“Pecunia non olet” “L'argent n'a pas d'odeur” (Vespasien)(sic) (Elle est bonne non, celle-là?)
C’est l’œil vitreux et l’estomac en feu que j’essaie de participer, au moins en restant un peu éveillée, à la navigation de Titumate à Sapzurro, dernier arrêt avant la frontière Panaméenne. Je paye cash mais pas contente du tout, pour cinq journées de folies frituresques. Et autres dégustations alcoolisées. “Ma fille, (j’entends mes parents comme si j’y étais) quand on ne tient pas la route, on ne se gave pas de beignets au fromage, de poissons frits, de noix de coco (pendant la randonnée en forêt, Chino nous ravitaillait en noix de coco tous les 100m…) bien grasse et on ne frime pas en goûtant les vins locaux, l’aguardiante et en sifflant toute seule une Pina Colada bien tassée”… Mais je ne peux même pas me dire tout ça, rien que d’y penser, je défaille… J’ai une nausée ravageuse, des palpitations palpitantes, et cerise qui fait déborder la vase, le fameux et familial malaise vagal - la Dame aux Camélias est de sortie- qui vous laisse comme un vieux flan, avec un tonus d’huitre.
C’est sûr, cette fois, je vais mouriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiir… Et bien, non, ce n’est pas encore pour cette fois. Luké me transporte dans le cockpit, je m’échoue telle une (petite) baleine hors de l’eau, et à l’air, et j’attends. Pendant presque trois jours, ce sera une bonne fièvre pour couronner le tout, et le cœur au bord des lèvres. Très bien, voilà qui a remis les pendules à l’heure et la balance (presque) normale!
Donc, l’arrivée aux Iles San Blas, je n’ai rien vu. Et vous n’en verrez pas plus parce que c’est moi qui prend les photos… Voici quand même une des premières:
Plus de 360 assiettes plates, agrémentées de cocotiers plus ou moins nombreux, entourées parfois d’un lagon turquoise. L’archipel des San Blas joue les Petits Poucet, avec ses iles égrenées le long de la côte Atlantique de Panama, de la frontière Colombienne jusqu’à la “Punta de San Blas”. Nos premières “San Blas” auront tout de la carte postale: les cocotiers, le sable blanc, l’eau claire et les fonds remplis de surprises…
Nous sommes entre deux petites iles inhabitées. Mais le soir, nous voyons passer une lancha de pêche avec une famille à bord Ah, ah, il y a donc des habitants pas loin!
Mais pour le moment nous jouons aux Robinsons, et alternons farniente, plongée (de surface pour moi) et promenade sur l’ile. Enfin, promenade rapide vu la taille de l’ile en question. Mais bon, on met pied à terre!
Il faut noter le regard féroce de la chasseresse en action.
Sur cette petite ile, les poubelles vont être brûlées. Et enterrées. Pas de Nicollin aux San Blas (ce qui est plutôt un soulagement à vrai dire) mais pas de service de voirie non plus! Nous savons que les poubelles sont jetées à la mer, alors autant brûler les nôtres…
Jolies promenades en bord de plage, sur l’ile de… alors là, va savoir! Vu que nous n’avons pas de carte (bravo l’organisation!) alors ça peut être n’importe laquelle sauf Yantupu, l’ile au sanglier (il n’y a pas de sanglier) et Achutupu, l’ile aux chiens (pas de chiens non plus)
Il parait, selon la carte électronique –et oui, tout se perd, on ne navigue plus joliment avec des cartes papiers mais avec un écran moche et le GPS- que nous sommes sur Coco Oeste. Le GPS ne connait pas les noms Kunas, dommage. Dommage aussi que mon appareil photo ne supporte pas l’eau, car un matin, au cours d’une petite ballade aquatique, nous nous sommes retrouvés nez à bec avec une belle tortue nonchalante, broutant son herbier. Et passant sous nos yeux ébahis… deux raies léopards de belle facture!
On ne va pas passer voir les 365 iles, hélas, car il faut avancer… On se force donc. Le danger est d’y être trop bien, devant ces ilettes. Ceci dit, c’est très beau ces iles et leurs cocotiers mais… rien ne ressemble plus à une ile avec des cocotiers, qu’une autre ile avec des cocotiers. Et moi, ce qui m’intéresse beaucoup, ce sont les habitants. Leur mode de vie, leur culture, voire leur gastronomie (je suis indécrottable, je sais)… Et je sais qu’ici, nous allons en avoir plein les mirettes. Depuis que nous entendons parler des Indiens Kunas et de leur vie sur des “iles-habitations”, de leur culture et de leurs traditions plus que vivaces, on y va!
