Petit appétit, l’oiseau fait son riz
Dicton absurde mais que j’aime bien, par Anonyme.
Las Aves de Barlovento
Dès le réveil, j’avais la “position vautour”. Ou condor, c’est plus chic. Le cou coincé, la tête rentrée dans les épaules, les omoplates comme deux enclumes autour d’un manche à balais, je suis d’une inutilité notoire. Donc, je m’allonge dans le cockpit et je me rendors jusqu’aux Aves. J’entends vaguement que Charly a pêché un beau barracuda et raté un requin. Mais qu’aurions-nous fait d’un requin… Et il y a du vent! La Belle se gonfle de fierté: 12 nœuds, vent arrière, un plaisir pour un catamaran. Les monocoques aiment moins, ils roulent d’un bord sur l’autre, l’air désœuvré. On ne battra pas de record, mais c’est bien agréable de somnoler bercée par le clapotis des vagues…L’arrivée dans le minuscule archipel (deux iles…)des Aves est identique à notre souvenir: une explosion de vert profond sur fond turquoise et arrière-plan bleu ciel (normal). Le vert, ce sont les palétuviers qui constituent une grande partie de l’île où nous accostons – Barlovento-, le turquoise, ce sont les fonds riches et peu profonds du lagon, et le bleu ciel, et bien, c’est le ciel! Le deuxième île, Sotavento, sera la prochaine étape. L’une est “au vent” et la seconde “sous le vent”. Vent ou pas, il faut se méfier surtout des fonds bien garnis de magnifiques “cerveaux”, les grosses “patates” de corail, redoutables pour nos quilles. J’ai un peu de mal à suivre les manœuvres, Luké s’agite comme d’habitude (avec efficacité, comme d’habitude aussi, il faut le préciser!) et l’ancre est mouillée. Il est 13h, nous sommes partis à 8h, petite promenade maritime. Après massages au camphre, prise d’anti-inflammatoires, sieste et pose d’un foulard autour du cou, je me sens prête affronter l’apéro sur Vardez.
Le camphre a fait son effet, à moins que ce ne soit le Diclofénac, ou l’apéro, mais le lendemain, je me sens un peu mieux. Ce qui est préférable car une grosse journée s’annonce. La petite troupe (sauf moi: entre le torticolis et ma combinaison de plongée qui est partie en lambeaux il y a déjà un moment…)part en vadrouille. Les un(e)s pour faire des photos sous-marines, les autres pour essayer d’attraper les modèles après les prises de vue. Jean revient avec un gros barracuda. Wouaahahah!… et pourquoi pas un pique-nique sur la plage? Je prépare un saladier d’arépas, les galettes de farine de maïs, Mothaline et Jotaké apportent des salades de riz et de pâtes aux fruits de mer, au safran, Vardez, des pommes de terre vapeur, Charly le pastis (enfin, la première bouteille), et un peu tous du vin. Il est 11h, Luké s’occupe du feu et de la cuisson de la bête, l’enduit d’herbes et d’épices. Christine, spécialiste de la salicorne, fait sa cueillette et en rajoute dans la papillote géante… Et Michel, Charly et Christian organisent la table pour l’apéritif dans l’eau. Bientôt rejoints par les “Jotaké”, les mateurs peuvent déguster les oursins blancs que Luké vient de récolter un peu plus loin. Ce qui fut une idée “pour le plaisir” au début deviendra une nécessité “sauve qui peut” très vite. La plage, paradisiaque à voir, est un enfer à vivre: les Yens-Yens sont là, à l’affût, près à l’attaque. Quand ils voient toute cette chair fraiche qui débarque, c’est la curée. L’hallali. Mais quoi de plus agréable que de manger, boire et s’amuser dans une eau à plus de 30°, dans un doux ressac, calés sur une planche de body-surf? Il ne faut surtout pas lâcher son verre car la table est… instable! Peu à peu, les joyeux navigateurs deviennent aussi instables que la table. La deuxième bouteille (déjà entamée quand même à l’origine!) de Pastis vidée, la joie se lit sur les visages, et le sommeil gagne certains. Des qui n’ont pas l’habitude de boire de l’alcool, surtout en plein cagnard, et qui ont affaire à forte partie en face. Luké déclare forfait très vite! Nos amis bénéficient d’un entrainement que nous n’avons semble-t-il jamais eu! Moi, je me cantonne à un petit verre de rosé, rien que le soleil, je suis cuite. Et je n’ai plus mal au cou!
