“A vaincre sans péril, on évite des ennuis” (René Goscinny, Extrait de la bande dessinée Astérix chez les Bretons )
Un atoll, un lagon, des motus. Quoi ? Encore ? Et bien oui, encore, Et pourtant différent. Chaque lagon, chaque atoll a une personnalité propre, une forme particulière et ses activités. Rangiroa était immense et ovale, Apataki est petite et carrée.
Rangiroa, une mer intérieure avec ses propres tempêtes.
APATAKI, bon, oui, ça ne saute pas aux yeux car l’échelle est différente mais c’est bien plus petit !
Rangiroa est réputée pour sa faune marine, ses plongées superbes, Apataki vit de la pêche et du coprah. Moins touristique en nombre, elle gagne en tranquillité et sérénité. La passe, par contre, est costaude. Un courant large et agité comme un fleuve en crue dévale sous les coques de la Belle, visible à l’œil nu. Courant contre évidemment ! Tous les muscles (magnifiques) du Capitaine sont nécessaires au maintien du cata bien au centre. Surtout ne pas se laisser déborder par le mascaret qui déboule à fond, ni agresser par les patates de corail qui ont poussé dans le coin pire que dans un champs du Nord. Tout à coup, nous sentons la Belle glisser de tout son poids vers les bords de la passe, glisser comme une patineuse en perdition. Qui va gagner ? Elle se met en travers et puis, centimètres par centimètres, Luké la ramène dans le droit chemin. Et vers la sortie. On a eu chaud …
Voilà une photo intéressante (enfin une diront les mauvaises langues ? Non, il n’y en a pas parmi mes lecteurs !) : On peut y voir en bleu foncé le fameux courant contre, accompagné de ses vagues en mascaret sournois, et au fond, les têtes des “patates” qui surgissent (pour celles qui sont au-dessus de l’eau et qu’il faut encore plus éviter !) du platier. Le platier, c’est la partie du récif corallien qui affleure et qui est … plate. A peine recouverte d’eau ou carrément à l’air, c’est un sol vivant sur lequel les “ramasseurs” de langoustes traquent les bestioles la nuit, armés de lampes. Inutile de décrire l’aspect de certains au retour, le platier, ça n’a rien d’une autoroute et crapahuter dans le noir dessus laisse des traces. Le corail se défend. Donc, le platier sépare le lagon, tout calme et turquoise, du tombant bleu marine côté océan. Et quand il s’élargit suffisamment pour que quelques cocotiers le colonisent, c’est un motu ! Voilàààààà ….
On peut bien imaginer le tableau en observant ces volatiles marins illustrant cet adage bien connu des marins “Quand les mouettes ont pied, il est temps de virer” Et quand on voit ça, c’est sûr …
Quelques belles têtes de corail émergeant du platier et au fond, un ravissant petit motu …
Et quand on dit que c’est calme à l’intérieur du lagon … c’est calme !
C’est quoi ce gâteau sans crème?
Ferme perlière.
Nous avançons dans une atmosphère ouatée, les bruits sont assourdis par une brume qui envahit peu à peu tout le lagon. Et les patates, elles sont où les patates ? J’entends Carine, juchée tout à) l’avant des coques, qui crie “Bâbord ! Il y en a une ! Non, tribord, il y en aussi ! Ah, noooon, il y en a partout !!!!!” Luké s’y met aussi, ça devient trop nébuleux. Jeanne se joint à la brigade de surveillance, truffe en avant. Le Capitaine se demande si il a bien fait d’écouter Pauline, la femme d’Alfred, appelée au téléphone en arrivant à Apataki : “Pas de problème, tu peux traverser le lagon, il y a juste une patate devant le chantier mais on l’a marquée”. OK. Seulement c’était sans prévoir la brume qui enduit tout d’une clarté nacrée, superbe pour les photos mais déconseillée en navigation. Luké ralentit, ralentit, ralentit … Et le soleil, fatigué d’attendre qu’on ait fini la traversée, se couche. D’un coup, comme il sait si bien le faire sous les tropiques … On est bien ennuyés, si je puis dire ….
