“Mieux vaut flotter sans grâce que couler en beauté” (Bernard Moitessier)
Dimanche 17 avril 2011, Port de Colon
Et pour flotter sans grâce, ils flottent sans grâce, ces cargos et autres porte-containers que nous croisons, suivons, voyons passer depuis des jours. Pourtant, on ne peut s’empêcher de les envier: ils vont tous vers le canal. Ou en arrivent. Eux ! Et nous, on est coincés à Colon, une des villes les moins glamour que je connaisse. Ballottés par la houle générée par les pilotines folles et leurs pilotes pressés, enfumés par les cheminées et très très incommodés par les odeurs de gas-oil du port. Je suppose que c’est une période de vacances pour les pilotes, il y en a peu, donc, attentes plus longues et passages des bateaux par deux le plus souvent au lieu de trois. On attend. Et dix jours plus tard…
Arrivée des équipiers : Geneviève, Milie, Jean-Jacques et Jésus (mais prononcer Yossou, il est Basque!).
Bien sûr, tout commence par un repas ! J’ai préparé ma fameuse quiche Mamy Simone, un franc succès comme toujours, une belle salade de tomates et autres, et melon en dessert. Le vin est curieusement fort agréable. Pourtant, quand un voilier nous l’a fait découvrir à Portobelo, nous avions de très gros doutes : du vin en briques, genre “Kiravi; le velours de l’estomac”, bien connu sous nos latitudes, pas alléchant. Et bien, ce vin Chilien est d’un excellent rapport qualité-prix, c’est à dire qu’il est peu cher et bon ! Mais attention, nous avons fait des tests “à l’aveugle” avec les différends cépages proposés. Et c’est le Merlot qui a gagné. Fruité, présent, il laisse un bon souvenir en bouche et pas de mauvais dans l’estomac. En blanc, le Sauvignon est franc et gai. Sans résonnance le lendemain, même en cas de surdosage. Enfin, dans les limites d’un surdosage raisonnable, s’entend. Une fois revigoré, l’équipage est fin prêt.
Départ pour le “flat” d’attente où le rendez-vous (toujours précis !) est à 15h30 avec le pilote. Impression bizarre, la Belle rame, se traine, ondule … Le séjour dans les eaux putrides du port de Colon a gâché tout le beau travail de grattage et ponçage de coque fait à Portobelo. Nous avons la joie d’annoncer la naissance d’un nouveau business: l’élevage sauvage de coquillages sur la coque de Belle de Lune. Luké bien sûr, au lieu d’apprécier l’opportunité de la chose, est furieux. Pour couronner le tout, l’hélice du moteur tribord “banouille” avec un bruit bizarre. Gloup, pas le moment ! Arrivé au flat, le Capitaine se jette à l’eau…
Enfin, se jette… après une préparation minutieuse : les plombs, les palmes, le masque et le tuba. Jean et tee-shirt, bien plus efficaces que la combinaison, dit-il, en cas de frottement intempestif contre les palourdes du coin! Il glisse dans une eau guère plus tentante qu’au port. Et tout aussi opaque. Mais le jeu en vaut la chandelle: il découvre qu’une famille de coquillages a colonisé les pales de l’hélice, et d’un coup de grattoir furibard, a décimé la tribu. Non, mais, en voilà des idées de nous faire peur comme ça !
15h15, deux surprises : la pilotine arrive. A l’heure exacte ! Et dépose Francisco, le pilote qui avait assuré la seconde partie du passage de Funny Girl ! On est des vieux de la vieille, maintenant, on saute dans les bras des pilotes, on se congratule, bref, le Canal, on ne connait que ça !
Briefing: nous allons être à couple avec deux autres voiliers. Au milieu donc, puisque nous sommes un (gros) catamaran ? Et bien, non. Un des voiliers est plus long que la Belle, donc il sera au milieu et assurera la motorisation du groupe. Bien, une bonne nouvelle pour nos moteurs qui ne forcerons pas. Autour, un deuxième voilier mené par une bande de babas cools mais pas trop, et nous. Deux “hand-liners” sont requis: après un rapide tirage au sort … Jean-Jacques et Jésus sont volontaires désignés d’office.