Michel, Jean, Charly et Luké:1er essai de la table de salon!
Christine, Jeanne et moi pour le 2ème essai…
Et Francine pour les essais suivants.
Apéro-oursins blancs, la distribution par Luké.
Patritzia, Anaïs et le matelas flottant.
Agneska, ses filles et moi sur fond bleu…
Assaisonnée avec de la salicorne fraîche.
Que fallait-il pour les faire sortir de l’eau?
Jeanne ne comprend absolument pas quel intérêt nous avons à stagner ainsi vautrés dans l’eau. Elle nous surveille de la plage d’un air réprobateur.
Des pêcheurs, dont la Lancha est ancrée à côté de nos voiliers, reviennent d’une cueillette un peu particulière: des burgots! Echange spontané, ils nous offrent un seau de burgots, et ils repartent avec un stock de bières. Tout le monde est content. Ce soir, burgots sur Jotaké, préparé par Luké! Pour le moment, Luké dort, accroché à la planche, flottant mollement. Rien ne le réveille. Enfin presque. Alors il émigre sur la plage, discrètement comme il sait si bien faire. Mais la petite Anaïs le débusque!
Ils auront tout essayé….
Charly et Jean se lancent un défi sous forme de course d’annexes. Je me demande si c’est une bonne idée. Pendant que nous retournons sur la Belle pour préparer les bulots (Luké) et refaire des arépas aux épices et au “barracuda-reste de grillade” (moi), on aperçoit à l’horizon deux annexes menées de mains louvoyantes. L’une ralentit et stoppe curieusement. Et nous voyons Charly arriver vers nous “Mais où est Jean?”. En panne d’essence. Ce qui est le mieux qui pouvait arriver. Charly est déjà tombé à l’eau et se retrouve avec le bras et les doigts entaillés par son hélice. La soirée se poursuit et s’achève sur Jotaké, le grand catamaran aux trois Yorkshires, dans la joie et la bonne humeur. Je ne sais pas si c’est d’avoir côtoyé et apprécié autant les Vénézuéliens et leur façon de vivre (et de faire la fête…) mais malgré le taux d’alcoolémie que doivent afficher certains navigateurs à la fin de ce jour, pas la moindre petite tâche ne vient ternir l’ambiance. tout coule … comme le reste….
Les grands s’amusent comme les petits, à faire la course.
Après cette journée torride pour le corps et pour l’esprit (heureusement que j’ai de la crème solaire “Protection 70”!), les festivités se sont cantonnées aux soirées! Déjà, il n’y a que quelques heures, ce qui réduit la capacité à ingurgiter boisson et nourriture, les moustiques n’arrivent pas jusqu’aux bateaux et le soleil est sagement couché. Avec Charly, nous proposons une soirée “Lomitos”sur Belle de Lune, proposition agréée par tous et chacun. Filet de bœuf d’Amérique du Sud à volonté, nous serons 11 à déguster et le filet et la soirée!
Il y aura aussi un “couscous-légumes du frigo au barracuda” mémorable (mon premier couscous poisson!): aux carottes et … à l’igname! Une anchoïade sur Mojito: Charly ouvre sa dernière boîte d’anchois et prépare la sauce que les goulus ont vite fait de tartiner. Mais le repas le plus chic sera une langouste de taille respectable, échangée par Luké avec les pêcheurs contre une bouteille de vin blanc et de l’Ibuprofène (seraient-ils prévoyants, pour après le vin blanc?). et préparée à la crème et au chou… On a fortement pensé à Ben dont c’était un des plats favoris quand nous étions à Haïti.