Un bruit dans la brume … C’est Alfred qui vient nous chercher avec son “poti mara”, sa barque de pêche à moteur, équivalent ici de la voiture pour se déplacer. Il parait que Pauline ne connait rien à la navigation et qu’elle n’aurait pas du nous dire de venir à la nuit tombante… Bon, c’est bon à savoir. D’un autre côté, on n‘aurait pas du l’écouter !
Enfin, la belle est confortablement ancrée devant LE chantier des Tuamotu, enfin, le seul chantier des Tuamotu !
Le bar de la marina, vue sur le lagon, pieds dans l’eau, calme et accueillant, comme ses propriétaires. Nous faisons connaissance de Pauline, charmante et Alfred nous raconte sa conversion de “fermier de perles” à exploitant d’un chantier et d’une marina. Il va agrandir le chantier, prépare une marina plus fonctionnelle, a plein de projets. Malheureusement, son système de sortie des bateaux pour les mettre à sec –un tracteur et un berceau- ne pourra pas sortir la Belle. Qui va rester les jupes et les dessous bien crottés. Et zut. On projetait un carénage et un hivernage dans ce beau lagon. Tant pis.
Jeanne a même trouvé une copine, une jeunette toute fofolle qui remue notre pimbêche. Luke continue sa provision de bénitiers. Bien plus gros qu’à Manihi, ils sont , dit-il, délicieux, à peine sortis de l’eau. Je le crois sur parole.
Moi, je préfère les “Œufs de notre Fenua”, les œufs du pays, pondus par des poules du pays et vendus sur place !
Un matin, tôt (c’est à dire sans moi), Carine et Luké décident de visiter le motu jusqu’à l’autre rive, côté océan. Le motu en lui-même est étroit, mais le platier nécessitera presque une demi-heure de marche hasardeuse sur les coraux pointus, en traversant les petits “lagons dans le lagon” formé par la marée haute, le nez en bas pour admirer les trouvailles et les rencontres …
Trouvaille ! L’oursin crayon, une pure merveille. Des piquants tout doux qui serviront à faire des colliers et une bestiole savoureuse (à ce qu’on dit!)
Rencontre ! Dans 50cm d’eau, les petits requins pointe noire arpentent eux aussi le platier. Chacun vaque à ses occupations n’est-il point ?
Dire qu’on se la coule douce est un euphémisme … Le matin, petit déjeuner tonique préparé par Carine. Tartines grillées avec équité: le nombre est STRICTEMENT partagé en trois. Pour palier aux appétits rapides et voraces. suivi d’un pamplemousse géant et accompagné d’un jus de citron frais du genre à décaper son plongeur.
Après, petit bain ou plongée autour des récifs. Vers midi, la question se pose: quel poisson pour la grillade ? Allez, mérou, à tout hasard. Le mérou du jour dégusté: sieste. Surtout Carine. Et moi, bien sûr. Luké s’agite comme d’habitude. Il a trouvé un nid de PAUA, des bigorneaux, près du cata. L’odeur du bigorneau cuisant à la cocotte me réveille, et ce n’est pas terrible pour quelqu'un qui n’aime pas les coquillages. Vers 15/16h, réveil et analyse des rêves. Important ça, l’analyse des rêves. Nous cherchons dans mon livre “Les rêves et leurs signification” ce que les nôtres peuvent bien signifier. S’ensuit en général un moment d’expectative, tout ça n’est pas clair. Ensuite, activités au choix, lecture, écriture et … mon premier cours de piano (qui hélas restera le seul pour cause de manque de temps, si, si, si) par Carine. Un prof fantastique, une élève douée (mais oui) et en une demi-heure, je joue “La lettre à Elise” –un incontournable- et un petit air guilleret dont j’ai oublié le nom. Depuis, j’en suis restée posée là. mais je ne baisse pas les mains, un jour, je m’y remettrais !
Ha, que ca fait du bien de te lire, j'ai l'impression de tout revrivre. J'attend la suite avec impatiente.
RépondreSupprimerGros bisous
Carine