“La poire murit en regardant l’autre poire”
Proverbe albanais
Vers 3h du matin, Mothaline lève l’ancre. Sans bruit. Ils rebroussent chemin, tenus d’être en Martinique dans quelques semaines. Le Village Gaulois n’est plus composé que de Mojito et Belle de Lune, autant dire que nous ne sommes plus qu’un faubourg!
On parle de la navigation? En deux mots: Moteur, moteur…
Le lot de consolation: une jolie bonite pour la grillade de ce soir.
Ce qui signifie calme plat, sieste -si possible l’un après l’autre, c’est plus prudent-, lecture, mots croisés…vacances! Curaçao se présente comme une île aride, cactus et arbustes secs. Ce qui ne nous surprend guère! Mais tout à coup, changement de planète: après le “Petit Monde de Bonaire”, les cheminées de Curaçao. Et pas des cheminées de chaumière au fond des bois, mais d’immenses cheminées de raffineries. Des dizaines de cheminées et quelques raffineries accueillent les visiteurs qui se présentent par la mer. Les panaches gris et noirs se fondent dans les nuages. Les énormes tanks de pétrole jalonnent la côte. Paysage stupéfiant (et pas que le paysage dans cette île, de “stupéfiant”, on va s’en rendre compte…)au milieu des Caraïbes, surtout après les îles sauvages des Aves et autres archipels.
Puis la ville apparait, fière de son immense pont qui relie les deux rives en enjambant le fleuve.
Nous allons ancrer à Spanish Water. A quelques kilomètres de Willemstad, un chenal tortueux conduit à un immense plan d’eau, bien enfoncé dans les terres. Spanish Water, l’Eau Espagnole? Le dénommé '”Lagon de Spanish Water”, immense fjord fait de coins et de recoins nous offre une eau trouble, chargée, d’un vert qui n’a rien d’émeraude et tout de glauque. Nous apprendrons plus tard que normalement le lagon est relativement clair et propre, on peut y voir tortue et dauphins par miracle, mais en saison des pluies (comme en ce moment…) le courant peut s’inverser et l’eau stagner, le manque de vent rend l’endroit étouffant et l’accumulation de voiliers à l’ancre dans les mouillages autour du chenal ne donne pas vraiment envie de mettre un orteil à l’eau. Et pourtant… on en rêve! La chaleur nous cloue sur place. Nous… mais pas les célèbres “Mosquitos à dents de sabre” –une nouvelle variété locale, encore une, particulièrement gourmande- qui attaquent, une chance, à heures fixes. Au lever du soleil et au coucher du soleil. Manque de bol, des mutants ont décidé de grignoter entre les repas (la mal bouffe sévit partout) et il faut s’asperger d’un délicieux produit répulsif, au parfum de pur DDT. Un soir, je me retrouve les pieds enduits d’une sorte de graisse noire: ça colle, c’est noir, difficile à nettoyer? Après enquête, il s’agit de la peinture d’un petit “repose pieds” en plastique noir. Peinture enlevée et collée sous mes pieds grâce au produit “OFF répulsif de combat” (OFF: il essaie de piquer et il tombe raide… il est…off!) et dont j’étais enduite avant d’y poser mes petits petons. Ce produit miracle ôte donc aussi la peinture plastique. En plus d’éliminer les moustiques. On n’en demande pas tant. Question: un produit qui est capable de diluer la peinture plastique quand on ne lui demande qu’à dessouder les insectes est-il vraiment inoffensif pour la peau? Choix Cornélien. Se faire dévorer de l’extérieur ou polluer de l’intérieur…Vive les Antilles!
Vardez, les amoureux de Jeanne, Christine et Jean, nous attendent dans un des quatre “trous à ancrage” de Spanish Water. Ils ont trouvé une parade à l’aide d’une moustiquaire géante qui recouvre tous leurs hublots et l’entrée du bateau. Impossible sur Belle de Lune, deux fois trop large, avec des hublots partout et une baie vitrée à l’entrée! On ne peut pas tout avoir.