SSoirée “Lomito” à volonté…
Bien, me direz-vous, mais à part manger et boire, que faites-vous???? Et bien, je plonge! Je snorkeling, comme disent nos amis Anglais! Je poursuis les petits poissons multicolores et surtout les poissons-coffres mes préférés, gris, beige et noir à petits pois. J’adore les petits pois. n’importe où et sur n’importe quoi.
Jusqu’à présent, je ne partais pas à la chasse aux poissons (photos bien sûr!) avec Francine ou Christine. L’eau est à 30°,soit , mais au bout d’une demi-heure et plus, le froid commence à se faire sentir. Avec les courants qui ne sont pas toujours calmes, on fatigue très vite. Et on frissonne… Sans combinaison de plongée –un shorty, genre short et manches courtes, ça suffit- difficile de suivre. De plus, la combi, ça fait flotter! Je n’ai rien d’une Kiki Caron (ou Amélie Mauresmo pour les jeunes générations) et savoir que je flotte me rassure. Charly découvre dans un de ses coffres une combinaison neuve pour femme “petite taille”. Ouaaaaahhhh….je vais aller voir les poissons-coffres!
Et je ne verrais pas que des poissons-coffres. Avec Christine, un matin, nous avons stagné au dessus d’un récif de corail qui devait être le Sarcelles des Aves: plein de monde à tous les étages, tous différents, certains calmes, d’autres agités, des bleus, des jaunes, des verts. des bleu-jaune-verts. Des rayés et des à pois, des solitaires et des bandes de loubards….
Hé….hé…qui c’est?
Mais ça se calme: voici des Demoiselles queue jaune.
Un bande de loubards: des chirurgiens!
Un joli poisson Pyjama.
Poisson Ange
Encore des Demoiselles
Un magnifique Bourse.
Chirurgien solitaire.
Nom vernaculaire: un “Quatre Yeux”.
Et voilà mon poisson-coffre préféré…
Avec ses petites nageoires en hélices d’avion!
Poisson Perroquet bleu
Un Pagre tacheté.
Euh…je cherche!
Et des “Jules”, petit nom affectueux que nous donnons aux Demoiselles noires.
Et il n’y a pas que les poissons qui sont en colorama… le paysage aussi….
Il y a même des monts neigeux….
Et voilà!
Bien sûr, au retour, je glisse dans l’escalier et m’arrache l’ongle du gros orteil: ce n’est pas demain que je vais “reflotter”…
Luké, le même jour (jaloux?) s’écrase au sol avec le hamac en pleine sieste. Une chance, le sol est en bois, le hamac accroché assez bas. Il s’en sort avec un petit lumbago. Et surtout Jeanne n’était pas dessous. C’est le plus important!
Barlovento c’est l’ile qui a donné son nom aux “Aves”: les oiseaux en Espagnol. Les fameux Boobies, Fous de Bassan à pattes rouges et bec bleu pâle. Superbes! D’un blanc majestueux, leur pattes rouge vif leur servent aussi bien à palmer quand ils plongent qu’à s’agripper aux branches des arbres.
Une véritable colonie (de vacances?) est installée dans les palétuviers de la mangrove. Chacun famille a son nid, à son étage, avec ses commodités.
Ne pas déranger, s’il vous plait!!!!
Et dans les nids, bien que nous soyons en fin de saison, restent quelques retardataires. Je suis toujours émerveillée par ces bébés Boobies! Boules de duvet, tels de gros pompons hirsutes, émergeant des feuillages, et nanties d’un étonnant masque de Carnaval de Venise. comment ces boules peuvent-elles se transformer en quelques mois en ces jolis oiseau fins au long bec bleu ? Les bébés, cloués au nid, sont d’une curiosité étonnante et nous suivent du regard et du bec, se penchent vers nous, reculent pour faire le point, l’œil interrogateur. Les parents perchés plus haut dans les branchages s’agitent.
On s’approche mais interdit de les toucher!
Et qu’est-ce qu’elle a ma tête?
