jeudi 13 janvier 2011

NARGANA Y CORAZON DE JESUS… Du 13 au 15 janvier 2011

“J’ai rencontré Isocèle, il a une idée pour un nouveau triangle” (Woody Allen - Destins Tordus)

 

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Ah, ah, me direz-vous, mais quelle est cette mégalopole nantie d’un superbe plan sur lequel nous pouvons lire “Hôtels”, “Boulangeries” et “Super Mini” (avec le petit caddy qui veut dire supermarché!) ???  Lire, oui, mais après, on peut toujours chercher! Sûr, des hôtels (enfin, des maisons qui proposent des chambres) des boulangeries, et des boutiques il y en a. Mais entre le plan fabriqué “à l’étranger” et la vie locale, la différence est aussi grande qu’entre la navette spatiale (un engin hyper moderne qui ne nous sert à rien) et une charrette à âne. A Nargana, il y a une petite piste d’atterrissage pour les coucous qui apportent quelques touristes, un ponton en béton pour la lancha qui fournit bananes et riz, la maison du Sahila (la préfecture en quelque sorte). Et le fameux pont qui relie Nargana à Corazon de Jésus. Pour nous, l’arrivée se fait en passant à travers le jardin et l’atelier d’un sympathique garagiste: pas de ponton pour les annexes. Les maisons occupent tout le bord de mer, et, comme on l’a vu avec les toilettes, empiètent le plus possible sur l’eau. Ensuite, nous traversons un charmant restaurant…et nous voilà dans le village. Nouvelle surprise….

DSCN4252Ponton du restaurant: il faut choisir, traverser chez l’habitant ou traverser la “cuisine-salle familiale” du restaurant pour accéder au village…

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La façade du restaurant, côté village, est joliment décorée, l’endroit est agréable! Et le Papy devant lequel nous passons à chaque fois, entre son fauteuil et sa télé, vraiment sympa!

Puis il faut longer le collège, qui scolarise les ados de toutes les iles du coin. Enfin, ceux qui ont les moyens car il n’y a pas d’internat et il faut payer un logement aux élèves. En ce moment, ce sont les vacances, de mi-décembre à fin février.

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Et Nargana se dévoile…

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Des rues en terre battue, des huttes traditionnelles en bambous et toits de palmes, une atmosphère d’un calme et d’une sérénité uniquement troublé par quelques décibels (ben oui, on est quand même en Amérique Centrale, et si il n’y a pas de la musique à fond les manettes, c’est qu’on s’est trompés) et le son des … télénovélas! On peut facilement suivre les feuilletons en se promenant, l’isolation n’est pas le fort des maisonnettes en bambous.

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DSCN4105DSCN4107L’intérieur du village est propre, nous verrons des femmes balayer la terre battue devant la maison, et des hommes s’occuper de plantes, des bouquets de “foulards” , la cordyline (famille du yucca, le seul à pousser sur le sol aride!), plantés amoureusement autour de l’entrée. Et juste pour faire joli, pour le plaisir (l’un des propriétaires répondant à ma question!). Pas de voiture. Pas de mobylette. encore moins de vespa, et même pas de vélo! Les maisons en ruine autour de l’île, celles qui se trouvent au bord de l’eau (utilisée comme décharge) semblent être un essai non transformé “d’évolution de l’habitat”, et puis, retour à la hutte, bien plus pratique en ce qui concerne l’entretien (bambous et palmes, c’est plus simple que ciment et toit). Le reste du village, les constructions traditionnelles, ne sont pas toujours aux normes Européennes, c’est vrai, mais en général, tiennent debout! Entre de larges “avenues” de terre battue, les huttes sont serrées comme des anchois. Séparées par des ruelles où une personne passe à peine à la fois, et en position Egyptienne en plus. 

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DSCN4108 Malgré ce qu’on pourrait croire, c’est du solide et ça dure des années!

