“Traverse la rivière avant de te moquer du crocodile.” (Proverbe Africain)
8h, de bon matin, un denier petit tour à Nargana. Une visite à notre boulanger Francophile (et oui, un Kuna qui a appris quelques mots avec les bateaux Français!): la fournée n’est pas tout à fait cuite. Qu’à cela ne tienne, on va aller jusqu’au bout de notre idée: petit déjeuner local! Pour Luké, un œuf frit, mais alors, bien frit: grillé à cœur (!) et pour moi un morceau de pain de la veille joyeusement accompagné d’un vague cube de margarine. Mais le café est bon, et les prix à l’avenant, entre 20 et 50 cents (environ 15 à 20 centimes d’euros) chaque commande…
L’autre côté de la carte du restaurant!
Nous avions prévenu hier soir la serveuse au cas où… Je voulais des pancakes mais elle nous a doctement expliqué que pour les pancakes, il fallait aller à l’épicerie acheter la farine (ça alors!) et que ce serait trop compliqué. Donc que c’était sur la carte mais qu’ils ne le faisaient pas. Nous venons uniquement pour le plaisir de prendre un petit déjeuner dans un village Kuna, alors… Qui nous permet surtout da tailler une bavette avec un Kuna, qui boit son café à la table voisine. “Ah, vous êtes Français?”, “Oui, oui”, “De Paris?”, “Non, de Montpellier”. D’ici à ce qu’il sache où est Montpellier. “Ah, mais j’ai un ami qui habite Montpellier!” s’écrie-t-il ravi. Bon, nous envisageons sérieusement un voyage en Papouasie-Nouvelle Guinée pour enfin être totalement inconnus! Et encore, va savoir, pour peu qu’il y ait un Papou qui connaisse Palavas, il n’y a qu’un pas.
Retour à la boulangerie. Le pain est en fin de cuisson, dans une petite pièce derrière un mur de roseaux. Notre jovial boulanger s’affaire à sortir sa fournée mais il est pressé: au carrefour, un homme souffle dans une conque. Poisson? Non, réunion de tout le village. “Hommes et femmes”, me précise-t-il. “Pour les affaires du village”. Diable, ça ne rigole pas… Nous voyons arriver de petits groupes, chacun avec sa chaise en plastique sur la tête (pour faciliter le transport, c’est tout, ce n’est pas une coutume!) et se diriger vers la maison “des Autorités”. La Maison de Sahilas, des Sages. Réunion du Congreso, c’est à dire de tous les villageois et des Sahilas. C’est là que vont se discuter les litiges, soucis, disputes (même les divorces) mais aussi la vie du village en général: les Chef de maisons, chef de cimetière, chef de cocoteraies et autres, affectent les hommes aux travaux à effectuer pour la communauté, désignent ceux qui vont s’occuper de telle cocoteraie etc.. Dommage que nous n’ayons pas pu y assister (ce n’est pas une animation touristique!). Enfin, nos petits “pains coco” sont prêts, tout chauds, embaumant l’air d’une délicieuse odeur de … pain frais! Notre boulanger pose avec nous, puis nous quitte, sa chaise sous le bras, avec force de “Nuedi!” de notre côté et de “Au revoir, à bientôt” du sien.
C’est grâce à cette inscription que j’ai trouvé la boulangerie!
Et notre boulanger polyglotte.
Une dernière traversée du restaurant –pas de télénovelas ce matin pour cause de réunion- pour atteindre le ponton et récupérer l’annexe. Une dernière caresse à un des deux matous (des jumeaux!) qui se prélassent sur le ponton, et nous quittons Nargana, avec un peu de vague à l’âme. Quel charme envoutant dégage ce village anachronique et rempli d’anachronismes, ses habitants, cette société Kuna si particulière…. Mais nous continuons dans le Kuna Yala, direction Carnitupo, l’île d’en face!
Changement total de décors. Canirtupo est une île inhabitée, avec un splendide mouillage aux eaux turquoises. Ce qui explique la présence de plusieurs voiliers… Français pour la plupart.