Chenal d’entrée à Spanish Water, les hôtels…
Multiples pontons garnis de bateaux à moteur…
grâce aux plate-formes pétrolières comme celle-ci, en réparation derrière nous…
Ce qui n’empêche pas de petit-déjeuner sur le pont! Avec en arrière plan, Vardez et son dauphin et Mojito.
Notre petit “fjord” se nomme “Kabrietenbaii” (la baie des cabrettes?), poétique, bucolique, sauvage, hérissé de ses cactus candélabres… et juste derrière, on est cerné par les énormes tanks de pétrole, invisibles mais bien là, des dizaines et des dizaines de tanks rempli de fuel…Un environnement poétique… bucolique…
Pêcheurs du dimanche
La mission, que nous avons acceptée, est de nous faire expédier un colis par notre agent de Palavas, Papy le fin limier. Assisté de Mamy pour la logistique. Grâce à ce colis contenant des bougies pour le hors-bord –Honda est une marque inconnue ici- et diverses babioles techniques. Par exemple, une nouvelle membrane pour la pompe à essence du hors bord, et un joint pour le dessalinisateur. Là, j’ai une pensée pour ma sœur des Antilles, Dominique, qui voue une passion aux péripéties de notre dessalinisateur lequel avait réussi, il faut le préciser, l’exploit de cumuler plus de 25 pannes avant que la maison nous en expédie un neuf. Le colis sera complété par des friandises non techniques (merci Maman!). Et nous pourrons enfin utiliser notre belle annexe neuve. Ensuite, attendre un colis pour Charly : un tangon –un tube pour envoyer son spi- en inox. Enfin, trouver un chantier pour qu’il sorte Mojito et lui refasse une beauté. Belle de Lune étant Belle de nature, Luké se contentera dès que nous sommes en eaux claires de gratter “a la mano” les coques. De toutes façons, aucun chantier n’est équipé pour sortir notre grosse dondon.
Première sortie: Internet! Plus simple qu’à Bonaire: un bateau “fixe” (le genre qui ne bougera plus…) loue une connexion à la semaine assez fiable et rapide en général, sauf en ce moment où l’île a été inondée par le fond du cyclone Tomas. Toutes les communications ont été coupées, et le sont encore à certains endroits, des bateaux ont coulé, et en ville, un sauveteur chargé d’évacuer l’hôpital a été tué par l’éboulement d’un mur. Tomas a fait bien plus de dégâts ici qu’à Bonaire où nous n’avons été que secoués. La connexion est mauvaise mais c’est mieux que rien!
WILLEMSTAD
Willemstad est la capitale de Curaçao, île indépendante faisant partie du Royaume de Hollande. Toujours étonnant et mystérieux pour nous que ces pays indépendants mais avec pour chef d’état suprême la Reine d’Angleterre ou celle de Hollande. Chefs n’ayant pas voix au chapitre du tout. Bon, c’est peut-être juste pour écouler les photos officielles de ces dames, couronne diamantée plantée sur la tête, et qu’on peut admirer dans pratiquement toutes les boutiques accrochées au mur?
Curaçao a subit les mêmes péripéties que Bonaire: un coup Espagnole, puis Anglaise, un coup Française et enfin Hollandaise. Et on recommence dans le désordre. Jusqu’au Traité de Paris en 1815 qui la remet dans le giron Néerlandais. Ouf. Parfois un écart de 7 ans et même de 2 ans entre deux “changements” devait rendre la vie quotidienne un tantinet confuse. Hier Espagnol aujourd’hui Français et demain, hein, demain, on est quoi?