Et les ados, reconnaissables à leur plumage d’un très chic gris perle, reculent de branche en branche, hésitant à s’envoler de peur de rater le décollage. Quelques couples, outrés, nous regardent passer sous leur nid d’un air hautain. Luké rame pour que le moteur ne les effraie pas plus quand on s’approche….
Ne réveillez pas un ado qui dort!
Ou il s’envolera, l’œil courroucé…
Jeune couple.
Mauriiiiiiice!!!! Je te dis qu’il y a du monde!!!!
Tu as raison, ma biche, ils s’approchent en loucedé!
Drôles d’oiseaux au très vilain plumage… Reste derrière moi, on ne sait jamais….
Les palétuviers peuvent atteindre plus de 20m de haut. C’est une forêt inextricable remplie de cris et de chuchotements. Les racines plongent dans l’eau de la mangrove, et offrent cette impression étrange de longer une île immergée, sans terre apparente, un peu irréelle.
Là-bas, tout au fond… Belle de Lune.
En dehors des visites aux poissons tropicaux, visites amicales comme les miennes ou totalement inamicales comme celles des chasseurs, et aux Boobies, le temps est fortement occupé à une nouvelle activité dite de “Travail Manuel”: la fabrication sauvage de Rapalas. Des Rapalas de contrebande en fait. Entre le prix de ces appâts pour “poissons champions de natation toutes catégories” (puisqu’ils doivent les courser à nageoires rabattues en suivant le bateau qui navigue à une certaine allure), la difficulté pour en trouver dans le coin, et la perte conséquente, le poisson filant assez souvent le Rapala entre les dents, il a été décidé que les pêcheurs les fabriqueraient.
Atelier de l’après-midi, occupation calme…
Le dernier soir, comme pour nous souhaiter bon voyage, la pleine lune s’est parée d’un halo immense, au centre duquel elle brille tel un œil géant au milieu d’un trou noir.
Las Aves de Sotavento
Après une dernière soirée avec la famille de “Jotaké”, nous partons pour la deuxième île des Avès. Dans notre souvenir, celle-là, c’était “l’île aux moustiques voraces”. Gloup. Les sprays “spécial génocide d’insectes volants” sont à portée de main. Un beau pagre de plus de 6kg (on a pensé à le peser!) s’accroche à la ligne électrifiée. Enfin, non, juste la ligne du moulinet électrique (Luké n’a pas encore eu l’idée d’électrifier ses lignes pour les rendre encore plus efficaces, mais ça ne saurait tarder). Car oui, le Capitaine s’est équipé d’un magnifique moulinet électrique. Beau matériel qui fait des envieux. Et bien utile pour remonter les gros bestiaux.
A l’arrivée une bonne surprise: pas d’attaque de moustiques. A la place, les Guardacostas, qui devaient attendre une arrivée avec impatience, fondent sur les voiliers dès l’ancre posée et les visitent l’un après l’autre. Ils sont chargés d’inspecter, s’assurer entre autres que nous ne sommes pas armés et nous laisser un … imprimé de plus attestant que nous sommes en règle! En réalité, les malheureux sont quasi abandonnés par leur administration, pour deux mois sur Sotavento, avec une barquette pour se déplacer, c’est dire qu’ils ne vont pas loin, et, nous espérons, des vivres! Ils s’ennuient à mourir et sont tout contents quand arrivent des voiliers ou des pêcheurs. Très souriants, très jeunes aussi (service militaire?), lis acceptent notre offre de café. Pendant que l’un remplit le formulaire attestant que nous n’avons pas de fusil (à la question “As-tu une arme?”, Luké a répondu “No!”. Et voilà), un collègue demande si nous avons une pharmacie. Tiens, c’est nouveau ça, inspection des pharmacies? Des fois qu'on aurait des drogues diverses? Pas du tout. une fois devant le placard, il demande si nous avons quelques chose contre le mal de tête car il a très mal à la tête! Une boîte d’Ibuprofène? Oui, oui. Et puis, est-ce que nous avons du Coca? Ah, non, désolés. Nous apprendrons par la suite que sur de chaque bateau, ils sont repartis avec des bières, du coca … et de l’Ibuprofène! On sait ce qu’on va trafiquer la prochaine fois: des médicaments contre le mal de tête. Cela semble une pathologie très répandue ici.
