Ce qu'il y a de plus beau dans la navigation, c'est de débarquer.
(Benoîte Groult)
Monter le grand escalier du Festival de Cannes en foulant un vulgaire tapis rouge, c’est de la gnognotte à côté de l’accueil que nous ont réservé Rafaël et sa famille! A peine sommes nous en vue que Belle de Lune et Mojito sont mitraillés par des paparazzis enthousiastes. Et dès l’ancre posée (dans un mouillage sportif, il faut bien l’avouer), Andrès et Dario viennent nous saluer à bord de leur kayak.
Et nous inviter à terre, où le reste de la famille trépigne. Pas d’hésitation ! Luké descend notre annexe: Titumate, on est enfin là !!!!!!
Rafaël et Cecilia possèdent une adorable “cabana” sur le bord de mer. Une “cabana” (pronocer “cabagna”) est une petite maison de vacances, qui peut aller du bungalow pour touristes à la “Finca” de plusieurs hectares, vaches comprises. Celle-ci est une jolie maison en bois, avec véranda, genre western, une grande salle-cuisine, deux chambres, salle de bain. Le tout au milieu d’un jardin superbe, face à la baie. Et remplie de trésors d’artisanat local, chaleureuse et accueillante. Mais pas autant que la famille qui y vit! Comment décrire avec des mots la gentillesse, la disponibilité, le sourire (et les rires!) , bref l’accueil extraordinaire que nous font Cecilia et Rafaël, leurs fils Andrès et Camillo, leur belle-fille Jenifer, et Dario, l’ami qui fait partie de la famille? Sans oublier leur superbe petit-fils Mateo! Ils nous attendent depuis le mois de novembre et craignaient de ne plus être à Titumate à notre arrivée. Sauvés par le gong: ils sont encore là pour une semaine! Ouf!
Le jardin, avec un bois flotté “sculptural”.
Tout commence par un excellent café (le meilleur du monde, comme le dit si bien Guillermo, à Palavas!) et des jus frais maison délicieux: le jus de Corossol en particulier est une petite merveille! Première visite du village dans la foulée. Titumate, donc, c’est le bout du monde. Même pas le bout de la route puisqu'il n’y en a pas, de route. Un village d’agriculteur et de pêcheurs, isolé, familial, sans soucis de violence ou autre délinquance: le moindre geste est à la vue de tous, et tous se connaissent! Pauvreté mais pas misère, les habitants ont peu, très peu de biens matériels pour certains, mais tout le monde à un toit, et de quoi manger. Bien sûr, peu d’instruction en dehors d’une école primaire délabrée et aléatoire. C’est pourquoi Rafaël a créé la “Fundacion Ninos del Darien” , la Fondation des Enfants du Darien (le Darien est le nom de la région). Depuis presque 20 ans qu’il se consacre à Titumate et à ses habitants, en particulier en tant que médecin aux enfants, il a constaté que les jeunes du village n’ont pas de possibilité d’ouverture sur le monde, pas de songes d’avenir ni de rêves de changement: les filles vont –très jeunes- faire des enfants, et les garçons de l’agriculture et un peu de pêche. Les premiers projets de la Fondation ont été une bibliothèque, qui se remplit peu à peu de livres et d’ordinateurs, un “Parque infantil”, terrain de jeux pour les plus petits et un plateau sportif pour les plus grands. Les fonds proviennent des dons des amis, et par exemple, de concerts de musique à Medellin. Peu de moyens mais de belles réalisations, certaines en cours de finition. Le dernier projet est la construction d’une cantine scolaire correcte.
La bibliothèque et le parc de jeux, très animé en fin de journée!
L’école primaire, catholique: pas de plan vigie Pirate, pas de portail… Et pas grand chose dans les classes à part des chaises-tablettes. Ce sont les vacances, des grandes vacances de 2 mois. La question est: Y aura-t-il un enseignant pour chaque classe à la rentrée? Qui va accepter de venir au bout du monde?
La cantine actuelle: un préau avec un foyer au feu de bois pour cuire du riz-poisson, et l’évier-lavoir en béton. A droite: les blocs pour construire la nouvelle cantine. La Fondation prend en charge la construction d’une vraie cantine scolaire avec un coin cuisine et un autre pour laver la vaisselle. Avec le maximum d’hygiène possible. Mais pas encore assez d’argent pour tout acheter. Les enfants viennent parfois de loin, et surtout de “compliqué” pour aller à l’école. Ils habitent des petites fincas éloignées, ou le village Indien, avec un fleuve à traverser. La Fondation a acheté des vélos pour les longs trajets et les élèves arrivent le lundi et repartent le vendredi, à bicyclette! Et “fiers comme des bars tabac”…
La visite du village continue.
Grand’rue et maisons en béton, ou chemins serpentant à travers les terrains très vagues, cases en bois, Titumate a son centre ville, et son faubourg! Le centre ville, c’est l’église bien sûr. Simple dalle de béton surmontée d’un toit de tôle, la petite église se trouve au point névralgique du village: devant le terrain de foot! Chaque soir ou presque, d’acharnées parties de ballon rond réunissent à peu près tous les jeunes adultes. Enfin, ceux qui n’ont pas encore été rattrapés par l’ingestion un peu trop régulière de bière fraiche.
L’église et le terrain de foot: personnel municipal employé aux espaces verts en train de tondre la pelouse!
Il ne faut pas croire: la vie nocturne de Titumate existe! L’un des deux épiceries fait aussi bar-discothèque. Et oui. Les soirs de week-end, les gros haut-parleurs sont sortis sous la terrasse, alignés et posés les uns sur les autres, genre “mur du son” (il y en a un certain nombre), et les clients s’installent sous les arbres pour siroter tandis que les danseurs se pressent à l’intérieur pour s’agiter. Personne ne peut placer un mot, le bruit (peut-on encore parler de musique?) est assourdissant. Mais l’ambiance bien sympa et bon enfant. D’ailleurs, tous les gamins sont là! Pour le moment, nous sacrifions au rite de la petite bière fraiche…
La discothèque, comme le reste de la population est tributaire de son groupe électrogène pour avoir de l’électricité. Normal, si on veut de la bière fraiche, faut investir. Quelques “riches” habitants possèdent aussi un petit groupe et revendent de l’électricité aux voisins qui ont les moyens. Les autres s’éclairent à la bougie… ou à la lueur de l’éclairage public, quand il y en a. Et pendant les heures d’ouverture! L’électricité publique est allumée le soir de 18h à 22h. Point. Et quand la ville dont dépend Titumate n’a pas oublié d’envoyer la barge avec les bidons de gas-oil. Au bout du village, dans une petite construction, se trouve le gros groupe électrogène pour les lampadaires des rues. Quand il n’y a plus de gas-oil, il n’y a pas de lumière le soir!
Sur le chemin du retour, Dario grimpe au papayer avec une dextérité qui nous laisse cois…On va manger de la papaye verte!
La Cabana, le soir.
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