Traditionnellement, l’enclos abrite trois huttes: une grande, “salle de jour” puis “salle de nuit” quand les hamacs sont accrochés pour dormir. De la même façon que chez les Emberras, pas d’armoire ni de placards: les vêtements sont suspendus au plafond. La hutte moyenne, c’est la cuisine. Enfin, la petite hutte, souvent sans toit, ce sont les toilettes. en général, et si possible, elle est au bout d’un petit ponton, sur pilotis et sur l’eau. Les huttes sont construites en bambou, roseau et palmes, par les hommes du village, et c’est le “Chef des Maisons” qui, après autorisation de la Communauté, fixe date et emplacement. Le plan d’occupation des sols n’est pas un vain mot ici, car le sol est très occupé!

DSCN4104Malgré ce qu’on pourrait croire, chaque hutte bénéficie de l’électricité, de la télé et personne n’est électrocuté!

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Même celle-ci, qui a pourtant du vague à l’âme.

Il y a quand même un genre de 5è Avenue ou de Champs Elysées avec des “maisons bourgeoises”, en dur, repeintes, entretenues. Le nom du propriétaire est peint sur la façade, en grosses lettres. Pour faciliter le travail du facteur?

DSCN4122 Au milieu du groupe de maisons, et de huttes, une place, pas très arborée mais avec bancs et statue.La statue de Carlos Inaediguine Robinson, qui a œuvré pour l’éducation de ses concitoyens. Il n’a pas l’air commode…

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Enfin, les fameux “Super Mini” –nom des petites des supérettes, très répandues en Colombie et à Panama. Mais oui, elles sont là, les …euh…”supérettes”, en tout cas elles en ont le nom: le tout est de les voir. C’est un peu comme la chasse aux langoustes: il faut avoir l’œil et le bon pour repérer les antennes qui dépassent. Ici, il faut repérer la petite ouverture, un comptoir ou simplement une petite fenêtre taillée dans la cloison en bambou, donnant vue sur la boutique: un recoin, une petite partie de la maison du propriétaire, séparée par des tissus suspendus souvent, avec quelques étagères, des sacs pendus remplis de produits divers vendus à l’unité.DSCN4239

DSCN4206  DSCN4116On en a trouvé au moins trois,

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“Aujourd’hui, on ne fait pas crédit, demain, si!”

Pourtant, ils ont du trop faire crédit car la boutique est fermée “depuis longtemps” nous dit un voisin! Dans ces boutiques, les habitants peuvent acheter en particulier des œufs, du fromage en tranchettes sous cellophane (genre morceau de plastique pour hamburger), à la pièce (15 cents!), des piles (vendues déjà déchargées sous blister: on témoigne!), des biberons, et surtout des milliers de mini sachets d’infâmes biscuits apéritifs, crackers et autres chips bien grasses ingurgités à tour de mâchoires par les Colombiens et les Panaméens, adultes et enfants, à  longueur de journée. La minceur légendaire des Kunas est en danger.

Il n’y a pas que la minceur qui soit en danger… Le monde moderne est entré comme une bombe explosant sur cette société traditionnelle, et le résultat est là, comme dans la plupart des zones un peu reculées de ces contrées: poubelles jonchant des bords de mer qui, jadis servaient bien déjà de dépotoir, mais pour des emballages en feuilles de bananier ou de coco. A présent, tout se vend emballé et l’emballage subit le même sort “qu’en tan lontan” comme on disait en Martinique (où le même phénomène sévit…). Télé et musique hurlant dans les huttes. Et téléphone! Le miracle du siècle est arrivé ici. Après tout, il n’y a pas de raison, et Nargana s’enorgueillit d’un très typique “centre de communications”.

DSCN4205Qu’entrevois-je, caché par quelques bambous ? Des fanions Digicel ?  Cela voudrait laisser penser qu’il y a moyen de téléphoner ? Alléluia ! DSCN4245Mais oui, après contournement de l’abris, je vois: une table, une vendeuse qui somnole derrière des cartes de téléphone et des paquets de chips à vendre, et des cabines. C’est bien un “Central Téléphonique” si je ne m’abuse. Hélas, oui, je m’abuse. Après avoir acheté tout guillerets une carte Digicel, nous nous dirigeons vers une cabine Digicel. Qui ne prend pas les cartes. Voyons la seconde. Non plus. La petite dame nous dit que “no marcha”. Ah bon? Alors pourquoi elle vend des cartes? Parce que ce sont des cartes pour recharger les cellulaires. Pas pour téléphoner avec ses téléphones, banane! Nous sommes perplexes… Nous avons donc une carte pour téléphone cellulaire mais pas de cellulaire Panaméen. Et ces cabines … pourquoi? J’apprendrai plus tard que les cabines sont “réservées” pour les Kunas qui attendent des appels. Donc, on ne s’en sert pas au cas où quelqu’un appellerait d’une autre ile, ou de plus loin. Mais qui a filé le virus du téléphone à des gens aussi sains que les Kunas?

Sains et d’une gentillesse qui surprend les sauvages de la ville que nous sommes. Dans une épicerie-bar, nous nous arrêtons pour boire un Coca (c’est ça ou de la bière à 14h, en plein cagnard…) et… regarder un documentaire à la télé. Les jeunes Kunas rassemblés, après leur entrainement au basket, devant le poste ce jour sont devenus imbattables sur le rôle de la SNCF dans les déportations des Juifs et l’utilisation odieuse des trains français par la direction pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le documentaire est en Français, sous –titré en Espagnol. Ben ça alors… L’INA a fait des soldes d’hiver?  On se scotche avec les jeunes: qui aurait pu prédire que nous écouterions une émission en Français au milieu des San Blas? Et qu’en plus, on apprendrait que la SNCF n’avait pas eu un comportement des plus honorables pendant la guerre (la SNCF, pas les cheminots!). Il a fallu aller se perdre au fin fond de la Caraïbe pour découvrir tout ça…  Luké, qui se lasse avant moi, demande à la patronne “où pourrions-nous bien téléphoner avec notre fameuse carte” ? Mais ici, voyons! Elle va nous prêter son téléphone, le charger avec notre carte et nous auront 10mn de conversation avec la France! Enfin des nouvelles, à donner et recevoir avec la famille, voilà qui requinque les troupes affaiblies.

Traversant Nargana, nous empruntons le pont tout neuf.

DSCN4110Le pont de l’Amitié est aussi le pont de la Sécurité: pour les “bourrachos” en particulier qui avaient tendance à choir malencontreusement à l’eau quand les agapes étaient trop fortes. Ce joli pont avec rambarde remplace la passerelle sans garde-fou que nous apercevons toujours dessous. De l’autre côté, Corazon de Jesus possède le terrain de basket, où une équipe de jeunes sous la houlette d’un (très bon) entraineur tapent le ballon l’après-midi.

DSCN4113Bon, là, ils ont fini…

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                                                        Les bureaux de l’aéroport                                      et un restaurant “surprise”: on ne connait que les horaires!

Nous flânerons dans Nargana et Corazon chaque jour. Et toujours intrigués par la “cohabitation” des traditions Kunas avec le modernisme extérieur. Les Kunas qui ont su résister aux Conquistadors en tous genres, au gouvernement Panaméen qui a essayé de les assimiler de force, et même aux différentes églises et sectes (Il ne faut pas croire que c’est parce que le village s’appelle Corazon de Jesus que les habitants ne pratiquent pas leur religion ancestrale…) vont-ils se laisser fondre dans un autre monde, rempli de téléphones, et de télévisions? Pour le moment, les Anciens veillent au grain, mais les jeunes eux, se tournent naturellement vers l’extérieur. Nous rencontrons plusieurs étudiants qui connaissent…Montpellier eux aussi (décidément, Montpellier est en passe de devenir le centre du monde) pour avoir fait partie de programmes d’échanges avec la France. Et aussi Federico, dont la fille, Kuna est professeur de Français à Panama City, s’est mariée à un Français et vit maintenant en banlieue Parisienne (la pauvre…). Nargana est, d’après notre amie Coco qui connait ces iles et ce peuple depuis des années, la “moins Kuna” des iles. Qu’est-ce que ça va être quand on va découvrir les autres?

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Vers midi, des femmes accompagnées d’enfants portant une casserole, une boîte en plastique, ou un saladier se dirigent vers une vaste hutte, à l’entrée de Corazon. Un repas communautaire? Presque, nous explique une petite dame: le village offre chaque jour un repas vitaminé à base de tapioca à tous les enfants de moins de 10 ans du village. Pour compléter des repas parfois peu nourrissants et contrer les effets néfastes des fritures et chips en tout genre…Les rentrées d’argent des communautés sont constituées entre autres par les taxes que les touristes payent pour venir visiter les iles, que les bateaux payent aussi: en général 10$US par bateau, quand on arrive dans un village. Les enfants s’amusent un peu partout. On les voit passer par ici et repasser par là. souvent accompagnés de leurs chiens, tenus en laisse parfois, portés, surveillés. Les Kunas vivent, même à Nargana qui est loin de leur habitat traditionnel, près de la nature et des animaux. Les chiens font partie de leur vie et nous en verrons souvent naviguer en pirogue, avec leur maitre!

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Non, les Kunas ne sont pas les hommes bleus de Panama. J’ai juste voulu essayer la fonction “Crépuscule” sur mon appareil photo. Ou Nikon a une idée du crépuscule très différente de la mienne, ou je n’ai rien compris au réglage. Qui a dit “Solution N°2” ???

Et un soir, grande soirée restaurant! Le Nali’s Café, depuis qu’on le traverse pour passer… Nous nous y arrêtons pour manger!

DSCN4228Avec des nappes et tout…

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La carte est …simple: soit poulet avec frites, riz ou “patacones” (bananes plantain en galettes frites), soit poisson avec frites, riz, ou bananes etc., soit la même chose intitulé: crevettes ou poulpe! Question simple: oui, mais comment c’est préparé? Frit, sauté, en sauce, que sais-je ??? Regard effaré de la charmante serveuse. Je sens que la question l’a déstabilisée. “Parce que c’est cuisiné”, se dit-elle, “Ciel, je vais demander”. Le cuisinier, enfin, son mari qui officie en cuisine, arrive, tout sourire et déclare, en gros: “Et bien, comme vous voulez”. Que demander de plus? Avec de l’ail c’est possible? Bien sûr! Sauté à l’ail, ça semble une demande raisonnable. Faisable. Envisageable. Voilà une nouvelle formule de restauration, vous choisissez le plat et vous choisissez la manière de le préparer. Une idée à développer. Bon, il faut s’attendre à poireauter un peu. Voire beaucoup. Mais faut c’qui faut! Nous avons eu de la chance, comme nous étions les seuls clients, nous n’avons attendu qu’une heure… La lecture attentive de la carte –il faut bien occuper le temps- nous fait envisager un autre rendez-vous gastronomique de l’extrême: le petit déjeuner un de ces matins! Charly frémit de peur et laisse tomber, nous on y ira!  

Près du pont, la maison des Sahilas abrite aussi la boutique officielle de vente de riz, alcools et bières. Un petit entrepôt avec reçus et caisse officielle. Après avoir fait une sage provision de bières Balboa, nous rentrons nous reposer car demain, grande sortie en annexes, et remontée sauvage du Rio Diablo. Diable, sacré affaire!

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Mais avant, nous allons avoir la visite d’Edicia et du petit Wilson, arrivés en pirogue d’une ile voisine. Notre premier achat de Molas… Ah, les Molas!!!! Ils méritent un article à eux seuls, avec ces dames pimpantes dans leur costumes traditionnels colorés, sans oublier les bracelets en perles.

Premier mola avec une Kuna

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