Côté droit, plutôt déplumée,de l’île….
Côté gauche aussi, en fait….
Pas de boobies, pas de palétuviers. Une plage caillouteuse, un paysage aride agrémenté de trois palmiers déplumés mais et de très beaux fonds (à ce qu’on me dit!).
Luké , victime d’une sorte d’allergie au col et aux manches de sa combinaison de plongée –des rougeurs et des petits boutons- explore les fonds de Sotavento dans une tenue New Look très “vintage”.
Les pêcheurs ont construit un abris sur cette plage, ils restent souvent plusieurs jours dans le coin. Avec Francine et Christine, nous allons faire une petite visite car Luké a vu une petite chapelle tout à fait étonnante. La Vierge (del Vallee, je suppose?) est calfeutrée dans une sorte d’ancien four à pain, ou en tout cas quelques chose qui y ressemble, dans sa “niche” vitrée. Et gardée par Dupont et Dupond! Un pieux Tintinophile serait-il passé par là? L’effet est …saisissant!
Chapelle? Four à pain désaffecté?
Chapelle! Avec Saint Dupont et Saint Dupond!
Cueillette de Salicorne fraiche.
Les pêcheurs se précipitent pour nous aider à accoster, à repartir, à éviter les cordages flottants qu’ils tendent sur des mètres et des mètres pour ancrer leurs lanchas. Toujours aussi gentils et souriants. Bon, il faut préciser que nous sommes trois femmes dans un bateau…
Sotavento restera l’île où on a mangé le plus de barracuda! Jean est devenu LE spécialiste du barra et on en mange à toutes les sauces. Grillé sur Vardez, au four et au vin blanc sur Mothaline, et j’en passe… J’ai aussi tenté une nouvelle idée de pain cuit dans un panier en osier rond garni d’un torchon. Bon, le torchon est un peu roussi, le panier aussi. Mais le pain est superbe. Gonflé, souple, aéré… J’ai pris mon temps et le minuteur: trois pétrissage et trois levée d’une heure. Faut c’qui faut!
Comme on ne peut pas faire de réunion Tuppeware, Luké, Charly, Jean et Michel se retrouvent sur Belle de Lune –le seul bateau qui s’y prête- à une réunion “Les Géants du Bricolage”. Une spécialité locale. Dans la série “Demandez votre panne? Qui n’a pas sa panne?”, il y a ceux qui les ont, les pannes, et ceux qui ne les ont pas encore et qui viennent aider les autres. J’organise les équipes, disons que je les nomme et les surveille, appareil photo en mains. L’équipe 1 du matin est constituée de Charly, assistant opératoire Michel (Luké a préparé la salle d’op’), qui arrive avec son moteur Hors-bord malade.
Equipe Numéro 1 du matin: Charly et Michel
L’équipe numéro 2 s’occupe du guindeau, celui de Belle de Lune, qui tousse: Jean assisté de Luké à temps partiel. L’équipe numéro 2 s’attaque ensuite au radar. Jean est un fin connaisseur et nous lui avons proposé un échange: il nous remet le radar en état de marche et on lui donne notre BLU. Ah, ah, j’entends déjà : “Juste ciel, mais la “BLU” (prononcer Bé-éL-U) qu’est-ce donc?”. Un système de communication, une radio, ondes courtes, permettant de parler avec d’autres possesseurs de BLU, sur terre ou sur mer. Pas n’importe quand: il faut se donner des rendez-vous à heures fixes (en calculant les décalages horaires, c’est pas de la tarte), se promener sur les ondes pour trouver celle qui “passe” (le petit bruit caractéristique et connu genre Londres entre 1939 et 1945: piiiiou…couicouiouuuu…pioupiou….en crachotant) se relier à un central adéquat, c’est à dire le seul qu’on arrive à capter, qui peut être en Ecosse quand on est au Brésil, et en Australie quand on est au Sénégal. Ce grand mystère viendrait du fait que les ondes, elles font ce qu’elles veulent, et si elles veulent faire le tour de la terre pour aller vers la BLU du voisin ancré dans la baie d’à côté, elles le font. On n’y peut rien sauf tourner les boutons sans s’énerver, attendre, rater le rendez-vous, râler, refaire. J’exagère un peu mais à l’heure d’Internet c’est un tantinet pénible. Ceci dit, c’est mieux que rien, et une fois acheté, gratuit pour communiquer. Pendant notre traversée de l’Atlantique en 2006, nous étions bien contents de l’avoir et de pourvoir envoyer des mails via une association de gais navigateurs qui réceptionnait les messages et les envoyait aux adresses de la famille! Depuis, notre antenne a disparu dans un coup de vent et en racheter une neuve nous fait hésiter: un nouveau téléphone satellite avec envoi de SMS et mails vient de sortir à un prix abordable. Enfin, moins cher que les Irridiums et autres Globalsat… Jean a besoin de pièces pour sa propre BLU en panne: plus d’hésitation, l’affaire est conclue.