Cap sur Nargana-Yandup, unes des grandes iles abritant un gros village.
Nargana de son nom Espagnol. Mais Yandup de son véritable nom, son nom Kuna. Kuna? Une vague tribu folklorique d’Amérique Centrale? Que nenni. Un peuple, un vrai, qui s’est battu pour sa survie et a gagné armes à la main, son autonomie! Et qui vit chez lui, au KUNA YALA, le pays des Kunas. Prêts pour un petit cours d’histoire? De toutes façons, vous n’y couperez pas… Ici ce n’est pas Christophe qui a découvert le Panama (enfin, découvert, ça fait doucement ricaner les Indiens qui y vivaient depuis presque 15000 ans) mais un certain Rodriguo de Bastidas. Les Kunas, installés à l’époque sur le continent, dans la forêt équatoriale, et près des rivières, résistent aux envahisseurs qui massacrent à tour de bras, et ceux-ci finissent par laisser tomber. Ouf! Un temps passe… La Colombie devient indépendante, tout le monde s’en fiche. Mais gros soucis quand le Panama, qui faisait alors partie de la Colombie, décide de voler de ses propres ailes: les Kunas restent Colombiens ou deviennent Panaméens? En tout cas, Kunas d’abord! Installés sur le littoral peu à peu, à l’embouchure des rivières, ils ont annexé les iles proches. En 1915, le gouvernement décide d’en finir avec ces velléités de traditions à conserver, langue, coutumes etc., et envoie des policiers pour remettre un peu d’ordre. Ceux-ci, comme souvent, prenant leur boulot un peu trop à cœur, vont en faire plus que demandé: humiliations, viols, coutumes interdites, assassinats… Un homme prend la tête de la résistance, puis de la guerre: Nele Kantule. Iguaibiliquina, son vrai nom, descend d’une lignée de “Neles” (à prononcer Nélé), des guérisseurs. Il est lui-même “Nele” et “Igar Wisid”, chaman. Le 21 février 1925, les Kunas proclament la République de Tule. Une grand bataille va opposer indiens et policiers, sur terre et sur mer. Les Kunas avec leurs armes traditionnelles, et les policiers avec… les leurs! Pourtant, le résultat sera la mort de tous les policiers mais aussi de tous les enfants métis nés des viols. Rude époque… Le gouvernement Panaméen a alors la bonne idée de demander la médiation aux USA, et le 27 février 1925, un accord est signé entre les Kunas et Panama: une autonomie est décidée pour 1930, une réserve Kuna créée en 1938,un statut juridique et administratif est mis en place en 1953. Passons sur les détails, disons que depuis 1972, les Kunas ont des députés élus au Parlement de Panama, et qu’ils sont gouvernés par un “Congreso de Kuna Yala”, constitué de trois “sages”, les Sahilas Dummat (Grands Sahilas) qui se réunit deux fois par an.
Les Kunas sont les seuls Amérindiens a avoir gagné leur autonomie. Et le résultat est tangible: les coutumes sont toujours vivantes et respectées, la langue utilisée par tous, le mode de vie, leur religion (même si quelques sectes se sont glissées au milieu), bref,c’est un autre monde …qui fait sa place au milieu du notre, comme on va le découvrir.
Encore un échantillon!
L’arrivée à Nargana est étrange. Des hangars rouillés se profilent, des antennes de téléphone, des maisons de guingois munies de toits en tôle en piteux état. On ne s’attendait pas à ça…
Nargana est entièrement construite, jusqu’au ras de l’eau. Les maisons, sur pilotis s’entassent les unes contre les autres, un enchevêtrement de planches, tolles, plastiques divers. S’en dégage une impression de pauvreté et de laisser-aller étrange. Le bord de mer sert aussi de décharge, avec son lot de bouteilles en plastique, boîtes en polystyrène, sacs d’emballage et autres saletés qui flottent.
Les petits cabanons au bout des pontons, ce sont les toilettes, établies à l’extérieur des maisons.
Toilettes de nouveau riche: toit neuf et fermées!
Nous tournicotons un peu avant de trouver un ancrage bien situé. En face d’un étrange pont piétonnier. Reliant deux parties de Nargana? Pas du tout. Reliant deux iles, à gauche, Nargana-Yandup et à droite Corazon de Jesus (sans rire). Il aurait été grandement préjudiciable que Nargana se prive du Coeur de Jésus. Tout ça nous intrigue au plus au point, une seule solution, à l’atterrage, enfin, à l’abordage, enfin, bon, à terre.
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