Quel plaisir de se baigner dans cette eau certes plus fraiche qu'aux Antilles –dans les 26° environ- mais claire, agréable! Nous barbotons un moment. Deux pêcheurs arrivent en pagayant dur, le courant est fort et ils sont très déçus que nous ne soyons pas intéressés par leurs langoustes. Pfffffou, de la langouste… encore ils auraient pêché un gigot. Mais comme d’habitude, ils n’insistent pas et nous saluent avec un grand sourire, quand, au moment de partir, l’un des deux demande si notre coque n’a pas besoin d’un bon grattage? Il a du voir, après le séjour à Cartagena dans les eaux glauques de la baie que, en effet, ce ne serait pas du luxe. “20$US” dit-il “pour les deux coques”. Fort bon prix! Ils sautent à l’eau dans leurs vieux slips pendouillants, et commencent à gratter (Luke fournit grattoir, éponges métalliques etc) avec ardeur. Ils vont gratter pendant deux heures, ne ménageant pas leurs efforts. C’est un travail dur et pénible et les palmes du plus âgé ont été recousues! Luké ne résiste pas et lui offre une des paires de palmes que nous avons en supplément. Je leur prépare un sac avec deux bouteilles d’eau et deux pains chauds, ils ont fait un super travail. Ils repartent finalement très contents, toujours avec les langoustes qui ont du prendre un bon coup de soleil, au fond de la pirogue!
Pendant que je travaille (moi) sur l’ordinateur, écrire, écrire et encore écrire, le Capitaine part visiter l’île… En fait, les Français ont organisé un barbecue sur la plage et il ne peut pas résister à un bon papotage! Jeanne est de la partie car à Nargana, elle n’est pas descendue à terre, trop de chiens, même attachés. Au bout de deux heures, je les vois revenir, excités comme des puces. Jeanne parce qu’elle a eu droit une part du barbecue (elle a fait “sa sucrée” à tout le monde, comme dit ma maman, et a eu ce qu’elle voulait). Et Luké avec de terribles histoires.
Non, non, avec Luké ce n’est pas un Kuna du tout…
L’histoire de Rocco le Croco! Entre ces trois ou quatre iles, un vieux crocodile de mer, vieux mais rapide, écume les eaux et les plages, à la recherche du moindre butin. Sous forme de chiens en général. Un couple de Français qui vit ici sur son bateau depuis plusieurs années en a été témoins plusieurs fois. Des histoires affreuses de chiens nageant pour retourner à bord et se faisant happer par la sale bête. “Ah, mais” dit Luké, “nous n’avons pas ce problème: Jeanne déteste l’eau!” Qu’à cela ne tienne, Rocco va sur la plage, lui. Et il court vite quand c’est l’heure du diner. Il n’y a qu’un endroit à peu près tranquille, tout au bout de la plage: il y a un haut fond et on le voit arriver de loin. Mais si il est planqué dans la cocoteraie…. Et il y a aussi une heure à éviter, la tombée du jour, l’heure de la bouffe. Nous apprenons qu’à Nargana chaque semaine quelques chiens se font boulotter et comprenons maintenant pourquoi ils sont tous attachés, ou dans les pirogues! Les Kunas tiennent à leurs chiens visiblement. D’ailleurs nous n’en avons pas vu de famélique!
La promenade matinale de Jeanne se fera sous escorte rapprochée, l’œil et l’oreille aux aguets. Nous croisons quelques gros lézards, des crabes mais pas de Rocco. En fait il vit sur l’ilot en face, à 200m. Et fait le tour du propriétaire tous les soirs ou presque, nageant paresseusement entre deux eaux, allant de Nargana à Isla Verde, puis Canirtupo. Les voiliers à l’ancre le voient zigzaguer entre les coques, assurant son territoire. Mais Luké n’est pas tranquille. Si le bestiau surgit brusquement, il ne se voit pas en Indiana Jones se jeter dessus pour le ceinturer. Et à la course il n’est pas sûr de gagner, Rocco est un croco de terrain. Promenade écourtée: on se retrouve pratiquement dos à dos, l’un scrutant les fourrés, l’autre la mer, assurant la sécurité du potentiel mais non consentant –et hypothétique- petit déjeuner du Sieur Rocco. J’entends d’ici la question: pourquoi Rocco? Personne ne sait. En tout cas, personne n’ira voir si son petit nom lui a été attribué en “hommage” à son homonyme Italien…
Même pas peur!
Par contre nous verrons avec stupeur deux dauphins se promener le soir et encore le lendemain matin, chasser, sauter au milieu des bateaux. C’est la première fois que je vois des dauphins dans un mouillage! C’est dire la tranquillité des lieux….
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