Equipe numéro 2: Jean et Luké au guindeau.
Dans les moments délicats, les équipes s’associent.
Changement d’équipes l’après-midi. La numéro 1: Charly et Jean au radar…
La numéro 2: Michel remplace le film réfléchissant du radar, sui s’est rouillé, avec du papier aluminium. Il dessine un patron, coupe, colle…à voir si la panne vient de là!
Michel et aussi le radar!
Une nouvelle équipe, numéro 3, a entrepris de plastifier des photos et une affichette. Les photos sont pour les pêcheurs que Luké a photographié ce matin sur la plage, et l’affiche pour Mothaline. Bien sûr la machine s’enraye, il faut la démonter et ça dure un bon moment.
C’est l’histoire d’une plastifieuse qui ne voulait plus plastifier!
Jean passe de l’équipe numéro 1 à la numéro 4: remise du radar en haut du mât. Un travail délicat car il s’agit pour lui de se sangler sur un siège d’alpiniste, et à un autre de le hisser en haut du mât, puis de remettre le radar en place tout en serrant tendrement le mât entre ses cuisses pour se tenir, et sans lâcher les outils…. Hélas, la radar reste muet… Toute cette activité m’a épuisée. Je m’allonge un peu dans la “Cabine de Sieste”, à l’avant bâbord, celle qui a un hublot qui s’ouvre dans le sens du vent, un régal. Et me réveille deux heures après, tout est calme, les équipes ont réintégré leur pénates….Une journée bien remplie!
La nuit va l’être aussi. Un orage arrive, plus vite que l’éclair! Une pluie diluvienne s’abat sur la baie. Tiens, ça faisait longtemps que nous n’avions pas reçu une “dépression tropicale” sur la tête. Dans le genre dépression, la dépression tropicale n’a de dépression que le nom. Ou alors c’est une déprime survoltée. Le vent se lève brusquement, soufflant en bourrasques de plus de 40 nœuds par instant. 40 nœuds, à l’ancre, c’est pas mal: c’est là qu’on voit si on est bien ancré! Dans un fracas de haubans qui gigotent, de mâts qui craquent et de pluie qui claque sur la pont, Luké dort dans le carré, prêt à toute éventualité. En particulier à celle de démarrer les moteurs si l’ancre dérape!
Lundi 25 octobre
Le soleil timide se faufile entre deux nuages. Nuages épuisés qui ne lâchent plus une goutte de pluie, seul le vent est encore au rendez-vous. La dépression s’éloigne. C’est le moment de nettoyer le cockpit au jet, passer l’aspirateur à l’intérieur, faire une lessive! Demain, départ pour Bonaire, première des ABC, les fameuses Antilles Néerlandaises.
En levant les yeux, je retrouve Jean en haut du mât (si, si, pourtant on l’avait descendu hier soir!), têtu et bien décidé à ramener le radar à la raison. Pour l’instant,il résiste. Le radar. Mais Jean aussi.
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