A la différence de Bonaire, pas de salins et peu de plantations (d’Aloe Vera, le seul à pousser à part les cactus!) mais la prospérité venait de la traite des esclaves, Curaçao fournissait les îles sœurs en main d’œuvre gratuite. L’abolition de l’esclavage a ruiné les commerçants… pas pour longtemps: dès 1915, la première raffinerie de pétrole s’installe. La première et la plus grande de la région. Quoi d’autre? Pour les amateurs, la liqueur bleue –qui peut être orange ou jaune ici- faite avec des oranges importées d’Espagne, et la bière Amstel, à base d’eau dessalinisée! La seule bière au monde a être faite avec de l’eau de mer? Comme tout le reste car le réseau d’eau est alimenté par une usine géante de dessalinisation. On comprends pourquoi l’eau est chère… Mais ce n’est pas avec la liqueur ou la bière (quoique…) que l’île vit mais avec le tourisme. Des hôtels jalonnent la côte, ont envahi la campagne, poussé un peu partout. Surtout au bord de mer, avec clubs de plongée certifié “PADI” (la plongée façon US), restaurants gastronomiques “internationaux” et soirées “exotiques”.
Pourtant, grâce peut-être à une volonté du gouvernement, Willemstad a préservé et réhabilité ses maisons typiques, aux couleurs et aux moulures héritées droit des architectures du Nord de l’Europe. Un petit air presque Scandinave au milieu des Caraïbes. Les façades des maisons, de vraies maisons, avec deux ou trois étages (exit Disneyland) se parent de frontons en pain d’épice décoré de sucre coloré. Le “Jaune Hollandais” domine, un ocre doux qui se marie à merveille avec le vert tendre et le rouge brique. Et aussi le bleu “ciel du matin”, le parme “Violette en pleine croissance”, le “Rose Pimpant de Printemps” et le “Orange toujours” de la traditionnelle “Maison d’Orange “ –on est d’origine Hollandaise ou pas!
La rive gauche de Willemstad (à droite donc sur la carte!) est bien sûr le quartier chic, celui des joailleries de luxe, boutiques de marques et parfumeries “De Paris”: C’est Punda, “le point”. A pieds, on traverse Sant Anna Baii pour Otrabanda, le quartier nettement moins chic grâce au pont flottant, près de l’embouchure.
Bars branchés à Punda… où nous n’avons pas pu nous connecter à Internet.
La Mikvé Israel-Emanuel Synagogue, la plus ancienne synagogue des Amériques, à Punda.
La première colonie installée à Curaçao était constituée d’une douzaine de familles juives d’origines Espagnole et Portugaise, fuyant l’Inquisition et réfugiées à Amsterdam; en 1654. La colonie va se développer avec des immigrants venant de Hollande, du Portugal et de… Bayonne!
Nevé Shalom (1732),devenue Temple Emanu-Él, synagogue “dissidente”des Juifs Réformistes en 1864, à Otrabanda.Si c’est pas une joie banque, ça… pour une autre religion.
La maison Jaune
Le temple de l'électronique et de l’informatique.
Et celui de la parfumerie et des bijoux…
A chaque heure, le carillon s’anime.
Un Casino parmi tant d’autres à Willemstad, à Otrabanda, rien de luxueux.
Un autre Casino, avec de fort belles noix de coco bleues, fruits de magnifiques cocotiers en plastique. Un peu louche, le Casino.