Geneviève prend son poste de Reporter de l’Extrême,
Et Millie surveille Jeanne. Ou l’inverse.
Quand à moi, comme d’habitude, je suis d’astreinte-photos avec une nuance supplémentaire de “pourvoyeuse boissons et victuailles”. Le voilier bleu approche, ce sera notre “milieu de groupe”. Nous nous amarrons sur son bâbord.
Et sur son tribord, le voilier jaune.
Pendant ce temps, autour de nous, c’est le ballet des hippopotames dans “Fantasia” avec dans le rôle des gracieuses danseuses, les porte-containers et les cargos qui vont et viennent.
Vérification par le Capitaine de la position des pneus de protection.
Mise au point avec Francisco: le pilote c’est lui, mais le propriétaire du bateau, c’est Luké. (Et moi, mais là, je passe la main…). Donc les décisions finales seront toujours pour le propriétaire. Francisco trouve ça parfait !
La “tortue-voiliers” approche à petits pas de la première écluse, et s’y engage. Emotion…
Toulineur à l’avant… Fait ! Toulineur à l’arrière … Fait !
Joli nœud, le cordage peut remonter vers son toulineur!
Sous l’arche de repli, la moitié de la route qui permet d’aller à Colon en venant du nord du pays. Une fois les portes refermées, elle se remettra en place.
Et voilà, c’est sa première écluse-party ! Et c’est parti… Les portes vont se refermer … Et c’est lààààà que je finirai ma viiiiieeeee… ah, non, fausse manœuvre, ce ne sont que les portes des écluses qui vont se refermer. Et d’autres s’ouvrir…
La route se remet sagement en place…
Et voilà, adieu l’Atlantique !
Le tourbillon de remplissage chahute les trois voiliers. Jean-Jacques et Jesus ajustent les amarres avec doigté. Sur le troisième voilier, l’équipage est plus béat que concentré et il faut une intervention fine et enjouée de la part du Capitaine pour les réveiller : “OOOHHHH !!! C’est quoi ce B…el ? On va taper contre le mur de notre côté!” . Du coup, ça s’agite un peu mais il faut vite se rendre à l’évidence, ce ne sont pas des foudres de guerre. Et il faudra à notre équipage tout son savoir-faire pour ne pas faire subir à la Belle quelques outrages !
Et nous montons, nous montons, nous montons … Et que voit-on par-dessus les portes ? Le suivant qui attend bien sagement son tour.
Et on peut lorgner le second canal, parallèle, d’où sort un cargo venant du Pacifique.
Devant nous, le “Harbour Clear” (le port clair?) et sur la Belle, Milie et Jesus.
Milie est Péruvienne, Jesus est Espagnol, enfin, surtout Basque ! Et on prononce à la Basque “Yossou”. Il nous faudra un petit temps pour intégrer et il aura droit à “Soyou”, Yousso”, voire “Yoyo” dans les moments désespérés. C’est un calme, réservé qui fait le pendant avec l’exubérante Milagros, de son nom nom complet. S’appeler “Miracles” (et au pluriel!), ce n’est pas facile à porter ! Ils mettent sur pied une entreprise familiale de services pour les cargos de passage. Et ont besoin de décompresser : quoi de plus décontractant que le passage du canal, je vous le demande ?
Pendant que l’eau monte, le toulineur bulle…
Le pilote aussi….
Le toulineur tient la Belle en laisse encore quelques minutes et la première série d’épreuves sera terminée !
Deuxième et dernière écluse de ce premier jour.
Et l’eau monte, monte, monte…..
On se détache les uns des autres, et à demain !
Nous sortons tout guillerets de l’écluse du Lac Gatun, sur lequel nous passerons la nuit, attachés à une des grosses bouées orange disposées à cet effet un peu partout.
A SUIVRE…A SUIVRE…ASUIVRE…A SUIVRE…A SUIVRE…ASUIVRE…A SUIVRE…A SUIVRE…ASUIVRE…A SUIVRE…A SUIVRE…ASUIVRE…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire