jeudi 30 septembre 2010

NOS AMIS LES PELICANS… Mercredi 29 septembre 2010

N’écoutez que votre inconscience : elle seule peut vous offrir des fruits qui chantent et des neiges qui soudain, en plein vol, se transforment en pélicans.
Anatole Bisk, dit Alain Bosquet « Le verbe est un navire »
 
Comment quitter Margarita et ne pas consacrer un article à mes chers pélicans ? Ce n’est pas que plus tard, ils ne continueront pas le voyage avec nous, mais c’est à Margarita que nous avons pu observer de près ce nouvel adage : l’homme est la plus belle conquête du pélican.
En effet, nonobstant le fait que ces volatiles se sont autoproclamés gardiens de ponton, surveillants de baie et vigie toutes catégories, ils ont dompté les pêcheurs ! Derrière ce masque Moyenâgeux, cette mine de médecin des temps de la Grande Peste, se cache un redoutable calculateur. Pour vivre, il faut manger, pour manger, il faut pêcher, et pour pêcher, il faut plonger. Fatiguant (discerner le scintillement du poisson sous la surface de l’eau et se jeter genre boulet de canon et style Cirque Pinder) et ma foi, aléatoire. Au cours de ces années à observer le ballet des bipèdes du coin, un jour, un Pelicanus Astucius a eu un éclair. De génie. Pourquoi s’esquinter les plumes pour tenter de happer un petit poisson inconscient alors que eux, là, avec leur grands filets et leurs barques, ramènent à la surface des centaines de sardines frétillantes ? Mais voyons, mais c’est bien sûr, s’exclama la communauté, becs bés (je me demande si c’est bien catholique cet accord audacieux ?). Et tous de domestiquer les pêcheurs : les laisser poser le filet, installer des observateurs sur les barques –en rangs serrés pour ne rien rater-, envoyer les éclaireurs avertir la troupe que la sardine est arrivée (et les pêcheurs avec, pleins d’espoir), enfin, diversifier les attaques pour récupérer le plus possible de poissons, tous en décourageant les bipèdes. Une partie des assaillants posée au bord des filets, une partie positionnée en rangées sautant des barques autour des filets, voire penchant juste leur longs bec pour le remplir, quelques escouades tournoyant juste au dessus, et des « pêcheurs d’élite » en vol rase motte pour saisir les sardines déjà « en mains ». Les hommes se défendent, sautent dans le filet, agitent les bras. Certains tentent même une technique artisanale mais qui aurait pu être efficace : le coup de balai. Les pélicans ricanent. Et se remplissent le bec. Quand nous les voyons repasser au-dessus de la Belle tel la patrouille de France après une représentation, c’est que les vendanges sont faites. Et chaque soir, c’est bombance, alors pourquoi se priver ?
 
DSCF3051Le comité de Vigilance a donné le signal! 
DSCF3046A l’assaut! 
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Escouade numéro 1, en avant!
DSCF3052Escouade numéro 2, en position d’attaque!
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Bataillon d’élite en place!
DSCF3054On sent comme une baisse de moral chez le bipède.
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Certains résistent et se jettent dans le filet en agitant les bras!
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Mais les troupes d’arrière montent à l’avant!
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Technique du coup de balai!
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Rang suivant, on y va!
DSCF3060Bombardier de queue de peloton .
En dehors de ces périodes intenses, le pélican ne perd pas une occasion de s’en mettre une derrière la cravate, une sardine, bien sûr. Le choc sonore à défaut d’être gracieux avertit qu’un pélican est à l’eau. Il en ressort avec ou sans poisson et va se sécher où bon lui semble. Sur le voilier d’à côté, sur l’annexe du cata, sur l’épave qui a coulé à l’entrée du port et qui sort de l’eau, sur les réverbères des pontons (genre décor de cinéma). Peu lui importe que nous soyons là, il fait sa vie tout en nous lorgnant avec réprobation. Ah, cet air de reproche, le bec allongé sur le poitrail, les épaules rentrées et l’œil sévère…
DSCN1089Ce petit courant d’air sous les bras, idéal pour sécher. 
DSCN1091Pêche en bassine ou comment pêcher juste en baissant la tête…
Et pour finir, je n’ai pas pu résister à ce souvenir d’enfance, signé Robert Desnos, une petite madeleine de Proust en l’honneur de nos bombardiers des Caraïbes :
Le Capitaine Jonathan,
Etant âgé de dix-huit ans
Capture un jour un pélican
Dans une île d'Extrême-Orient,

Le pélican de Jonathan
Au matin, pond un œuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.

Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un œuf tout blanc
D'où sort, inévitablement

Un autre, qui en fait autant.
Cela peut durer pendant très longtemps
Si l'on ne fait pas d'omelette avant

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