“Pourquoi la mer, bien qu'alimentée par l'eau douce des rivières, est salée? C'est parce qu'il y a des morues dedans.”
Alphonse Allais
“Et un beau filet, s’il vous plait, sans arêtes”. La clientèle du marché aux poissons de Puerto Ayora est très éclectique. Je dirais même un peu surprenante. Bien dressé sur se nageoires arrières, on sent l’habitué, le lion de mer vient faire ses emplettes. Ou plutôt profiter du bon cœur des pêcheurs car il ne paie qu’avec son sourire… carnassier ! Et il a de belles dents…
“Ah, non, pas ce morceau ! J’ai dit du bon ! Ah la la, bouge pas, je vais te monter, il faut tout faire soi-même ici”
Léon le lion fait l’attraction. Avec force grognements pour se faire respecter par les pélicans, lesquels, si ils se tiennent toujours à distance respectueuse, n’en perdent pas une miette non plus. Les pêcheurs débitent les filets en repoussant le museau du cher Léon (enfin, c’est le petit nom que je lui ai donné), qui a bien compris que sa satisfaction gustative passerait pas une certaine patience. Et la cohabitation avec d’autres, otaries et pélicans.
Mais pas avec les humains lambdas, ceux qui n’ont pas de filets de thon à lui donner, et qui, pire, pourraient peut-être même les lui piquer. J’entreprends donc un cours particulier sur la communication non violente avec lui. “Je peux te parler ?”, “!?!”, “Quand tu me grognes agressivement alors que j’essaie juste de te regarder de près, ça me fend le cœur”, “Grougnffff” . “Est-ce que tu peux me parler gentiment?” Et là, il se retourne, excédé et me file un beau coup de dent dans le tee-shirt, sans m’atteindre, puis attrape mon caleçon. Mais juste le tissus. Un avertissement? D’après les voisins, comme je m’éloigne euh… rapidement, il me poursuit furieux et manque de me grignoter la main. Mais je n’y crois pas. Il a compris mon message. Il ne m’a pas mordu vraiment… juste les vêtements… Enfin, bon, je vais peut-être le laisser faire ses courses tranquille.
Tout le monde attend, sagement, comme à la parade…
“Bon, moi, je vous avertis, le premier qui approche, il a droit à un bon coup de bec!”
Les pêcheurs ont une certaine constance. Bien serrés par les pélicans, qui n’hésitent pas à sauter sur les étals et tenter de chiper des morceaux, les otaries dans les jambes qui ne se poussent que mollement. Et les touristes qui les mitraillent !
“Celui-là, je me le fais” … Et gloup. “Houps, quel morceau, ça a du mal à passer” … “Mince, ça coince au tournant”… “Ze suis un peu encombré…”
Mais arrive la tendre Joséphine. Nom donné par les pêcheurs à une charmeuse toute en regards langoureux (vers les filets de whahous surtout) qui aime s’appuyer sur les amis …
Celle-là, elle est pour moi !
C’est une fille, elle est douce et pacifique, elle.
Compulsons notre Guide du Routard (le seul que j’ai) qui explique comment différencier un Lion de Mer d’une Otarie. Le Lion de Mer a le cou plus long, un museau carré (des dents plus grandes!) et c’est un poids lourd. Jusqu’à 200/250kg. La fourrure claire, devenant noire au contact de l’eau. Bon, voyons Léon. Cou long. Museau carré. Gros. Voix forte ! Couleur bof… Il y en aurait plus de 50 000 dans l’archipel! Maintenant, observons Joséphine. Des poils plus longs: ça, je n’ai pas eu le temps de tester avec Léon! Un museau pointu: ah, oui, elle a un petit museau fin tout à fait charmant. Un cou plus court : je dirais pas de cou du tout. Et des yeux plus grands: oh, oui, elle a de beaux yeux (elle sait). Joséphine gagne au charme face à Léon le grognon.
C’est une sacrée chipie qui a réussi à se fourrer la tête dans le sac de déchets, s’enroulant le cordon du sac autour du cou, terrorisant les pélicans qui s’approchent en douce. Et qui, une fois la gourmande retournée à l’eau, n’osent plus s’en approcher, du sac tant convoité….
Le jour suivant…
Luké observait les beaux poissons sur l’étal. Joséphine, rassasiée surement, avait décidé de se dérider un peu. Allez, on joue. Elle passait entre les jambes, repartait, se roulait au sol (bon, ça c’est facile pour elle). Et puis, coup de pompe. La recherche d’un repose-tête. En voilà un qui semble au poil.
“Ah, tu me plais, tu me plais, digue digue dong…”
“Hum… il a le coup de pied exactement comme je les aime”… “C’est doux le poil d’otarie”… “Et chaud”… Elle va se frotter un moment, suffisamment pour que Jeanne prenne un air outré quand nous rentrons au bateau.
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