, rhum, coca, biscuits salés, pop-corn, et même de l’eau ! Jeanne va de l’un à l’autre, séduisant à tour de bras, et grignotant à tour de dents. On parle un peu en Espagnol, beaucoup en Français. Oche, qui a travaillé sur un bateau Français parle parfaitement et Chucha le comprend à peu près. Maria traduit le reste. Les soirées sont douces, agréables, les histoires de bateaux succèdent aux…histoires de trafics, spécifiques au pays. Nous apprenons ainsi que pendant la Fête de la Vierge, aux Testigos, un bateau à moteur très « mauvais genre » a été « serré » par les guardacostas et tout l’équipage, hommes et femmes, arrêté. Trafic de Cocaïne, semble-t-il. Les Testigeros les avaient repérés. Pas de pitié pour les trafiquants. A Margarita, un soir, les guardacostas sont passés de voilier en voilier, dans la nuit, relever les noms. Ils cherchaient un bateau (Français ?) bien particulier. Le seul hic, c’est qu’ils n’ont pas toujours de barque officielle sous la main et qu’il étaient sur un pinéro tout simple. Le bruit a rapidement couru que des hommes déguisés en gardes s’approchaient des bateaux…D’autres ont entendu un soir des tirs de mitraillettes et vus des balles ricocher autour de leur bateau. Bon, ça peut arriver…Nous, on a juste entendu des coups de feu, un autre soir, la musique s’est interrompue quelques minutes avant de reprendre de plus belle ! Parlant musique, un soir de week-end, les décibels d’une « soirée discothèque » organisée sauvagement sur la plage nous ont fait fuir. Impossible de se parler tant les basses résonnaient dans l’air, dans l’eau, dans les lattes du ponton ! Et ce n’était qu’une voiture, phares allumés et coffre débordant de haut-parleurs puissants (ah, ça…) qui se prenait pour une rave-party à elle toute seule. Du bateau, la musique nous parvenait encore trop bien. Précision : dans le but de prévenir toute tentative d’alcoolisation pouvant transformer notre foie en éponge, et de ne pas faire exploser notre taux de triglycérides, nous ne sacrifions pas à l’apéro-ponton chaque soir. Et oui, on est petits joueurs… Et il n’y a pas que les apéros-ponton, il y a aussi les repas du soir…Ici, un exemple de la célèbre soupe de poissons à la langouste du Chef.
Un essai non transformé de Chantilly au lait entier par manque de crème. Et bien, ça explose! Jean et Christine vont en faire les frais sur leurs vêtements…
Supermercados et provisions
Le lundi et le vendredi, Juan, le Chilien qui a installé son petit business et son ponton pour les voiliers, organise une matinée «supermarché ». Vers 10h, un minibus gratuit transporte les volontaires prêts à affronter les rayons de SIGO, le Carrefour local, et les boutiques du centre commercial. Dans la zone de Sigo, il y a aussi une grande surface genre Leroy-Merlin, en bien plus petit (il n’y a qu’en France que l’on trouve ces supermarchés Auchan et autres Castos où il faut un GPS pour se retrouver, et un kit de survie pour s’en sortir). Nous pouvons tranquillement faire nos achats, un employé du magasin les emballe en carton bien scotché et numéroté devant nous et ils sont gardés jusqu’à 13h, heure du rendez-vous avec le minibus pour le retour, où ils seront livrés. Bien pratique, même si on n’a pas le choix des magasins.
Je visite les allées du supermarché, comme à mon habitude. Calcule les prix (bien plus chers que prévu, ce n’est pas un endroit populaire), découvre des produits inconnus (ah, ah, il y en a qui vont servir de cobayes…) et scrute les compositions. Là, je suis perplexe. La législation du pays n’oblige visiblement pas les fabricants à une clarté de bon aloi. Certains produits sont étiquetés « façon US », comme chez nous –composition, calories- mais en plus un détail des apports de vitamines, indication concernant les allergies possibles etc. D’autres sont nettement plus nébuleux. En particulier les produits bruts comme l’huile : une seule marque, une seule indication « huile végétale ». Déjà, c’est une bonne chose, ce n’est pas de l’huile animale ! Mais…colza ? Tournesol ? Arachide ? Ou palme, que j’évite au maximum ? Luké, lui, fait prosaïquement les courses, muni de sa liste. Il est parti chasser le fameux « Pecorino », dont nous rêvons depuis notre dernier séjour. Un fromage Italien qui se vendait à l’époque uniquement entier, petite boule jaune enrobée de cire de 1kg500 environ. Même genre que les boules de Gouda dans leur enveloppe de cire rouge, en bien meilleur. Une sorte de Parmesan. Aujourd’hui, il se vend entier ou en morceaux, dans une belle vitrine avec des vendeuses accortes. Mais le prix nous laisse rêveurs : environ 30 euros la boule…Pas possible, les gens se servent ailleurs, pas ici ! Nous avons surtout besoin de produits frais, légumes et fruits. Les tomates sont magnifiques, dodues et fermes, les bananes bien vertes, j’essaie les maracudjas (fruits de la passion) locaux (avec une pensée pour Manon qui adooooore), deux fois plus gros que ceux de Grenade, les carottes pays (un peu monstrueuses, après les carottes clonées toutes de la même taille, même forme, même diamètre au millimètre près, venues de l’Oregon et vendues à Grenade : elles font sauvages). Et les avocats ! Enormes, ça c’est de l’avocat ! Sans oublier: la Vache qui Rit! Pour ceux qui suivent et ont de la mémoire, le 29 août, suite à un mémorable plat de lasagnes à la Vache Qui Rit, j’avais pondu un superbe hymne à ce fromage! A Grenade, j’avais utilisé le modèle US. Au Venezuela, voici le modèle Vénézuélien!
Américaine, donc light, of course.
Vénézuélienne, donc pas light du tout.
Nous avons un petit carton, j’ai vite perdu l’habitude des courses et au bout d’une heure ou deux me transforme en E.T. : »Maisoooon » Quelques jours plus tard, avec Charly , nous décidons d’une expédition rebelle (en taxi !) dans un autre supermarché, nettement plus populaire. Miracle, le Pecorino y est à moitié prix ! Provision est faite… Maria nous a fait découvrir les Cocossettes, longues gaufrettes farcies crème coco, et les Limon, biscuits au citron. Au milieu des biscuits très gras et très sucrés que nous connaissons (et n’aimons pas), voilà un pur délice. Provision itou…Pour la viande, c’est réglé : Maria, toujours, a amené Charly chez son boucher à Porlamar. Il est revenu avec…16 kg de filer de bœuf (taillé un peu au pif d’après Luké, les bouchers tiennent plus du médecin légiste que de l’artiste du couteau ici), congelé sur le champ. Petit inconvénient : les Lomitos ont été congelés entier, sorte de gros rôtis. Comment faire quand nous voulons trois tranches ? Qu’à cela ne tienne, l’homme qui n’a jamais peur achète une scie à métaux !
Et la bière, et le vin ? Nous partons pour plus de 15 jours dans des îles plus ou moins désertes, il faut prévoir ! Il n’y en a pas. Luke s’approche du rayon « Alcools », un garde arrive instantanément pour lui expliquer « Prohibido » ! Oui, oui, on sait, depuis 4 jours, la vente d’alcool est interdite pour cause…d’élections !
Election des députés
Chavez est sur les dents. Et sur toutes les radios, chaque heure, aux infos. Il laisse libre court à sa frénésie de discours style Fidel Castro dans sa période « moyenne ». Il peut parler longtemps, longtemps…Mais n’arrive pas encore à la cheville de Fidel, ouf. Lyrique, grandiloquent, menaçant, c’est assez simple à comprendre car il répète à peu près les mêmes mots. Unité du pays, peuple libérateur, socialisme et avenir, socialisme ou mourir (une variante),capitalisme diabolique. Aux dernières élections, son parti avait raflé tous les sièges, l’opposition ayant eu la fine idée de boycotter le vote. Cette fois, changement de programme. Tout le monde monte au créneau et le résultat risque, même si le parti Chavezien est sûr d’avoir la majorité, d’être nettement moins enthousiasmant. Le Venezuela est le premier pays a avoir adopté, il y a plusieurs années, le vote électronique. Progrès louable sauf que question isoloir, le modernisme n’a pas suivi. En général, l’urne électronique est posée sur une table, entourée sur trois côtés d’un carton de 30cm de haut, et le votant lui, est entouré de, disons, surveillants. Des fois qu’il se tromperait. La photo sur le journal est à ce sujet intéressante ! Ambiance tendue, n’oublions pas qu’il s’agit d’un état militaire. Et des militaires, il y en a partout. Pour éviter des débordements dus à l’alcool, et vu déjà la quantité phénoménale qui se boit en temps normaux, le gouvernement a décidé que du vendredi après-midi au mardi matin, l’alcool serait interdit de vente. Si on a ses propres stocks, on fait ce qu’on veut mais acheter, non ! Dans les boutiques, les bouteilles ont été enlevées et dans les supermarchés les rayons alcools sont entourés de bandes jaunes (les mêmes que celles délimitant les lieux de crime !) avec inscrit « Prohibido ». Nous devrons donc revenir le mardi 29 tôt le matin avant de lever l’ancre…
Ah, j’oubliais : le résultat des élections ! Le gouvernement a remporté comme prévu près des deux tiers des sièges, mais l’opposition, enfin représentée, en a suffisamment pour contrer les votes importants. La question maintenant est : comme le nouveau parlement ne sera établi qu’en janvier, il reste deux mois au parlement actuel pour voter tout ce qu’il veut en vitesse…
Loisirs !
Celui qui croit que sur un voilier, on se la coule douce (quoique l’expression semble malvenue en l’occurrence), n’a jamais gratté une coque, nettoyé un cockpit, fait du pain, réparé un transformateur, appris l’Espagnol, fait des yaourts au soleil, démonté le démarreur qui ne démarre plus sur le moteur tribord (ou bâbord, ça dépend des jours), le tout dans l’ordre ou le désordre et dans la même journée. On se partage tout ça à deux, soit (sauf les cours d’Espagnol, obligatoire pour tous !) mais les journées sont bien remplies. Quand en plus, on a la joie d’avoir une adorable boule de poils qui mérite bien son nom... Généreuse, Jeanne sème à tous vents. Et elle est NOIRE sur un bateau BLANC. On a réussi notre coup . Grand nettoyage au jet d’eau du cockpit et aspirateur à l’intérieur tous les deux jours. Et comme les cheveux d’Eléonore (second prénom de Jeanne, en plus) quand y’en a plus, y’en a encore ! Il reste un peu de temps pour la sieste. Et les loisirs ! A Margarita, pas de plongée ni de chasse sous-marine. Après les expériences de soirées des Testigos, nous avons envie de danser la salsa à peu près dans les normes. Christine, du voilier Vardez, notre voisine donc, adore danser et vient nous donner un cours sur la Belle. Et un, deux, troiiiiiiis… cinq, six, sept ! En chaloupant, avant, arrière. Et hop, l’affaire est dans la poche. On ne se présentera pas à un concours mais on pourra se lancer sur la piste et s’amuser !
Un, deux, troiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis…….
Allez, Charly, en souplesse!
Les soirées « sur le bateau voisin » sont importantes et conviviales. Et permettent de choisir les amis que l’on a envie de fréquenter ou non. On s’invite à l’apéro (euh… oui…), et on avise ! On peut se retrouver avec des navigateurs de tous milieux sociaux, tous âges, toutes formes (familiales : bardé d’enfants ou non, ou de chiens), tous sexes…Des gens qu’on ne croiserait pas ou à peine dans notre vie « terrestre » -tant on sait bien que les milieux sociaux-professionnels ne se mélangent pas ou si peu- deviennent des amis. Et on ignore souvent ce qu’ils font « dans la vie » et comment ils remplissent leur caisse de bord ! Comme il est plus facile de changer de voisin de mouillage que de voisin de palier, on se quitte vite fait quand le courant ne passe pas. Car des pénibles, il y en a… A terre, chacun vaque à ses occupations, et on s’invite entre amis de temps en temps. En bateau, on se voit tous les jours, plusieurs fois par jour parfois, et souvent le soir ! Nous, déjà, nous sommes un « double bateau », Belle de Lune et Mojito, et trois personnes (et une superbe chienne). Mais on accepte les « batosympas » sans problème ! C’est ainsi que nous faisons connaissance de l’équipage de JOTAKE (jusqu’au bout en Basque, on en apprend tous les jours) constitué de Christian, valeureux capitaine et cuisinier de formation, Agneska, sa femme Polonaise qui parle un savoureux langage mi-Français-mi-Anglais, Patrizia, ado adorable (ça existe), Anaïs, petit lutin blond de cinq ans et trois mini Yorkshires de garde, véritables sonnettes d’alarme à pattes. En complément, John et Joey, un couple venu pour quelques semaines. Le tout sur un catamaran « fait main » immense, mais où tout est à refaire. Courageux…Ils se rajoutent au groupe formé depuis les Testigos par Agua, Alizé et Mothaline.
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