Nos premières visites à Willemstad seront pour dénicher des spots de wi-fi. La connexion à Spanish Water, suite aux inondations est plus que chaotique. Visiblement, la wi-fi n’est pas passée dans les mœurs ni dans les airs. Et nos questions rencontreront souvent un regard poli mais suspicieux: “Et de quoi qu’il cause, là, le Français?”. Si la plupart des gens parlent Anglais, une importante partie de la population a immigré du Venezuela et de Colombie et ne parle qu’Espagnol: les serveurs, vendeurs dans les boutiques, balayeurs, vendeurs de jus de fruits etc… Ceux qui parlent Hollandais parlent aussi Anglais mais ceux qui parlent Papamiento, le Créole des îles ABC souvent, ne parlent qu’Espagnol. Bref, demander une connexion wi-fi à quelqu'un dont on ne sait pas trop dans quelle langue il est le plus à l’aise, et qui peut-être n’a qu’une vague idée d’Internet, c’est un peu surréaliste. Nous n’avons pas le choix. Ravalant notre fierté nationale, nous nous dirigeons à pas lents vers le Mac Donald. Ben oui, réduits à ces extrémités, quand faut y aller…et tant va la cruche et j’en passe. Oui, mais …pas de wi-fi au Mac Do de Curaçao. Quand je pense qu’au fin fond de la Chine, Ben a pu se brancher en wi-fi aux Mac Do rencontrés dans la brousse. La serveuse nous regarde comme si nous lui demandions un aller-retour pour Mars. Repli des troupes et point sur la situation. nous allons écumer les bars. C’est ainsi que nous avalerons des litres de Coca (bon, je sais le Coca ce n’est pas politiquement correct mais sincèrement, la bière à 10h du matin, ça ne passe pas et les jus de fruits frais délicieux, les batidos, sont vendus dans des petits camions ambulants, et là, c’est sûr, ils n’ont pas la wi-fi). La serveuse toujours adorable nous assure que oui, la wi-fi est installée et nous donne le code sans sourciller. Et plusieurs fois, la liaison sera parfaite sauf que … impossible d’établir la connexion. Une histoire de fous. Où sont les toilettes?
Et encore…Au Wilhelmina Café…
Pendant que Luké s’énerve sur l’ordi, je photographie un splendide lâcher de touristes.
Cherchez la bête…
ENFIN…Columbusstraat: rue Colomb, le meilleur spot de Willemstad!
Et là, je dois dire, nous avons fait sensation. Animation de rue! J’ai “skypé” pendant au moins une heure avec ma mère (pas difficile, on est aussi bavarde l’une que l’autre et on a toujours quelque chose à se dire…), lui ai montré la rue –qu’elle a trouvé pimpante, et c’est bien vrai-, créé un attroupement avec Luké expliquant doctement “Oui, oui, elle téléphone. Ah oui, avec une caméra, elle voit la personne. qui est en France.”. Œil perplexe vaguement incrédule des curieux… Pratique mais peu confortable. Après l’indigestion de Coca, le mal aux fesses.
Enfin, une VRAIE boisson délicieuse, un jus frais au blender, Batido de Pina y Maracudja pour moi: ananas et fruits de la passion.
Et un poulet-frites des Caraïbes, au rendez-vous des étudiants, le “Golden Corner”, ou “Coin d’Or”…Enfin, bon, si ils y tiennent. On n’est plus à Punda.
Remarquez l’intéressant horodateur à panneau solaire au premier plan. Pourquoi nous n’en avons pas chez nous, c’est du développement durable, ça. D’après Luké, c’est le panneau solaire qui ne serait pas durable en France et qui disparaitrait dès la première nuit. Défaitiste, va.
Rencontre sur un trottoir.Nous allons à Otrabanda (Luké y a découvert un supermarché avec des produits “pays”), ses rues moins clinquantes (et même carrément pas entretenues parfois) mais bien plus intéressantes. Punda, la vitrine pour touristes, pourrait laisser croire que tout n’est que luxe et volupté dans ce petit pays. Il suffit de passer le pont pour se retrouver au milieu de la zone, avec ses groupes de jeunes désœuvrés et agglutinés sous le grand tunnel qui enjambe la ville, ses échoppes plus ou moins branlantes, et une population essentiellement noire ou hispanique, parlant Espagnol.C’est moins chic tout de suite, un peu plus réel aussiToujours Otrabanda.JLo s’est reconvertie?Et elle a ruiné son voisin, Kapsalon!Pimpantes toilettes sous le pont de la “Ring”, la rocade de Willemstad.Une des nombreuses baraquettes de Loto.Sortie du supermarché sous le pont.Et attente du bus..Il pleut pour changer…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire